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La Princesse jaune Camille Saint-Saëns
Carte d’identité de l’œuvre : La Princesse jaune de Camille Saint-Saëns |
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Genre | opéra : opéra-comique |
Librettiste | Louis Gallet |
Langue du livret | français |
Commanditaire | Camille du Locle |
Composition | en 1872 à Paris |
Création | le 18 juin 1872 à l’Opéra Comique à Paris |
Forme | opéra en une ouverture et un acte |
Instrumentation | voix : chœur bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales, gong, triangle cordes pincées : 1 harpe cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Une œuvre orientaliste
La Princesse jaune, dont la première représentation a lieu le 12 juin 1872 à l’Opéra Comiquesalle de concerts parisienne fondée sous le règne de Louis XI, encore en activité aujourd’hui, est un opéra en un acte, s’inscrivant entièrement dans une influence orientaliste propre au XIXe siècle. Ce courant artistique dominant à cette période témoigne d’un intérêt pour les cultures de l’Orient, une recherche de l’exotisme qui bouleverse toute la société. Les expositions universelles renforcent cet engouement pour la vie coloniale même si, musicalement, les compositeurs s’en inspirent véritablement depuis le XVIe siècle.
La genèse de l’œuvre
Camille Saint-Saëns a écrit douze opéras, La Princesse jaune est son troisième. Alors que l’avènement de l’opéra-comiquegenre lyrique dont les scènes chantées alternent avec des dialogues parlés, et des apartés au public est supposé être révolu en 1872, Camille Du Locle, alors tout juste nommé à la tête de l’Opéra Comique, commande une pièce à Camille Saint-Saëns, avec deux autres œuvres, en un acte chacune, pouvant constituer une soirée. Du Locle présente Camille Saint-Saëns à Louis Gallet1835-1898, auteur dramatique et librettiste, notamment des opéras Le Cid et Thaïs de Jules Massenet. Les deux hommes, partageant les mêmes goûts artistiques, décident de créer une œuvre japonaise en accord avec les inspirations culturelles de l’époque. Mais Du Locle, ne voulant pas prendre le risque de déplaire au public, demande aux auteurs d’en faire une pièce mi-hollandaise, mi-japonaise.
Une renommée symbolique
Cinq représentations de la pièce sont ainsi données, et reçoivent un accueil mitigé par la critique. Néanmoins, La Princesse jaune marque l’histoire de l’opéra, entre autres pour deux raisons. D’une part, l’oscillation entre la réalité et le rêve n’avait alors jamais été transposée dans une partition, et d’autre part, c’est la première fois qu’une création artistique évoque le Japon en France, et la France au Japon. L’œuvre est le symbole d’une réelle avancée musicale vers l’orientalisme tout en conservant les traditions occidentales dans l’exercice de composition.
L’argument
La scène se passe en Hollande, dans la maison parentale de Léna où son cousin Kornélis possède son atelier. Sur un panneau, une figure de femme japonaise. Le jeune Kornélis, sous l’influence de la drogue, rêve d’une princesse lointaine japonaise en contemplant le portrait, et projette sur ce dernier tous ses fantasmes d’exotisme. Léna, alors amoureuse de lui, tente de le faire redescendre sur terre en lui clamant son amour.
La musique
Vive et légère, la musique évolue tout au long de la pièce, au gré des instants fantastiques des scènes. Alors qu’il l’avait déjà employé dans des pièces telles Anat Wadô ou Orient et occident, Saint-Saëns use avec parcimonie de la gamme pentatoniqueéchelle musicale constituée de cinq hauteurs de son, gamme aux sonorités asiatiques faisant ainsi écho aux inspirations japonaises de Kornélis.
La Princesse jaune fait preuve de trouvailles mélodiques inédites pour l’époque, notamment à travers l’emploi de clochettes. Écrite en un acte, la pièce ne compte qu’une demi-douzaine de morceaux reliés par de courts dialogues, conformément au genre de l’opéra-comique. L’Andantinotempo modéré, ni trop vite, ni trop lentement de l’ouverture introduit avec douceur la romance japonaise. Le placement du chœur derrière le rideau, le rendant ainsi invisible aux yeux du public, donne une dimension plus large à la pièce.
Focus sur l’Ouverture
L’ouverture d’un opéra est souvent le moment propice pour introduire les thèmes principaux qui apparaîtront dans l’œuvre. Elle permet également d’installer l’auditeur dans une première ambiance, laissant présager du ton général de l’opéra. L’Ouverture de La Princesse jaune est divisée en deux parties de caractères totalement opposés : un Andantino, suivi d’un Allegro giocoso.
Andantino
L’Andantino introduit le thème de l’amour mélancolique du héros, soupirant auprès d’une jeune femme lointaine rêvée et fantasmée. Sur un accompagnement discret de l’orchestre (délicats motifs de la harpe, quelques ponctuations des cors et cordes graves), les violons, flûte et clarinette entament un premier thème évoquant cet amour tant espéré.
En mode mineur, il est composé de phrases montantes puis descendantes, accompagnées à chaque fois de souffletsnuance crescendo-decrescendo, évoquant les soupirs de l’amoureux languissant. Le rythme pointé, puis syncopé, crée une sorte de balancement langoureux.
À ce triste chant répond le cor anglais, comme un écho, sur un ton presque plaintif. Puis les violons font entendre un deuxième thème, plus lumineux mais toujours aussi mélancolique, avec une mélodie très ornée et ondoyante qui plonge l’auditeur dans le monde lointain de l’Orient.
Premier et deuxième thèmes sont ensuite repris mais avec une orchestration différente, plus fournie. Une dernière intervention du cor anglais, « molto espressivo », clôt cet Andantino, et c’est sans transition que débute l’Allegro giocoso.
Allegro giocoso
C’est une tout autre ambiance que nous propose cette seconde partie de l’ouverture : les soupirs amoureux laissent place à l’effervescence et à la légèreté d’un Orient imaginé. Celui-ci est représenté par un thème vif et joyeux joué aux violons, bientôt rejoints par la flûte et les bassons. Les notes piquées de la mélodie et l’accompagnement en trémolos et pizzicatos des cordes apportent toute la légèreté à ce nouveau thème.
Saint-Saëns utilise ici une mélodie pentatonique ainsi que le timbre particulier du triangle pour évoquer l’Orient.
Des traits rapides montants et descendants fusent tantôt aux cordes, tantôt aux vents, et donnent cette impression d’effervescence. Un deuxième thème, dans le même esprit que le premier, est joué cette fois aux bois et à la harpe.
Au milieu de toute cette agitation, un moment de calme est amené par un passage joué aux cordes seules : une mélodie legato, descendante et decrescendo. Mais le répit est de courte durée, et très vite, le premier thème revient au hautbois cette fois. Les deux thèmes sont ainsi réexposés, dans une orchestration différente (à l’image de l’Andantino), et l’Ouverture se termine dans un joyeux tutti fortissimo.
Auteure : Anaïs Rambaud