FORMES MUSICALES CONCENTRIQUES
Antiques musiques rituelles
 

Les principes concentriques et cycliques se sont probablement développés à partir des anciennes musiques rituelles pour gongs de bronze, associées au pouvoir royal. Ces musiques concentriques de carillons obéissant à l'idéologie hindou-javanaise font contraste avec les musiques populaires, de forme souvent linéaire et où dominent les claviers de lames (d'abord en bambou, puis en métal).

Sonneries des carillons archaïques

Les musiques des grands carillons sacrés hérités de l'ère hindou-javanaise sont totalement symétriques, cycliques et répétitives : tous les éléments y ont une fonction colotomique. Presqu'aussi dépouillées que des signaux sonores, ces musiques jouent un rôle comparable aux sonneries de cloches en Occident:
elles signalent les rites en cours, comme le font les métriques des tambours à fentes kulkul;
elles renforcent l'impact psychologique spécifique à chacun de ces rites, grâce au caractère propre à chaque ensemble et à son répertoire particulier, dû au choix des timbres, des tessitures, des tempi et de colotomies plus ou moins saturées de vibrations.
[A2.4.b gong et signalétique sonore]
Implicitement ou secrètement, le choix des degrés mélodiques a peut-être été fait en relation au
système de correspondances symbolique entre les notes de musique, les divinités hindoues et les éléments de la nature, ce qui accorde une fonction magique à la musique.


Les plus anciens carillons de gongs conservés figurent au rang des trésors dans les palais de Java. Ce sont des gamelan avant la lettre, ou proto-gamelan, dont les formes musicales simples et efficaces préfigurent celles du gamelan au sens restreint. Ils sont au nombre de trois :
le Kodhok Ngorek("Chant des batraciens") à 2 notes, joué notamment lors des mariages - les crapauds sont symboles de fertilité;
le Munggang ("Voix du tigre") à 3 notes, semblable au gamelan Lokananta des dieux et associé à la capture d'un tigre par les troupes royales;
le Carabalèn ("A la manière de Bali" ou "A la manière martiale") à 4 notes, martial et souvent joué en procession; effectivement il ressemble au gamelan Bebonangan balinais qui joue le Balaganjur et qui possède la même fonction

| 2|, ainsi qu'aux musiques de danses guerrières [Voir Gilak Baris et Baris en notation concentrique ci-dessous et dans le gamelan mécanique, qui utilise le Gong Kebyar moderne].



Leurs caractéristiques musicales

Traits physiques
les ensembles sont composés de gongs en bronze, souvent énormes, verticaux et horizontaux, les uns isolés et non accordés, les autres en série de 2,3 ou 4 notes.
un tambour au son très grave y joue un rôle sommaire, de ponctuation; l'adoption du tambour de mosquée dans cette fonction évoque de plus près encore une origine signalétique de la musique de gamelan.


Structure sonore
Les 2, 3 ou 4 notes ne constituent pas un parcours mélodique indépendant, mais une transposition du principe colotomique dans des sons accordés ("hauteurs" de son en regard du système occidental, "couleurs" de sons dans la symbolique locale).
- chaque note est associée à un
niveau de subdivision du cycle gongan, de même que les timbres de la colotomie (gongs non accordés);
- les notes n'apparaissent pas comme des degrés appartenant à une série/échelle, elles sont encore individualisées et porteuses d'un caractère propre à chacune, comme dans le
système de correspondances symbolique.
Jamais le même son (note ou timbre) n'est répété consécutivement, tous les éléments alternent (motif des crapauds, pancer...), dans une intercalation générale; le geste musical sur les instruments exécute une frise crantée plutôt qu'une ligne.
La musique est contenue dans un gongan très concis, répété extrêmement longtemps, généralement en accélération progressive à partir d'un tempo très lent, ce qui crée une concentration, une densité, une tension croissantes.


Ce mode de traitement du temps cyclique constitue le fondement structurel des musiques de gamelan et génère l'organisation formelle des mélodies propres aux percussions (carillons en premier lieu).
 

Notations concentriques des formes anciennes

Mode d'emploi des notations concentriques
La lecture doit s'effectuer par rayon, en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre (quoique dans les musiques des carillons Pakurmatan, la musique soit identique dans l'autre sens). Tous les sons notés sur un même rayon sont joués simultanément.
Du centre à la périphérie, les strates concentriques s'étagent du plus stable et rare (les graves) au plus animé et profus (les aigus).
La place des sons sur les cercles concentriques est la donnée de départ, arithmétique. L'analyse en tire les formes géométriques des strates, avec une part d'initiative de l'auteur de la transcription visuelle : en effet, selon les formes musicales, ce sont soit des formes étoilées, soit des formes architecturales à angles droits qui sont le mieux adaptées. Toutes les formes musicales auraient pu être représentées en rosaces et en motifs floraux.
 





Représentation schématique, sur un seul cycle gongan
.
Tous les sons placés sur un même rayon sont frappés simultanément. Les rayons sonnent successivement, dans le sens des aiguilles d'une montre.


Légendes
_


Java
Gamelan Munggang, pièce Munggang "Voix du tigre"
(Notation sous réserves, les documents donnant des informations contradictoires)

Notations concentriques de la pièce Munggang pour carillon Munggang "Voix du tigre", un des trois proto-gamelan Pakurmatan. On le joue lors des rituels royaux à Java Centre et sur la côte Nord, notamment en procession, mais autrefois il était sonné lorsque le peuple et la cour étaient invités à voir les armées du souverain capturer un tigre sur la grand-place.

vers l'aigu, intervalles proportionnels
entre les notes des carillons de gros gongs horizontaux.

cymbales. Leurs frappes se resserrent à l'approche du retour au gong;
c'est l'unique disymétrie dans la musique.
 
Timbres non accordés de la colotomie :

petit gong vertical penontong

gros gong horizontal kenong japan

grand gong ageng, vertical








1 Représentation fondamentale.
La roue, le rouet ou la roue à carillon.




2 Représentation architecturale.
Les strates des toits ou des terrasses figurent les géométries des parties instrumentales, leur organisation temporelle; les sons en constituent les piliers.
Au centre (ici le faîte du toit ou son aplomb), le son multiple du gong est dépeint par l'alliage des couleurs des notes, comme dans le système symbolique.
La note noire est la principale : note de gong et de point médian, aux piliers de la poutre maîtresse.
La note blanche soutient le milieu de chaque moitié de cycle.
La note rouge, aux angles, renforce les kenong au milieu des quarts de cycle.
Les cymbales sonnent tous les points de la rose des vents; on peut considérer aussi qu'elles font un parcours giratoire autour du bâtiment sonore.




3 Intercalations.
Les flèches signalent tous les motifs des crapauds imbriqués les uns dans les autres, qui créent la balance des éléments.




4 Intercalations, représentation en mandala.
Le chevauchement des strates colorées montre la géométrie et l'intercalation des parties/strates instrumentales.







5 Représentation complète.
Il y a deux gong sonnant en alternance (le plus grave ouvre et clôt); le motif complet se déroule donc sur deux des cycles gongan représentés en a,b, c et d.
Les trois notes sont doublées à l'octave supérieure par un carillon de plus petits gongs horizontaux, dont les strates géométriques ne sont pas dessinées ici.




Kodhok Ngorek
Sur le plan structurel, la musique du proto-gamelan Pakurmatan Kodhok Ngorek ressemble à celle du Munggang. Elle en diffère principalement par les traits suivants :
seulement deux notes, si bien que toute la musique n'est qu'un motif des crapauds répété;
une tessiture plus aiguë, du fait d'instruments moins gros.


Carabalèn : il a fourni le modèle de la forme javanaise Gangsaran, proche du Gilak Balaganjur balinais
| 2| et dont, par conséquent, la transcription en notation concentrique donne un résultat presque identique au Baris ou Gilak Baris balinais.

FORMES MUSICALES CONCENTRIQUES
Formes concentriques à mélodie
 
  Le fait que les mélodies linéaires et asymétriques soient nombreuses ne doit pas cacher que toutes les musiques de gamelan "au sens restreint" sont cycliques au moins par la colotomie et concentriques dans leur forme générale.

Elles sont souvent aussi pluri-cycliques grâce des mouvements mélodiques rétrogrades (motif des crapauds et motifs plus étendus) créant des sous-cycles mélodiques dans le cycle global gongan
[A2.5.c : pivots et symétries].

Héritage des conventions archaïques

Beaucoup de musiques pour gamelan, même profanes, restent très proches du modèle de ces carillons sacrés :
à Java, tous les Gangsaran, les Ladrang (notamment le jeu "géométrique" des carillons), les Lancaran à condition que la mélodie ne soit pas empruntée au chant;
à Bali, les formes Tabuh Telu et Gilak, et bien d'autres;
à Sunda, les formes Sekar Alit ...


Voir :
- le Rèntèng Cirebonan
| 22|,
- le système sundanais [A2.5.c : pivots et symétries],
- le
gamelan mécanique, notamment la forme courte Sekar Alit ("Petite fleur") du Degung.].

Non seulement la
colotomie, mais les principes de symétries mélodiques sont héritées des proto-gamelan Pakurmatan. Ce fond est commun aux diverses régions.

Exemple d'un Ladrang javanais
d'après la notation sur portée, en clé de sol, de Judith Becker, University of Michigan, 1979.

Ce Ladrang (Agun-Agun) possède un contour mélodique entièrement symétrique, identique à celui de la pièce d'Angklung balinais
[A2.5.c : pivots et symétries].
Comme Judith Becker l'explique, ou comme le montre le système sundanais, le contour mélodique de base (de "ré" à "ré", note de gong et de point médian) est complété par remplissage, avec l'attribution d'un degré mélodique spécifique à chacune des subdivisions du gongan : hiérarchiquement "ré", "mi", "la" puis "sol". Ci-dessous, de haut en bas, de la colotomie au parcours mélodique complet, le remplissage progressif.
G = gong, N = kenong, gong horizontal


Ajout des degrés aux subdivisions du temps


G/N

 

 

 

 

 

 

 

N

 

 

 

 

 

 

 

N

RE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RE

 

 

 

 

mi

 

 

 

 

 

 

 

mi

 

 

 

 

 

 

La

 

 

 

La

 

 

 

La

 

 

 

La

 

 

 

sol

 

sol

 

sol

 

sol

 

sol

 

sol

 

sol

 

sol

 

RE

sol

La

sol

mi

sol

La

sol

sol

La

sol

mi

sol

La

sol

RE


(le tout est répété pour arriver au gong)



Le second gongan est de forme identique, transposé sur des degrés plus aigus "sol la do la mi la do la sol".
NB : toute la mélodie est faite de motifs des crapauds (sol la sol, sol mi sol, etc.) se chevauchant avec une note en commun, le "sol". Notée en hauteurs de sons comme dans le solfège, la ligne serait une frise crantée.



Apparition de la mélodie

L'introduction de réelles mélodies, sous forme de lignes mélodiques utilisant tous les degrés des échelles, s'est opérée de deux manières possibles :
1 endogène : à partir des principes de traitement du temps par la colotomie, les conventions archaïques associent des notes pivots aux positionnements importants dans le cycle - aux milieux des subdivisions successives du cycle gongan, puis des notes de passage permettent de sortir de la stricte symétrie [Voir ci-dessus]; dans ce cas, les lignes mélodiques sont plutôt "crantées".
2 exogène : par l'adaptation de mélodies existantes, ou la composition de mélodies linéaires, discursives, telles qu'on les trouve dans les répertoires populaires pour claviers, dans les chansons ou encore dans la transmission musicale de la littérature [B : instruments individuels]; dans ce cas, les lignes sont fluides.


Remarque : dans le gamelan mécanique, les exemples javanais enregistrés possèdent des mélodies symétriques, alors que les exercices à faire portent sur des mélodies linéaires et asymétriques liées au chant ou à la narration.


Historiquement à Java, c'est au XVIème siècle, avec le gamelan Sekatèn, que les claviers de lames sont venus se joindre aux gongs et une réelle mélodie s'ajouter à la colotomie.
Jouées sur un carillon soliste et soutenues par les claviers, les mélodies du Sekatèn sont linéaires et asymétriques (type 2 ci-dessus). Ce gamelan
Sekatèn scelle l'alliance de la culture royale hindouiste et de l'islam, des gongs aristocratiques et des claviers populaires, de la colotomie cyclique et des mélodies linéaires de style autochtone. Rôle symbolique du Sekatèn [A2.5.a : pouvoir centripède et centrifuge].


Structure globale : colotomie et mélodie

Les différentes parties/strates mélodiques apportent chacune un mode de réalisation spécifique du contour mélodique général défini par les degrés
pivots placés aux points-pivots du temps cyclique.
Il est difficile de dégager d'autres généralités, car les modes de réalisation affectés à chaque strate mélodique diffèrent :
selon la forme (colotomique) : hormis la structure commune concentrique, chaque forme est une construction particulière, comme les différents types de pavillons traditionnels;
selon les répertoires, les types de gamelan et les styles régionaux.


Une théorie très répandue, conçue d'abord en référence au gamelan ageng javanais puis étendue aux autres, considère la partie des claviers de tessiture médium comme une sorte de cantus-firmus générateur de l'ensemble, que la colotomie viendrait seulement ponctuer. Cela a conduit à distinguer cette strate mélodique comme catégorie fonctionnelle sous les noms de balungan ("squelette" à Java) et pokok ("fondement") à Bali.
[gamelan mécanique]
Cette vision est née sous l'influence de musicologues occidentaux, la musique classique occidentale accordant un rôle central aux aspects mélodiques. Elle est actuellement remise en question, notamment par des Javanais (Sumarsam, Rahayu Supanggah...), mais aussi par la théorie défendue ici, laquelle montre comment les principes colotomiques et
concentriques ont été, à partir de la sonnerie de carillon, générateurs de la structure d'ensemble, comment le traitement mélodique est issu du traitement du temps.
Par ailleurs, les gamelan (au sens large) ou autres instruments collectifs dépourvus de cette ligne mélodique régulière balungan ou pokok ne sont pas rares.
   




Motif balinais Karang Bentulu
dessin de I Gusti Nyoman Winarta

Limitée à sa géométrie, la forme a déjà un nom, une signification et une efficacité magique. On peut ensuite, selon ses moyens, en sculpter plus ou moins les détails et faire apparaître concrètement ce qu'elle symbolisait : ici un démon bentulu, qui garde les angles. C'est le départ d'un discours sur la forme comparable au discours / développement mélodique sur la structure colotomique, depuis les degrés pivots des anciennes sonneries de carillon Pakurmatan jusqu'aux mélodies entières portant un nom.

Les étapes depuis la protection symbolique d'une construction architecturale jusqu'à la sculpture ornementale rappellent celles de l'élaboration mélodique à partir de la forme colotomique, géométrie temporelle.





Généralités à propos des styles régionaux


La musique javanaise
Elle est extrêmement "balancée", comme un dandinement (ding Dong), ou même flottante; en effet, tous les temps sont également importants, levés (ding) comme posés (Dong) [A2.2.d : quelques notions d'analyse culturelle]; plusieurs strates instrumentales se chargent de marquer seulement les levées; quand interviennent des battements de mains, ils ne marquent pas les temps forts, mais toutes les petites unités de temps, sans accents.
Deux autres facteurs accentuent l'impression de flottement et de flou :
- les frappes ne sont pas métronomiques, mais volontairement un peu décalées; gong, kenong et kempul sont souvent retardés;
- dans de nombreuses pièces, la voix, discrète, et des instruments exogènes dits "doux"
[B : instruments individuels] mêlent aux percussions du gamelan des lignes extrêmement coulées qui s'entrecroisent librement, dans une grande hétérophonie.
Elle fait grand usage des intercalations en général et des motifs des crapauds en particulier, à tous les niveaux et entre tous les niveaux de la texture, ce qui accentue le balancement.
Les carillons de petits gongs bonang y exécutent des ornementations (notamment les motifs dits "floraux" sekaran) souvent en forme de frise géométrique.
Elle cultive plutôt la lenteur, mais avec beaucoup de changements de tempo et de ratio (monnayage, augmentation et diminution);
Elle donne une impression d'hétérogénéité, la diversité des timbres - jusqu'à l'intérieur d'une même strate fonctionnelle - étant renforcée par l'intercalation des parties.



La musique balinaise
Elle réserve les intercalations aux parties aiguës et aux tambours; les autres parties sont très parallèles.
Elle semble être la plus "carrée" et la plus "assise", ancrée en terre, la plus monolithique; les temps levés ou les contretemps y sont moins marqués, les anticipations mélodiques moins fréquentes que dans la musique javanaise ou sundanaise; chaque instrument joue à la fois les temps levés et posés (sauf dans les cas où un timbre marque des contretemps); le tutti est constant, sur tous les temps (sauf dans la musique moderne Kebyar qui utilise les solos).
Il n'y est pas fait usage de cris; la voix chantée n'est pas jointe, sauf pour une narration très distincte du gamelan.
Elle est la plus homogène : un timbre instrumental domine dans chaque type de gamelan (carillon, ou lames clouées, ou lames suspendues, ou flûtes).
Les tempi sont souvent très élevés, avec de brèves accentuations syncopées, mais en tutti.
Elle est la plus spectaculaire et virtuose, avec des hoquets à des tempi vertigineux.
Le son balinais est particulier : les claviers de lames sont en paires, avec une légère différence d'accord entre les deux claviers, ce qui produit un battement caractéristique.



Dans la musique sundanaise
Les tempi sont assez tranquilles et relativement peu contrastés.
Les tambours ont un jeu très syncopé et dansant.
Les contretemps et les "motifs des crapauds" sont très marqués, y compris par des cris; cela donne un effet de rebond plus fort encore que le balancement javanais.
Le kempul est apparu tardivement dans le gamelan Degung, qui ne comptait d'abord qu'un goong, tube de bambou, très utilisé à Java Ouest.
Le gamelan javanais a été adopté, mais les parties mélodiques non percussives y ressortent nettement, en solistes, au lieu de se fondre comme à Java.
Le style général est celui d'une mélodie accompagnée.



Dans les musiques balinaises et sundanaises
Conformément à l'ancien usage, les gong et kempul ne sont pas en série et, à Bali, généralement pas accordés sur l'échelle.
Un instrument dirige les sections mélodiques et donne librement la mélodie :
- à Bali, c'est soit un grand carillon joué par une seule personne, soit un grand clavier de tessiture médium (ugal);
- dans la musique sundanaise c'est un grand carillon (bonang), ou des instruments à son entretenu, ou encore la voix.


En revanche, dans la musique javanaise, la mélodie est plutôt dans l'esprit de chacun des musiciens, aucun instrument n'en possède une version modèle.


Trois gamelan régionaux

Le descriptif de l'instrumentarium du Degung Sundanais et du Gong Kebyar balinais figure dans le
gamelan mécanique. Pour celui du gamelan ageng javanais, [introduction : dualité musicale]




Sunda : le Degung
Voir le détail de l'instrumentation sur la photo du
gamelan mécanique.
C'est un ensemble "de chambre" plutôt que de plein-air, originaire des palais. Il ne sert ni la danse, ni le théâtre, ni le rituel. Six musiciens peuvent suffire pour le répertoire classique.
De nos jours, une voix soliste et des instruments non-percussifs s'ajoutent dans des répertoires plus récents ou même de la variété électrifée. L'échelle pélog degung, pentatonique, est spécifique à Sunda; ses intervalles sont plus proches de ceux de la musique occidentale, ce qui facilite l'expansion des traditions sundanaises vers la musique moderne internationale.

A l'origine le Degung comprend seulement un goong, pas de kempul, et les tambours sont verticaux, joués sur une seule peau, avec baguettes. Mais aujourd'hui, le kempul est presque toujours utilisé, ainsi que les tambours horizontaux à deux peaux | 23|.

forme Seka Alit, pièce "Lalayaran"




Bali : le Gong Kebyar
Né au XXème siècle, il est polyvalent, apte à servir quantité de répertoires dans l'échelle pélog pentatonique, car il est hybride : combinaison d'éléments du gamelan Gong (carillons, gong) à fonction cérémonielle et du Pelegongan à kempul (claviers de lames suspendues, kempur) voué aux danses de cour. Le gong et les tambours sont en couple mâle-femelle et les claviers par paires indissociables, ce qui conduit à mobiliser un grand nombre de musiciens.
| 9|.


forme Gilak, pièce "Baris Tunggal"




Java : le Gamelan Ageng
C'est le plus récent et le plus complet de la région : certains possèdent l'instrumentarium double, en pélog heptatonique et en slèndro pentatonique; tous les éléments, sauf le gong ageng, sont en série accordée, ce qui n'est pas le cas des gongs de la colotomie, à l'origine et dans les gamelan moins luxueux. Cette expansion de l'aspect mélodique à presque toutes les strates est peut-être dû à une influence occidentale. Chaque partie pouvant être tenue par un seul musicien, ces derniers ne sont pas nécessairement nombreux.
Des instruments plus autonomes, dits "doux", sont venus s'ajouter au corps du gamelan, l'instrument collectif, pour certains répertoires.
[B : instruments individuels]
| 13|

forme Lancaran, pièce "Ricik ricik"
forme Ladrang, pièce "Pangkur"
 

Notations concentriques des formes à mélodie

Les pièces musicales illustrées sans commentaires par le
gamelan mécanique sont présentées ici
avec une brève analyse de la forme et/ou des aspects mélodiques;
avec des notations concentriques légendées et plus complètes (une strate géométrique par strate fonctionnelle, les motifs des crapauds mis en relief, plusieurs représentations pour certaines pièces...).


Clé d'écoute et de lecture : musique et architecture
La musique de gamelan est, au départ, une construction sonore plutôt qu'un langage, ce qui permet de la visualiser métaphoriquement en analogie aux constructions architecturales.
Imaginez un bâtiment traditionnel concentrique à terrasses (les strates instrumentales) et piliers (les timbres de la colotomie) et l'assistance qui s'y rassemble :

  - au centre, au fâite du toit et à son aplomb sur la terrasse centrale, place royale, se trouvele gong;
- la mélodie effectue un parcours giratoire autour du bâtiment colotomique;
- les instruments plus aigus, plus petits, doivent effectuer un plus grand nombre de pas (nombre de frappes), d'autant qu'ils sont situés sur les terrasses périphériques basses, plus grandes, tout comme, lors des cérémonies et audiences princières, l'assistance s'étage hiérarchiquement, des quelques dignitaires autour du souverain au centre, jusqu'au peuple massé en périphérie.
- Le tambour dirige la procession, tel le chef du protocole.

Les bâtiments ayant des structures de mandala, et la forme du mandala étant au fondement de multiples réalisations culturelles, la notation musicale concentrique a conduit, sans intention de départ, à des représentations de mandala sonores.


SUNDA, gamelan Degung : forme Sekar Alit, pièce "Lalayaran"
Le système sundanais explicite clairement la relation entre organisation du temps et organisation mélodique, telle qu'elle semble avoir été concue à l'origine. Il vaut pour toute l'aire culturelle.

[A2.6.a : anciennes musiques rituelles]
[
A2.5.c : pivots et symétries]
Sekar Alit est la forme la plus simple, dont le cycle est le plus court.
 





SUNDA.
Notation concentrique partielle du Sekar Alit "Lalayaran"




BALI, gamelan Gong (Kebyar)
forme Gilak, pièce "Baris Tunggal"

Ce qui suit concerne à la fois Baris et Gilak Baris dans le
gamelan mécanique, car il s'agit de deux aspects de la même pièce Baris Tunggal, de forme Gilak. L'extrait nommé Gilak Baris est le second thème mélodique, avec une ornementation musicale différente, qui demandait d'utiliser les grilles pour présenter les parties séparées de hoquet, en sacrifiant la colotomie.


FORME
La forme Gilak, identique à celle du Gilak Balanganjur
| 2| est caractérisée par la colotomie suivante, à deux gong :
GONG - - - Gong Pur - Pur GONG
Le gong intermédiaire est un gong mâle (lanang), moins grave que le gong femelle (wadon). Le couple gong wadon-gong lanang est l'équivalent de gong ageng-gong suwukan dans le gamelan ageng javanais.


STRATES FONCTIONNELLES
Dans le Balaganjur
| 2| l'instrument collectif est un carillon Bebonangan, proche du proto-gamelan (Pakurmatan) Carabalèn javanais.
Les éléments sont les suivants :
la colotomie de gong et kempur comme ci-dessus;
une pulsation frappée par le gong horizontal tawa-tawa, partie de la colotomie;
un motif des crapauds sur deux gongs horizontaux accordés à environ un demi-ton d'écard [A2.2.c : formules colotomiques] qui, comme dans les Pakurmatan, constitue l'étape embryonnaire d'une élaboration mélodique;
un hoquet rapide, au carillon réong, qui, dans une version simple, pourrait être celui noté ci-dessous pour le Baris;
une polyrythmie de cymbales;
une polyrythmie sur une paire de tambours joués avec un maillet et une main nue, tambours qui ont un rôle directeur.


Avec le gamelan Gong, proche du gamelan Sekatèn javanais, et le plus récent gamelan Gong Kebyar [Voir
gamelan mécanique], des claviers de lames ajoutent une ligne mélodique qui nomme la pièce, ici Baris.
Un gong horizontal non accordé nommé kempli frappe
soit sur tous les temps comme un tawa-tawa, comme dans le gamelan mécanique et la notation ci-dessous,
soit seulement entre les deux frappes de kempur.



ASPECTS MELODIQUES DU GILAK BARIS AU GONG KEBYAR
Carillon réong
:
hoquet en forme de "frise" ornementale sur 4 notes par groupes de 3 frappes, sa périodicité est donc décalée dans le système binaire. Il est indépendant de la mélodie des claviers et pas contraint de se caler sur les gong. Cela est dû au fait que, dans ce style, carillon et hoquets sont historiquement antérieurs à l'arrivée des claviers. La frise peut être régulière (nos notations) ou irrégulière [A1.2 : hoquet et les notations concentriques].

Claviers de lames : ligne mélodique (en valeurs régulières), en quelque sorte un thème dans ce cas précis.
Mélodies de Baris, premier motif
Les versions locales de Baris sont nombreuses, mais se ressemblent : comme dans toute mélodie de Gilak, la note de l'axe médian est différente de celle du gong femelle, respectivement "dang" (blanc) et "dong" (marron). La présence du gong lanang (mâle) plus aigu accentue la différence sonore sur ce point médian.
Quelques exemples
Ils sont donnés en hauteurs relatives et intervalles approximatifs, artificiellement ramenés en mode de do. La note sur le gong wadon femelle est écrite en lettres majuscules, la note sur le gong lanang mâle avec une seule majuscule.
Exemple 1
DO fa mi sol Fa do fa mi DO

(cf. notation concentrique ci-dessous)

Exemple 2
DO fa mi sol Fa do si mi DO

(cf. Baris, gamelan mécanique)

Exemple 3
DO mi fa sol Fa sol mi fa DO

(symétrique autour du "fa" médian, en mouvement rétrograde)

Dualité : la terminologie balinaise distingue bien, dans les lignes mélodiques, ce qui est de l'ordre du style cyclique de ce qui est linéaire: le premier type ngubeng, "fait du sur place", "tourne en rond", le second majalan, "avance". Cette dualité est valable pour toute l'aire culturelle. Une pièce musicale utilise généralement les deux styles de formules mélodiques, dans une partie, ou dans un contraste entre les parties.


Second motif en alternance
Dans chaque version du Baris Tunggal, le premier motif alterne avec un motif-frère intervenant à des moments intenses dans la danse : ce second motif est celui présenté dans Gilak Baris dans le
gamelan mécanique.
Le second motif a le "dang" (do) aigu pour note de gong femelle, au lieu du "Dang" grave dans le premier motif. Il est quasiment symétrique en mouvement contraire (miroir vertical) du premier motif donné en notation concentrique ci-dessous, à l'exception de l'unisson au centre sur la note de l'axe médian/gong mâle.


Ambitus, en hauteurs relatives et intervalles approximatifs :
Dang ding dong deng dung dang
Do (grave) mi fa sol si do (aigu)


1er motif
DO (grave) fa mi sol Fa do fa mi DO

2e motif
DO (aigu) sol si sol Fa do (aigu) sol si DO (aigu)

NB : Ce n'est pas une symétrie d'intervalles précis - inexistants dans cette tradition; elle est perceptible visuellement et dans le geste instrumental. "do sol" descendant est le même intervalle que "do fa" ascendant, car on ne saute qu'un degré, en échelle pélog pentatonique "do mi fa sol si".

 

_



BALI
Notation concentrique de la musique du Baris,
pour gamelan Gong, échelle pentatonique pélog.



JAVA, gamelan ageng
forme Lancaran, pièce "Ricik-ricik"

Deux notations concentriques sont données ci-dessous.
la forme Lancaran : comme beaucoup de formes javanaises, le Lancaran est appliqué à des mélodies couvrant plus d'un cycle de gong/gongan . Mais la forme est définie par la structure du gongan. Elle est répétée selon le nombre de gongan que compte la mélodie d'une pièce précise.
La pièce Lancaran "Ricik-ricik" qui totalise quatre gongan pour une mélodie en deux sections répétées chacune une fois.

[introduction : dualité musicale]
 

 

JAVA.
(1) Notation concentrique de la forme Lancaran.

(2) Notation concentrique de la pièce Lancaran Ricik-ricik

(forme Lancaran, mélodie "Ricik-ricik" "Percussion de la pluie").
12
 

JAVA, gamelan ageng
forme Ladrang, pièce "Pangkur"

La pièce "Pangkur" de forme Ladrang ne compte qu'un gongan, mais celui-ci est plus étendu qu'un gongan de Lancaran. De plus, comme de nombreuses formes musicales javanaises et sundanaises, le Ladrang est interprété avec des variations de ratio qui, sans altérer la structure fondamentale (la forme Ladrang), modifient considérablement l'effet produit
 

JAVA.
Notation concentrique de la pièce Ladrang Pangkuren ratio/irama 1
(forme Ladrang, mélodie Pangkur)

 

FORMES MUSICALES CONCENTRIQUES
Principe d'expansion et de contraction concentrique
 








Il est possible de réaliser de plusieurs manières la même forme colotomique, en pratiquant l'expansion ou la réduction de la circonférence, au moyen de ratios différents du nombre de frappes entre le cadre colotomique et les parties mélodiques. Cela agit sur la durée globale du cycle et sur la densité de la texture musicale.

Réalisation de l'expansion spatio-temporelle


Le principe d'expansion est comparable à l'agrandissement en architecture traditionnelle, qui ne se fait pas par adjonction d'étages ou de corps de bâtiment, mais par expansion
concentrique du toit et des terrasses périphériques.


Le centre de la construction sonore (parties colotomiques) reste le même.
Mais :
les terrasses périphériques (strates instrumentales mélodiques) sont agrandies,
le peuple (les notes) s'y masse plus nombreux, plus serré (plus grande fréquence de frappe)
il met plus longtemps à effectuer son parcours giratoire (la durée du cycle de gong est allongée), car ses petits pas ne sont pas plus rapides que les grands pas qu'il faisait auparavant (le tempo des frappes des strates mélodiques reste souvent le même, ou le redevient car, après un ralenti pour installer la démultiplication ou "monnayage", les "croches" seront au tempo des "noires" précédentes, ou, dans les ratios plus que doubles, que le tempo des blanches, voire des rondes.



Ratios arithmétiques

Les différents
ratios sont appelés irama à Java et wilet à Sunda.
L'expansion se fait en base binaire, en multiplication par 2, 4 ou 8. Si le ratio moyen des frappes entre la strate colotomique repère et la strate mélodique repère est de 1 pour 1, il peut aussi être de 1 pour 1/2 (frappes de la teneur deux fois moins fréquentes que le ketuk), et évoluer vers 1 pour 2, 1 pour 4 et 1 pour 8. L'expansion utilise les procédés de monnayage (division en valeurs courtes), d'augmentation et diminution (un même motif en valeurs plus longues ou plus courtes).
De même dans les strates mélodiques, le ratio des fréquences de frappes entre les parties les plus graves et les parties aigues ornementales peut varier. C'est souvent une expansion mélodique en
arborescence, notamment avec le motif des crapauds décliné en homotéthie de strate en strate. [Voir ci-contre, la notation concentrique du Ladrang en ratio 2, et l'écouter dans le gamelan mécanique]
 

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JAVA.
Forme Ladrang en ratio/irama 2, mélodie Pangkur
Conception : Catherine Basset, réalisation : Frédérique Darros.

Comparer avec la notation concentrique en ratio 1.
A échelle égale, par rapport à la même forme en ratio 1, la circonférence est double, ainsi que le nombre de rayons portant des frappes. Mais le centre colotomique est resté le même, ainsi que la partie des claviers les plus graves (balungan). La fréquence de frappe du clavier aigu peking a doublé, atteignant 4 frappes pour 1 de balungan, 16 frappes pour 1 de ketuk : c'est ce qu'on appelle monnayage. De même celles des carillons : le bonang barung est à la fréquence du peking, et le bonang panerus encore double. Les bonang jouent le même motif qu'en ratio 1, mais en diminution par rapport à la colotomie et à leur tempo en ratio 1. En fait, le tempo des frappes du peking et des est resté le même qu'en ratio 1 : seuls la colotomie et le balungan jouent deux fois moins vite et donne leur partie en augmentation par rapport au ratio 1.
L'expansion est typiquement concentrique, en arborescence. Le principe consiste pour les carillons à faire alterner deux notes du balungan, en motif des crapauds ou en motif cranté, sauf sur certaines formules mélodiques qui appellent de préférence un traitement linéaire appelé mipil lamba ("non double"). Des instruments "doux" individuels pourraient venir se joindre librement à la réalisation mélodique.
[Voir et entendre le Ladrang en irama 2 dans le gamelan mécanique, en écouter la version multipistes, où l'on perçoit comment la partie de tambour dirige la transition du ratio/irama 1 en irama 2]


Si l'échelle était respectée, le cercle serait deux fois plus grand que celui de la notation en ratio 1. La durée globale du cycle est 2 fois supérieure, elle peut l'être 4 ou 8 fois dans les ratios plus élevés.

Les frappes des timbres de la colotomie (et du balungan) sont identiques au ratio 1, mais espacées dans le temps, laissant la place au frappes multipliées des parties mélodiques.

Les parties mélodiques (périphériques) du clavier aigu peking et des carillons bonang (barung et panerus) voient leur fréquence de frappe doublée par rapport à l'exécution de la même pièce en irama tanggung (ratio 1).
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FORMES MUSICALES CONCENTRIQUES
Effets musicaux de l'expansion et de la contraction
 
Au contraire de la contraction, l'expansion atténue la perception de la colotomie et de son effet giratoire. La mélodie passe au premier plan.

Contraction

Beaucoup de formes (cette fois au sens de déroulement dans le temps) procèdent pas contraction, notamment les musiques anciennes et rituelles, le gamelan Degung (Sunda), la musique de scène.
Cela se fait soit par accélération du tempo, soit par enchaînement de pièces aux formes (au sens de structure) de plus en plus contractées, soit par succession de mouvements avec diminution du ratio.
Cela s'appelle monter... ce qui donne bien l'image de l'élévation vers l'Unique ou du retour au point d'origine recherchés dans le sacré.
Les transes de possession - moment où la rencontre avec le surnaturel devient "visible" - sont soutenues par des piétinements sur une ou deux notes, avec des cycles de
gong très courts, donc une saturation en vibrations.

Expansion
L'expansion (la descente des ratios) est pratiquée dans les musiques savantes de concert, surtout dans la musique javanaise.
Quand il y a expansion,
les parties mélodiques rencontrent les frappes colotomiques plus rarement, à plus grands intervalles de temps, après un plus grand nombre de pas;
le centre est plus loin d'elles dans l'espace-temps, la résonance du gong se perd bien avant la fin du cycle, la force d'attraction centripète se fait moins sentir, la gravitation et la giration sont beaucoup moins perceptibles;
la forme circonscrite de la construction est masquée, on la ressent comme linéaire du fait du long parcours et de l'éloignement;
la foule des notes mélodiques occupe dorénavant le premier plan, dissimulant le cadre colotomique.


Il se produit bien une sorte de descente au niveau de la multitude, dans le monde humain et présent.




CONCLUSION - TRANSITION

La contraction pratiquée dans les musiques rituelles amène à figer le temps en un point de forte gravitation.
A l'inverse, la musique savante javanaise, musique d'art non fonctionnelle, introduit dans l'expansion la possibilité d'une certaine autonomie des parties mélodiques à la périphérie : c'est le cas :
pour les carillons bonang, qui ont le choix entre diverses figurations ornementales ("fleurs");
plus encore pour des instruments dits "doux" ou instruments individuels (vièle, flûte, cithare, claviers polyphoniques) qui viennent s'ajouter au corps de l'instrument collectif dans de nombreux gamelan, pour certains répertoires. Ces instruments trouvent à la périphérie de l'espace-temps élargi une place pour s'introduire. Ils le font avec une certaine liberté d'improvisation. [B : instruments individuels]


Electrons libres, les instruments "doux" ou "individuels" ne sont soumis
ni à un parcours mélodique strictement giratoire,
ni à une régularité de pas/frappes,
ni à une symétrie de l'organisation mélodique.


Les répertoires de scène et de concert utilisent des mélodies qui ne sont pas nécessairement cycliques, même si elles sont répétées à chaque retour du gong. Les mélodies non cycliques (non circulaires) commencent en cours de cycle pour finir sur le gong; elles n'ont pas été générées par les principes colotomiques et ne font que se couler dans la structure. Ainsi la soumission du traitement mélodique au traitement du temps n'est plus aussi évidente.

On assiste donc, sur l'île de Java surtout,
à un enrichissement mélodique au détriment de la perception de la forme cyclique,
avec cette augmentation de la "démographie" mélodique, à un développement de la périphérie au détriment du pouvoir centralisateur (gong) - ce qui a pu être une réalité (ou une aspiration) sociale.

A ce stade, la perception des musiciens comme de l'auditoire devient celle d'une mélodie ponctuée par des gongs.


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