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Sonate pour piano n° 21 « Waldstein »Ludwig van Beethoven
Carte d’identité de l’œuvre : Sonate pour piano n° 21 « Waldstein » de Ludwig van Beethoven |
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Genre | musique pour instrument seul |
Composition | 1803-1804 à Vienne (Autriche) |
Dédicataire | le comte Ferdinand von Waldstein |
Création | probablement en 1804 ou 1805 à Vienne |
Forme | en trois mouvements : I. Allegro con brio II. Introduzione - Adagio molto III. Rondo – Allegretto moderato – Prestissimo |
Instrumentation | piano seul |
Contexte de composition
En 1792, lorsqu’il arrive à Vienne où s’épanouit une vie culturelle et artistique particulièrement riche, Beethoven se fait d’abord connaître comme pianiste virtuose. Il est soutenu par le comte Ferdinand von Waldstein, son premier mécène important, qui lui permet de vivre de son art de façon plutôt confortable pour un musicien de cette époque. On ne s’étonne donc guère que la Sonate pour piano n° 21, composée une dizaine d’années plus tard, lui soit dédiée.
On distingue habituellement trois périodes stylistiques chez ce compositeur. La Sonate « Waldstein » appartient à la deuxième (1802-1812), surnommée « héroïque »en référence à la Symphonie n° 3 « Eroica » qui marque le début de la période, caractérisée par une série d’œuvres d’envergure exceptionnelle, avec un déchaînement des passions, une recherche de virtuosité ainsi qu’une exploration jusqu’à épuisement des possibilités des instruments et des idées musicales.
À cause de sa surdité grandissante, Beethoven délaisse petit à petit les salles de concerts où il jouait souvent ses propres œuvres, pour se consacrer entièrement à la composition. En 1803, il reçoit d’Angleterre un nouveau piano issu des manufactures des frères Erard. Alors qu’il n’entend presque plus les voix humaines, il peut cependant percevoir les sons des extrémités grave et aiguë de ce modèle qui comporte davantage de touches. Il s’attelle à la composition de la Sonate n° 21 qui parcourt tout le clavier du nouvel instrument et surprend par sa longueur, la complexité de sa structure et sa virtuosité.
Contrairement aux sonates pour piano habituelles, cette œuvre ne comporte pas exactement trois mouvements, mais plutôt deux : le deuxième constitue une brève introduction (Introduzione) au troisième. Beethoven avait composé un deuxième mouvement complet, mais on lui fit savoir que sa sonate était trop longue (les précédentes sonates durent un quart d’heure, contre 35 minutes pour la version originelle de la Waldstein !). Le compositeur écrit donc l’Introduzione et publiera séparément le deuxième mouvement précédemment composé sous le titre Andante favori (WoO 57).
Déroulé de l’œuvre
Le premier mouvement, Allegro con brio, commence par l’exposition de deux thèmes : le premier vif et bouillonnant, le second plus posé et mélodique. Un développement joue avec la transformation de ces deux thèmes, avant leur réexposition.
Le deuxième mouvement, Introduzione, est d’abord méditatif, errant, presque funèbre. Il se construit autour d’un motif pointé (long-bref-long) omniprésent.
Puis une mélodie plus lyrique et chaleureuse, très chantante, émerge dans le grave, avant le retour du motif pointé montant chaque fois un peu plus dans l’aigu.
Le finale de la sonate démarre sur un thème aux résonances populaires qui revient comme un refrain et alterne avec des passages à l’allure spontanée (c’est une forme rondo), réinstaurant l’esprit d’improvisation du premier mouvement. Par la richesse de son écriture et son infatigable impétuosité, la Waldstein forme ainsi une sorte de symphonie héroïque pour piano.
Zoom sur le premier mouvement
Le premier mouvement de la Sonate « Waldstein » saisit le public par son caractère à la fois tendu et explosif, et joue principalement sur l’opposition entre grave et aigu : ces registres s’affrontent dans tout le mouvement.
L’œuvre s’ouvre en effet sur des batteries de notes répétées dans le grave auxquelles répondent des figures moqueuses dans l’aigu. La tension est maintenue par une main gauche qui ne s’arrête jamais et par une instabilité de la couleur musicale (due au parcours tonal très changeant), comme si le discours ne parvenait pas à se poser et à s’exprimer totalement.
Progressivement, la musique ralentit et laisse finalement émerger un thème rêveur et mélodieux : les accords denses à l’image d’un choralÀ l’origine un genre vocal liturgique né au XVIe siècle, le choral est un chant simple, syllabique, à plusieurs voix homorythmiques (toutes les voix chantent le même rythme en même temps), interprété par l’assemblée des fidèles. Progressivement, le choral est également devenu un genre instrumental, notamment pour l’orgue., contrastant avec la texture de la partie précédente, apportent une atmosphère presque recueillie. La mélodie chaleureuse est ensuite reprise à la main gauche tandis que la main droite l’orne par des motifs tournoyants de notes rapides (triolets).
La tranquillité est de courte durée et bientôt la nervosité reprend ses droits. Le combat n’est pas terminé.
La partie centrale développe principalement les éléments constitutifs du début : opposition des registres grave et aigu, contraste entre stabilité et instabilité, et triolets infatigables. Beethoven y rajoute un caractère improvisé, déchaîné, et pousse toujours plus loin la difficulté technique.
La troisième et dernière partie du mouvement semble résoudre les tensions accumulées dans le développement en réexposant les idées initiales de façon plus stable du point de vue tonal.
À la fin, le compositeur joue une dernière fois avec le premier thème mais trompe l’auditeur en faisant résonner dolce (doucement) la rêverie ; puis l’idée initiale fait un dernier retour, les deux registres luttent une ultime fois avant d’éclater en brillants accords conclusifs.
Ce premier mouvement suit ce qu’on appelle une « forme sonate » : en trois parties, la première expose des idées contrastées, la deuxième les développe, et la troisième les réexpose.
Sources principales
- Henry-Louis DE LA GRANGE, Vienne : une histoire musicale, Paris, Fayard, 1995
- Wilhelm von LENZ, Beethoven et ses trois styles, 1852
- Brigitte et Jean MASSIN, Histoire de la musique occidentale, Paris, Fayard, 1985
Auteure : Lisa Petit