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Mozart et le style classique
À l’époque de Mozart (1756-1791), Vienne est le centre de la vie musicale européenne. Tous les compositeurs cherchent à se faire connaître du public viennois. La ville est le témoin de nombreuses créations d’œuvres, et abrite beaucoup d’éditeurs de musique qui permettent une large diffusion de la musique.
Aux alentours de 1750, la société viennoise vit un profond changement qui retentit sur la vie musicale : la classe bourgeoise prend de plus en plus d’importance. Jusqu’alors, les compositeurs écrivaient pour des occasions précises, comme des cérémonies religieuses ou des réceptions royales et princières. Mais désormais, on vient écouter la musique dans des salles de concert qui peuvent accueillir un public plus nombreux et plus varié. C’est pour ce nouveau public que des auteurs comme Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven composent. Ils inventent une nouvelle façon d’écrire la musique : le « style classique ».
Vous avez dit « classique » ?
De nos jours, lorsque l’on parle de la « musique classique », on pense souvent à la musique « sérieuse », la musique d’orchestre ou d’opéra, que l’on oppose à la musique « populaire », la « variété ». En réalité, en musique, le classicisme représente une certaine manière d’écrire la musique, un style dont les compositeurs Haydn, Mozart et Beethoven sont les représentants principaux. On situe généralement le début de cette nouvelle manière d’écrire aux alentours de la mort de Johann Sebastian Bach (1750).
Quelles sont les particularités du style classique ?
Une mélodie simplifiée
La mélodie est ce que l’auditeur retient le plus facilement dans un morceau de musique. On l’appelle aussi « thème ». À la période baroquepériode (de 1600 à 1750 environ) qui précéde le classicisme, le thème est souvent compliqué, long, difficile à retenir. Au contraire, le thème de la période classique se distingue par sa clarté : il est court, symétrique car souvent construit en deux parties de quatre mesures. C’est ce qu’on appelle la « carrure » classique.
Une harmonie clarifiée
Dans le style classique, la musique doit être intelligible, compréhensible immédiatement. Tandis qu’à l’époque baroque les lignes des différents instruments s’enchevêtraient sans cesse, créant un contrepointsuperposition de lignes mélodiques distinctes, les instruments de la période classique jouent souvent ensemble, dans des lignes plus claires qui laissent s’exprimer le fameux thème.
Une musique de contrastes
Le style classique met à l’honneur les surprises, les contrastes. Les compositeurs aiment se servir des changements de nuancesjouer très doux puis soudain très fort, ou inversement, de caractèreun thème très chantant puis un autre dansant juste après par exemple, de tempopasser d’un moment rapide à un moment lent, ou inversement, d’instrumentationfaire jouer tous l’orchestre puis seulement une partie des musiciens par exemple. Ce goût pour les contrastes, ajouté à celui de la symétrie, met à l’honneur une manière de construire le morceau appelée « forme sonate »Façon de structurer un morceau de musique. Elle se déroule en trois parties : l’exposition, le développement, la réexposition.
Dans l’exposition, on trouve en général deux thèmes de caractères différents, voire opposés, donnés dans deux tonalités différentes. Dans le développement, le compositeur développe ces deux thèmes, dans des tonalités variées et éloignées du ton de départ. Dans la réexposition, les deux thèmes sont à nouveau énoncés, mais tous les deux dans la même tonalité.. Les compositeurs l’utilisent énormément.
Nouvelle répartition du rôle du compositeur et des interprètes
À la période baroque, le compositeur laissait une grande part de liberté à l’interprète grâce à des moments d’improvisation. Ce n’est plus le cas dans la musique classique : le compositeur écrit tout ce qu’il veut entendre. Il indique avec précision pour quels instruments il compose, à quel tempo il souhaite que le morceau soit joué. La musique, non plus improvisée mais écrite, demande alors d’être répétée et non déchiffrée en concert. Le chef d’orchestre, autrefois installé au violon ou au clavecin en même temps qu’il dirigeait, doit désormais être concentré uniquement sur la musique qu’il conduit.
L’œuvre et le langage musical de Mozart
Vue d’ensemble
L’œuvre de Mozart frappe par sa diversité et sa richesse. Confronté à de nombreux voyages et rencontres dès son plus jeune âge, le compositeur a acquis une grande culture dans beaucoup de domaines. Il a étudié et assimilé très tôt l’œuvre de ses prédécesseurs, tout en développant un style personnel. Il aborde tous les genres avec succès, et compose énormément : 41 symphonies, 20 opéras, 27 concertos pour piano et orchestre, 18 sonates pour piano, 23 quatuors à cordes, de nombreuses sérénades, etc. Mais il ne vit que 35 ans ! Même s’il a commencé à écrire dès l’âge de six ans, cela fait de lui un compositeur particulièrement prolifique. Sa musique est reconnue de son temps, tant par le public que par ses pairs. Elle est même une source d’inspiration pour ses contemporains et une référence pour les compositeurs suivants.
À la loupe
Mozart, avec Haydn et Beethoven, est le compositeur emblématique de la période classique. Il a d’ailleurs produit nombre de pièces tout à fait conventionnelles. Mais, dans certaines œuvres, il développe l’ensemble des caractéristiques classiques, tout en allant au-delà :
- Les thèmes sont clairs, très identifiables, de carrure régulière, mais c’est un mélodiste hors pair : certaines de ses mélodies jalonnent encore notre vie quotidienne (boîtes à musique, etc.).
- L’harmonie est simple, l’écriture compréhensible, mais Mozart sait faire la synthèse entre les grands maîtres du contrepoint de la période baroque et l’intelligibilité du discours musical classique.
- Sa musique se distingue par sa variété, ses contrastes. Il manie l’effet de surprise, que ce soit dans les dynamiques, l’instrumentation ou l’harmonie. Il est capable de transgresser certains codes, par exemple lorsqu’il commence un de ses quatuorsQuatuor « des dissonances », K. 465 sur plusieurs accords dissonants.
- Certaines de ses pièces sont inclassables, telle La Flûte enchantée, associée aux singspiels de l’époque mais qui mélange les genres seria et buffa, théâtre et chant, philosophie et divertissement.
Les symphonies de Mozart
À l’époque de Mozart, un genre musical est particulièrement en vogue : la symphonie. C’est un genre instrumental qui se déroule en 3 ou 4 parties appelés « mouvements »Une forme en trois mouvements, sans menuet ou sans finale, est assez courante également.. En général, le premier mouvement est rapide (« allegro »), le deuxième est lent, le troisième est une danse (menuet), et le quatrième est un finale rapide et brillant ; ces quatre mouvements différents permettant une grande variété d’expression. La symphonie est un genre très prisé par le public de l’époque, et les compositeurs en écrivent énormément.
Mozart compose 41 symphonies tout au long de sa vie. Elles sont le reflet direct des évolutions de son style, qui se modifie en fonction des voyages et des rencontres du compositeur. Le genre de la symphonie est donc une sorte de témoin musical de la vie de Mozart. Les premières symphonies, composées alors que le jeune homme n’a que neuf ans, imitent la façon de faire italienne. Mais Mozart est surtout fortement influencé par le style d’écriture d’un des fils de Bach, Johann Christian Bach, rencontré lors de son voyage à Londres. Ces symphonies sont encore conçues comme des divertissements, non comme la pièce maîtresse d’un concert. Leur caractère léger pourrait tout aussi bien convenir à l’ouverture d’un opera buffaopéra dont le sujet est comique. Pourtant, elles contiennent déjà en germe certaines caractéristiques de l’écriture de Mozart, telle que l’émergence de deux thèmes bien distincts au sein d’un même mouvement.
Plus tard, autour des années 1770, le style de Mozart évolue. Il a vécu à Vienne et y a rencontré des musiciens importants tel Joseph Haydn. Les compositions de ce dernier influencent la structure que Mozart donne à ses mouvements. L’atmosphère des symphonies devient moins frivole, le compositeur y glisse un souci d’expression dramatique directement inspiré de la composition de ses premières œuvres lyriques, mais aussi du courant Sturm und Drang« tempête et passion » qui met à l’honneur l’élan des sentiments, origine de toute création artistique. Vers 1776 Mozart côtoie aussi le « style galant », transition entre le baroque et le classique, dépourvu de l’aspect dramatique, plus léger et maniéré.
Lorsque Mozart est à Paris, ses symphonies sont écrites pour plaire au public. On y trouve donc un aspect concertantqui met à l’honneur un ou plusieurs solistes très apprécié des parisiens, ainsi que des passages spectaculaires composés pour susciter l’intérêt des auditeurs. Les trois dernières symphonies de Mozart, composées entre juin et août 1788, constituent l’apogée de l’expression des sentiments. Tantôt poétiques, intimes, tantôt lyriques et passionnées, tantôt empruntes de majesté et de sérénité, Mozart y déploie tout son art.
Auteure : Bérénice Blackstone