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Œuvre
Suite pour orchestre no 2, BWV 1067
Johann Sebastian Bach
Carte d’identité de l’œuvre : Suite pour orchestre no 2 (ou Ouverture pour orchestre no 2) BWV 1067 de Johann Sebastian Bach |
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Genre | musique pour ensemble instrumental avec soliste |
Composition | entre 1717 et 1723 à Köthen (en Allemagne actuelle) |
Création | à Köthen, probablement avec l’orchestre de la cour du prince Leopold d’Anhalt-Köthen |
Forme | suite de danses composée de 7 mouvements : 1- Ouverture 2- Rondeau 3- Sarabande 4- Bourrée I - Bourrée II - Bourrée I 5- Polonaise - Double 6- Menuet 7- Badinerie |
Instrumentation | Soliste : flûte traversière (probablement un violon à l’origine) Orchestre : violons, alto, basse continue |
Contexte de création et de composition
Installé successivement dans plusieurs villes d’Allemagne, Jean-Sébastien Bach occupe différentes fonctions selon l’endroit dans lequel il vit. Dès son arrivée à Weimar en 1708, Bach est organiste de la cour et musicien de chambre du duc Wilhelm Ernst. Au milieu de son séjour, il obtient le poste de maître de concertKonzertmeister, poste pour le plus éminent des musiciens attachés à une cour (il doit composer une cantate par mois et est le chef de tous les musiciens). Un poste encore plus prestigieux lui est alors proposé à Köthen, mais il doit pour cela demander un congé officiel à Weimar. Malheureusement, cela lui est refusé et Bach est même mis au cachot pour un mois, avant d’être enfin relâchéLe 6 novembre, Bach, jusqu’alors Maître de Concerts et Organiste de la Cour, a été, en raison de son attitude entêtée et du congé qu’il sollicite avec obstination, arrêté en la Salle de Justice : le 2 décembre, son congé lui a enfin été signifié, en même temps que sa disgrâce déclarée, et il a été libéré de ses arrêts.
(Procès-verbal de la cour de Weimar) !
Libre, Bach peut désormais accepter le tant convoité titre de maître de chapelleKapellmeister de la cour du prince Leopold d’Anhalt à Köthen, en 1717. Ce titre le place au sommet de la hiérarchie musicale et il dirige alors tout ce qui concerne la musique au sein de la cour. Le prince entretient d’ailleurs un petit orchestre de dix-sept musiciens, considérés parmi les meilleurs d’Allemagne. Ce sont probablement eux qui ont joué l’œuvre pour la première fois.
Durant son séjour à Köthen, Bach compose énormément (notamment le Premier Livre du Clavier bien tempéré, les Suites françaises BWV 812-817 et les Suites anglaises BWV 806-811 pour clavecin, les six Concertos brandebourgeois, deux concertos pour violon (BWV 1041 et BWV 1042), le Concerto pour deux violons, BWV 1043, les quatre suites (ou ouvertures) pour orchestre (BWV 1066-1069), les trois sonates et trois partitas pour violon seul (BWV 1001-1006), les six Suites pour violoncelle seul (BWV 1007-1012), des sonates pour violon et clavecin (BWV 1014-1019 et BWV 1021 et 1023), trois sonates pour viole de gambe et clavecin (BWV 1027-1029), les Sonates pour flûte et clavecin (BWV 1020, 1030, 1031 et 1033), la Sonate pour 2 flûtes et clavecin, BWV 1039, la Partita pour flûte seule BWV 1013) malgré une vie privée mouvementée : il perd sa première femme et en épouse rapidement une seconde, avec qui il aura treize enfants.
Il est difficile de dater avec exactitude la composition des quatre Ouvertures (appelées aussi Suites) pour orchestre car Bach a vraisemblablement commencé à les écrire assez jeune dans sa carrière à Weimar, puis à Köthen. Il les retouche probablement lorsqu’il est à Leipzig, vers 1739.
Langage musical
Les suites pour orchestre sont des successions de différentes danses mises en musique. À l’époque, ces suites sont nommées « ouvertures » car la pièce qui ouvre le recueil et introduit les danses suivantes est bien plus longue que les autres. Aujourd’hui, les deux termes sont utilisés.
Au moment de leur création, les suites sont très appréciées du public puisqu’elles suivent le « style français »caractérisé par la finesse du discours, l’élégante simplicité de la ligne mélodique, la noblesse et la variété apportées par les différents caractères des danses, très en vogue en Europe. Ce style, principalement défendu par Jean-Baptiste Lullysurintendant de la musique de la Chambre de Louis XIV, symbolise l’élégance à la française.
Musicalement, une suite consiste en une succession de danses basées sur différents rythmes, faisant alterner le plus fréquemment mouvements lents et mouvements vifs. Ce sont généralement une allemande, une courante, une sarabande et une gigue qui se succèdent. D’autres danses peuvent s’intercaler entre elles : le menuet, la gavotte et la bourrée. Toutes ces danses sont précédées d’une ouverture. Dans la Suite no 2, se succèdent une Ouverture, un Rondeau, une Sarabande, les Bourrées I et II, une Polonaise et son Double, un Menuet et une Badinerie.
Deux groupes d’instruments dialoguent entre eux. Le premier concerne le soliste. C’est aujourd’hui une flûte traversière qui tient ce rôle même si c’était probablement à l’origine un violon. L’autre groupe est constitué des instruments accompagnateurs (violons, alto, basse continue). Les dialogues entre les deux groupes d’instruments sont très différents selon les danses. Dans cette suite de pièces, Bach s’écarte des habitudes de composition de l’époque sur différents points :
- L’allemande, la courante et la gigue sont supprimées (l’allemande l’est d’ailleurs de toutes les ouvertures pour orchestre de Bach, comme pour signer la référence à la manière française) ;
- Dans le Rondeau, la flûte soliste et le violon 1 jouent la même chose, sauf dans une très courte partie où les deux instruments sont distingués ;
- Dans la Sarabande la flûte soliste joue la même partie que celle du violon 1 et dans le Menuet également. Dans une sarabande, ce n’est pas surprenant puisqu’il n’y a normalement pas de dialogue entre les deux groupes dans cette danse, mais c’est plus surprenant dans le Menuet puisque les conventions d’usage imposent généralement un deuxième menuet mettant en valeur le ou la soliste) ;
- La Badinerie (signifiant bagatelle ou chose frivole) ne relève d’aucune forme dansée ou d’aucun genre musical.
Finalement, le rôle du soliste est conventionnel uniquement dans la Bourrée II, la Polonaise et la Badinerie.
Zoom sur le 5e mouvement (Polonaise & Double)
Une polonaise, pièce musicale évoquant une danse d’origine polonaise, est une danse lente à trois temps. Dans la Suite no 2 pour orchestre, la Polonaise est suivie d’un Double. Musicalement, cela se traduit par un thème commun aux deux pièces mais qui est joué dans la Polonaise par la flûte, puis dans le Double par la basse continue. Dans ce Double, pendant que la basse continue joue le thème, la flûte le varie de façon rythmique et mélodique, tout en montrant sa virtuosité, ce qui la positionne comme une soliste. Après le Double, le début de la Polonaise est repris, impliquant ainsi que la flûte reprend elle aussi le thème.
Ce mouvement obéit donc à la forme ABA :
- A, Polonaise : thème à la flûte
- B, Double : thème à la basse continue pendant que la flûte varie le thème
- A, reprise de la Polonaise : thème à la flûte
Références
Sources principales
- Gilles CANTAGREL, J.-S. Bach. L’œuvre instrumentale, Buchet Chastel, 2017
- Martin GECK, Jean Sébastien Bach. Vie, œuvres et impact sur l’histoire 1685-1750 Inter nationes, 2000
- David Guy JOANNIS, Bach autrement Presses de l’Université Laval, 2015
- Éric LEBRUN, Johann Sebastian Bach, Bleu nuit éditeur, 2016
- Julie Anne SADIE (sous la direction de), Guide de la musique baroque Librairie Arthème Fayard, 1995
- Steven ZOHN, « Bach et le concert en ouverture », dans Bach Perspectives, Volume 6 : J. S. Bach’s Concerted Ensemble Music, The Ouverture, édité par Gregory G. Butler, Presses de l’Université de l’Illinois, 2007
Auteure : Marie-Line Arragon