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Pauses musicales
Les symphonies de Chostakovitch
Top & Flop
Enfant terrible de la musique russe, Dmitri Chostakovitch (1906-1975) est tantôt encensé par la critique, tantôt mis au ban de la vie culturelle par le Parti soviétique. Acclamées ou décriées, ses quinze symphonies sont le reflet de cette relation ambiguë que le compositeur entretiendra toute sa vie avec le pouvoir politique.
Symphonie n° 1 : TOP !
Chostakovitch n’est encore qu’au conservatoire à Petrograd lorsqu’il compose sa première symphonie, mais l'œuvre révèle déjà un langage musical très personnel… et le compositeur un tempérament audacieux ! Car lorsque Glazounov, alors directeur du conservatoire, lui demande de faire quelques retouches, il accepte à contrecœur puis rétablit sa version originale juste avant le concert, à la grande indignation [de Glazounov]
! La critique est unanime : un grand compositeur est en train de naître.
Symphonie n° 4 : FLOP...
1936. Alors que son opéra Lady Macbeth vient de se faire violemment vilipendé par la critique (le chaos remplace la musique
peut-on lire dans le journal La Pravda), Chostakovitch espère retrouver les faveurs du Parti avec sa Symphonie n° 4. Malheureusement, son langage original n’est pas du goût de tout le monde. Et il aura suffit que le secrétaire de l’Union des compositeurs assiste à l’une des répétitions pour que la nouvelle symphonie soit immédiatement retirée des programmes… jusqu’en 1961.
Symphonie n° 5 : TOP !
Étroitement surveillé par le Parti, sa musique bannie des salles de concert, Chostakovitch mise tout sur sa nouvelle composition. Préalablement soumise à l’Union des compositeurs, la Symphonie n° 5, créée le 21 novembre 1937, rencontre un succès exceptionnel : les acclamations durent plus d’une demi-heure, si bien qu’on est obligé d’éteindre les lumières de la salle pour inciter le public à sortir. Chostakovitch retrouve enfin les bonnes grâces du Parti tandis que sa symphonie signe le début d’une longue amitié avec le chef d’orchestre Evgueni Mravinski.
Symphonie n° 7 : TOP !
1942. La guerre fait rage en URSS. Dans la ville de Leningrad cernée par les forces allemandes, Chostakovitch participe comme il peut à l’effort de guerre : sa Symphonie n° 7 dite Leningrad
devient, dès sa création le 5 mars 1942, un événement politique et un symbole de la résistance de la ville assiégée. Quelques jours plus tard, lors de la première à Moscou, le public conquis refuse de quitter la salle avant la fin de la symphonie, malgré l’alerte d’une attaque aérienne imminente. À l’issue du concert, l’ovation du compositeur se transforme alors en une manifestation passionnée de sentiments patriotiques
.
Symphonie n° 9 : FLOP…
À la fin de la guerre, de grandes espérances sont placées dans la future Symphonie n° 9, que le public s’imagine être une oeuvre grandiose dédiée à la victoire soviétique. Quelle déconvenue lorsqu’il découvre, le 3 novembre 1945, une pièce très courte au style déconcertant, bien loin du ton dramatique des deux symphonies précédentes ! L’oeuvre déçoit, aussi bien en URSS qu’à l’international : Personne n’aurait imaginé que la Neuvième Symphonie serait [...] aussi banale, aussi peu suggestive et aussi inintéressante
, peut-on lire dans la presse après la création américaine.
Symphonie n° 10 : FLOP… et TOP !
1953. Après la mort de Staline, Chostakovitch revient au genre symphonique pour la première fois depuis sa dernière mise au ban par le Parti soviétique en 1948. Espérant un allègement dans la politique culturelle du pays, il s’affranchit des directives du Parti et s’exprime en tant que compositeur, utilisant pour la première fois le motif DSCH d’après ses initiales. Suscitant des critiques aussi bien exaltées qu’outragées, la Symphonie n° 10 fait à tel point polémique qu’une discussion est organisée par l’Union des compositeurs pour juger l'œuvre et son auteur, qu’on accuse de retomber dans le formalisme. Finalement, après plusieurs mois de débats houleux, la symphonie est décrétée exceptionnelle et retrouve les salles de concert.