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L’opéra-comique
Les origines au XVIIIe siècle
Né au XVIIIe siècle, l’opéra-comique désigne un genre lyrique où alternent parties musicales chantées et dialogues parlés (avec des apartés destinés au public). Mêlant des airs sérieux aussi bien que des airs à boire, le fond n’est pas toujours comique comme on pourrait le croire. Il fait souvent référence à des sujets d’actualité ou de la vie quotidienne.
L’histoire de ce genre est intimement liée aux relations qu’entretenaient les Français et les Italiens à cette époque. Là où l’Italie s’amuse avec la Commedia dell’arte, la France offre des spectacles populaires au Théâtre de la FoireDésigne l’ensemble des spectacles donnés à Paris aux foires annuelles de Saint-Laurent et Saint-Germain..
En 1697, Louis XIV décide de chasser les troupes de comédiens italiens installées à Paris. Dès lors, les artistes français qui se produisent aux foires saisonnières de Saint-Laurent et Saint-Germain profitent de l’occasion pour s’emparer de leur répertoire et de leurs personnages, et reprendre ce qui y fonctionne si bien : la parodie. Ces forains remportent un grand succès auprès du public, si bien que les théâtres privilégiésla Comédie-Française et l’Opéra, puis la Comédie Italienne rappelée à Paris en 1716 se sentent menacés. Ils tentent par tous les moyens juridiques de museler les forains : ainsi, en 1706, ils obtiennent l’interdiction pour les théâtres forains d’utiliser toute forme de dialogue. Mais ces derniers ne manquent pas d’imagination pour enfreindre les interdictions : ne pouvant plus parler, ils ont recours aux pantomimes et écriteauxLes rôles étaient écrits sur des cartons présentés au public. dans ce qu’on appelle les « pièces à la muette », puis aux chansonsavec l’accord de l’Opéra qui leur monnaya le droit de chanter. Ils vont alors créer un nouveau type de spectacle parodique, avec des passages en vaudevilleemploi d’un air connu avec de nouvelles paroles.
Le terme « opéra-comique » apparaît finalement en 1714, lorsque Louis XIV accorde aux comédiens le privilège d’ouvrir un spectacle sous ce nom. Le Théâtre de la Foire Saint-Germain devient alors l’Opéra Comique et, en 1715, TélémaqueParodie de l’opéra de Destouches, le livret est de Lesage et la musique de Gillier. est la première œuvre représentée portant le titre d’opéra-comique.
En 1752, la représentation de La Serva padrona de Pergolèse à l'Académie royale fait scandale et déclenche la « querelle des Bouffons », opposant la musique italienne, représentée par l’opera buffa, et la musique française, représentée par la tragédie lyrique. L’issue de cette querellele déclin de la tragédie lyrique va participer à l’essor de l’opéra-comique, qui va profiter des circonstances pour se faire une place dans le paysage musical français. Le genre va également évoluer sous l’influence de l’opera buffa, en passant des vaudevilles aux comédies mêlées d’ariettesUne ariette est un petit air original simple, souvent strophique. Dans le cas de l’opéra-comique, le terme « comédie mêlée d’ariettes » signifie que la musique y est originale, au contraire des vaudevilles qui reprennent des airs préexistants..
Apogée et déclin : le XIXe siècle en France
Enfin vraiment constitué en tant que genre dans les années 1750, l’opéra-comique va néanmoins continuer son évolution. Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, il s’éloigne du comique et s’oriente vers le romanesque et la sentimentalité. Des compositeurs tels que Monsigny (Le Déserteur, 1769), Philidor (Blaise le savetier, 1759), ou encore Grétry (Zémire et Azor, 1771 ; Richard Cœur-de-Lion, 1784) écrivent des œuvres où règnent la sensibilité musicale et l’expression des états d’âme des héros.
Le XIXe siècle verra le triomphe du genre autour de personnalités incontournables comme Boieldieu (La Dame blanche, 1825), qui réalise la transition entre le XVIIIe siècle et le romantisme naissant, mais également Herold (Le Pré aux clercs, 1832), Auber (Fra Diavolo, 1830) et bien d’autres. À travers leurs œuvres, l’opéra-comique devient un genre aimable, empreint de charme et d’élégance.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les arguments deviennent plus sérieux et dramatiques comme le prouvent les œuvres de Gounod (Faust, 1859), de Bizet (Carmen, 1875) ou encore de Delibes (Lakmé, 1883). L’opéra-comique exerce d’ailleurs une influence sur le grand opéra français, et on commence à ne plus pouvoir distinguer les ouvrages destinés à l’Opéra Comique de ceux destinés à l’Opéra. À la fin du siècle, l’usage des dialogues parlésqui faisait la caractéristique du genre à ses origines tombe même en désuétude. L’opéra-comique survit grâce à des œuvres telles que Les Contes d’Hoffmann (1881) d’Offenbach, mais le public préfère se tourner vers d’autres genres moins sérieux tels que l’opérette ou l’opéra-bouffe, qui remportent alors un vif succès.
Auteure : Anne Thunière