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Septuor pour cordes et ventsLudwig van Beethoven
Carte d’identité de l’œuvre : Septuor pour cordes et vents en mib majeur op. 20 de Ludwig van Beethoven |
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Genre | musique de chambre |
Composition | 1799-1800 |
Dédicace | à Sa Majesté Marie-Thérèse, l’Impératrice romaine, Reine de Hongrie et de Bohème |
Création | le 2 avril 1800 au Burgtheater de Vienne |
Forme | 6 mouvements : I. Adagio - Allegro con brio II. Adagio cantabile III. Tempo di menuetto IV. Andante con Variazoni V. Scherzo. Allegro molto e vivace VI. Andante con moto alla Marcia - Presto |
Instrumentation | ensemble de 7 instruments : bois : clarinette, basson cuivres : cor cordes : violon, alto, violoncelle, contrebasse |
Contexte de composition et de création
En 1800, installé à Vienne depuis quelques années déjàIl s’y est installé à 22 ans, en 1792., Beethoven y est un musicien reconnu par tous. Tout d’abord admiré pour ses talents de pianiste virtuose et d’incroyable improvisateur, le public le considère maintenant digne des plus grands compositeurs ayant résidé dans la capitale autrichienne tels Mozart (1756-1791) ou Haydn (1732-1809). Apprécié des princes dont il est le protégé, et ce malgré son caractère impétueux, sa situation est confortable.
Mais cette période est aussi marquée par des épreuves, physiques et émotionnelles : premiers symptômes de sa surdité, peines de cœurnotamment refus, suite à sa demande en mariage, de Magdalena Willman, amie d’enfance ; elle l’aurait trouvé trop laid et à moitié fou
(J. et B. Massin, p.80), départ d’un grand amiKarl Amenda avec qui il devait entreprendre un voyage en Italie et qui a dû repartir dans son pays suite à un deuil… Beethoven, homme particulièrement sensible, semble se montrer de moins en moins sociable. Cet isolement est propice à la création. Entre 1799 et 1800, il achève – entre autres – ses Six quatuors à cordes op. 18, sa Symphonie n° 1 et le Septuor pour cordes et vents op. 20.
Alors que son nom n’est apparu dans aucun concert public depuis fin 1798, Beethoven donne à Vienne, le 2 avril 1800, une académie musicaleconcert public au bénéfice du compositeur. Le programme, qui paraît étonnement long pour un auditeur d’aujourd’hui, fait une place de choix aux œuvres du compositeur puisqu’il comprend la création du Septuor et de sa Symphonie n° 1, un concerto pour piano et une improvisation libre de Beethoven au piano. Le concert comporte également une symphonie de Mozart ainsi que des airs extraits de La Création de Haydn.
Le succès du Septuor est immédiat. La critique en parle comme d’une œuvre qui a beaucoup de goût et d’imagination
. Après sa création, sûr de l’engouement du public, Beethoven propose à son éditeur, F.A. Hoffmeister, de multiples arrangements : on ferait ainsi l’affaire des amateurs […], ils viendraient tournoyer tout autour comme des insectes et s’en délecteraient.
En 1802 seront édités une version pour piano, une pour quatuor et sa transcription la plus célèbre, le Trio op. 38 pour piano, clarinette et violoncelle.
Déroulé de l’œuvre
Il y a là-dedans beaucoup d’imagination mais peu d’art
; En ce temps-là, je ne savais pas composer
: Beethoven aura, des années plus tard, un jugement sévère sur cette œuvre. Son succès le dérangera presque. Il faut sans doute comprendre par là que le langage de ce Septuor est encore très proche d’un langage classique : d’une forme très libre en six mouvements, aux caractères variés mais toujours heureux, ce Septuor évoque les divertimentos ou sérénades de Mozart et Haydn. Il s’en rapproche aussi par le style : c’est une des œuvres les plus légères de Beethoven, mais aussi l’une des plus délicates.
Pourtant, ce Septuor ouvre déjà les portes du romantisme en musique : l’équilibre entre les cordes et les vents est remarquable, et l’énergie, la vivacité et la virtuosité de certains mouvements sont déjà celles des œuvres de maturité du compositeur.
I. Adagio - Allegro con brio
Après une introduction adagio qui joue sur les contrastes de textures et de nuances, ce premier mouvement est un brillant allegro de forme sonateforme tripartite : exposition d’éléments thématiques, développement, réexposition. Léger, porté par un accompagnement délicat de croches et de notes syncopées qui lui apportent du mouvement, il fait gracieusement dialoguer le violon avec le couple clarinette-basson.
II. Adagio cantabile
Dans ce deuxième mouvement de forme ABA, la clarinette et le violon se passent successivement la mélodie chantante. Dans la partie centrale, la paisible quiétude n’est troublée qu’un bref instant par le cor lors d’un passage en mineurLa gamme mineur apporte une couleur musicale particulière, propice à créer une atmosphère sombre., nuage éphémère dans ce paysage pastoral, avant le retour de la partie A.
III. Tempo di menuetto
Le troisième mouvement est un menuet de forme classique : menuet - trio - menuet da capo. Si le violon mène la danse dans la partie menuet, les vents sont à l’honneur dans le trio. Le changement d’instrumentation dans le trio, avec allègement de la texture sonore, est caractéristique de la forme menuet.
Dans ce mouvement, Beethoven reprend le thème du second mouvement de sa Sonate op. 49 n° 2, composée quelques années plus tôt.
IV. Andante con Variazioni
Le quatrième mouvement consiste en une série de variations sur un aimable air populaire de bateliers rhénans : Ach Schiffer, lieber Schiffer !
V. Scherzo. Allegro molto e vivace
Le ton affirmatif du cor en arpège descendant lance le mouvement de cet énergique scherzo. Tout comme le menuet, le scherzo est une forme en trois parties : scherzo - trio - scherzo da capo. Beethoven utilise une écriture contrastée avec des jeux d’échange entre les différents instruments et des nuances variées : crescendo, forte subito, notes renforcées (forte-piano, sforzando). La partie trio, plus calme et épurée (clarinette et cor se taisent), laisse entendre une galante mélodie jouée par le violoncelle.
VI. Andante con moto alla Marcia - Presto
Tout comme le premier, ce dernier mouvement s’ouvre sur une introduction lente. Le presto qui suit, de forme sonate, est porté par le violon dont la partie est très technique.
Zoom sur IV. Andante con variazioni
Le quatrième mouvement du Septuor est un thème suivi de cinq variations et une coda.
Thème : le thème est d’abord énoncé au duo violon-alto avant d’être repris en tutti. D’apparence élémentaire, il est construit sur une simple mélodie montante puis descendante. Les notes piquées lui confèrent un caractère à la fois léger et vif, le rythme pointé du contre-chant apportant de l’allant.
Variation I : cette première variation est jouée uniquement par le trio violon, alto, violoncelle. Le thème, d’abord à l’alto puis au violoncelle, est orné de notes de passage tandis que des syncopes (note attaquée sur un temps faible et qui se prolonge sur le temps suivant) lui donnent du mouvement. L’énergie est entretenue tout au long de la variation par le mouvement perpétuel des doubles croches au violon.
Variation II : dans cette deuxième variation, le thème au violon est ponctué par les interventions de la clarinette et du basson qui répondent en mouvement contraire. Le monnayage du thème (remplacement d’une note par plusieurs notes de plus brève durée) apporte plus de vivacité et un caractère virtuose au violon.
Variation III : la troisième variation est construite sur un jeu d’écho, entre le basson et la clarinette d’abord, puis entre le violon et les cordes graves (violoncelle et contrebasse).
Variation IV : cette quatrième variation est la seule en mineur. Le thème est presque méconnaissable, noyé entre les guirlandes de triolets du violon et la longue plainte du cor reprises par le duo clarinette-basson.
Variation V : la dernière variation est très proche du thème d’origine, mais dans un tout autre caractère : Beethoven délaisse ici la vivacité des notes piquées pour une écriture plus legato, indiquée dolce.
Coda : la coda réserve quelques surprises. Après une dernière variation du thème en rythme pointé, Beethoven développe uniquement la tête du thème : d’abord les cordes graves à l’unisson, comme une rumeur qui gronde, puis le duo clarinette-basson en hoquet (la mélodie passe d’un instrument à l’autre). Un jeu de question-réponse entre les instruments accélère le mouvement avant de le ralentir, calandoen ralentissant et en diminuant le son. Ultime surprise, de brillants accords fortissimo viennent clore cette coda.
Zoom sur VI. Andante con moto alla marcia - Presto
L’indication de caractère notée pour l’introduction, Andante con moto alla Marcia, évoque le mouvement d’une marche. Cette marche aux rythmes pointés et aux notes piquées est solennelle, à la teinte parfois funèbre apportée par la tonalité mineure et la tessiturehauteur des sons grave. Tout d’abord hésitante avec ses élans forte aussitôt étouffés et ses silences, elle retrouve ensuite son souffle avec une nouvelle impulsion : plus aiguë, la mélodie repart cette fois dans un mouvement ininterrompu, d’abord pianissimo puis en s’intensifiant. Un piano subito permet au cor d’émerger gracieusement avant une abrupte et puissante conclusion à l’unisson.
Cette marche lente accumule la tension, l’énergie, qui sera déployée dans le Presto qui enchaîne. Celui-ci contraste dès ses premières notes par sa légèreté, sa vivacité. Un mouvement quasi perpétuel de crochesvaleurs rythmiques ici très rapides le porte vers l’avant. Le premier thème est exposé par le duo violon-violoncelle puis joyeusement repris par l’ensemble des instruments. L’écriture est virtuose, particulièrement celle du violon qui tient parfois une partie concertanteComme dans un concerto, où un soliste joue accompagné d’un orchestre. Souvent virtuose, le concerto valorise les talents du soliste.. Le quatuor à cordes converse avec le cor, puis avec le trio des vents, avant un tutti énergique dans la transition amenant le second thème. Les vents s’ajoutent alors par intermittence au quatuor de cordes, doublant de leurs timbres le violon, ponctuant le discours, intensifiant la fin de l’exposition.
Le développement est assez court mais riche et contrasté. Il se conclut sur une cadenceUne cadence est un passage soliste, souvent en fin de mouvement, qui permet au musicien de montrer toute sa virtuosité. Elle peut être improvisée par le soliste ou écrite par le compositeur. À ne pas confondre avec la cadence harmonique, un enchaînement d’accords qui ponctue une phrase musicale. du violon nous menant à la réexposition des thèmes.
Quelle que soit l’intensité, jamais ce Presto ne perd de son effervescence. Sa conclusion explore les tessitures les plus aiguës des instruments, et nous emporte avec des rythmes syncopés couplés aux croches effrénées du violon et aux ponctuations énergiques des graves, vers un final virevoltant.
Sources principales
- Élisabeth BRISSON, Le Guide de la musique de Beethoven, Éditions Fayard, 2005
- Jean et Brigitte MASSIN, Ludwig van Beethoven, Éditions Fayard, 1967
Auteure : Aurélie Loyer