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La famille Bach
Sept générations de compositeurs
Dans sa biographie consacrée à Johann Sebastian Bach et éditée en 1802, ForkelIl est le premier biographe de Bach, et peut être considéré comme l'un des pères de la musicologie. Il tient un grand nombre de ses renseignements de ses fils Carl Philipp Emanuel et Wilhelm Friedemann. constate : S’il a jamais existé une famille dans laquelle un don pour UN et précisément LE MÊME ART sembla en quelques sorte héréditaire, ce fut certainement la famille Bach.
Johann Sebastian lui-même se plaît à dresser une généalogie de sa famille à l’âge de 50 ans, laquelle est complétée plus tard par son fils Carl Philipp Emanuel, très soucieux de la mémoire de sa lignée. L’un comme l’autre situent le plus ancien musicien de la famille au XVIe siècle : Veit BachIl serait mort vers 1577, un meunier jouant du cistreinstrument à cordes des XVIe et XVIIe siècles, proche de la mandoline au rythme de son moulin. Il n’est pas musicien professionnel, mais ses fils ouvrent la voie en devenant les premiers Bach à vivre de la musique. Son fils Hans, bien que charpentier, devient artiste d’une renommée suffisante pour que l’on ait un portrait de lui. Il y est inscrit : Hans Bach, fameux et amusant jongleur de cour, ménétriervioloniste habitué à accompagner les fêtes comique, est un homme diligent, honnête et religieux.
La lignée des Bach musiciens s’étend sur sept générations, et rares sont ceux qui s’écartent de la voie musicale : ils deviennent dans ce cas pasteurs ou peintresLe dernier représentant de la famille, Paul Bach, est décédé en 1968 à 90 ans. Il était peintre de talent et mélomane averti, et était employé de la poste à Eisenach, ville natale de Johann Sebastian. L'un des fils de Carl Philipp Emanuel devient également peintre et s'installe à Rome. le plus souvent. Trente et un Bach sont devenus musiciens professionnels de l’ancêtre Veit à la naissance de Johann Sebastian, soit moins d’un siècle plus tard. Le phénomène se retrouve dans quelques autres familles d’Allemagne, mais de façon moins suivie, et sans figure comparable, même de loin, à Johann Sebastian Bach et ses fils. Les Bach sont luthiers, facteurs de clavecins, organistes, musiciens de ville ou de cour, etc... Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que les professions se diversifient, et que les enfants Bach quittent vraiment la régionJohann Christian, le dernier fils de Johann Sebastian, s’établit dans un premier temps en Italie puis à Londres. et aillent étudier à l’université.
Le choix d’une région
L’ancêtre Veit habitait dans l’empire des Habsbourg. Les guerres de religionLa contre-réforme, affirmant la présence de la religion catholique dans cette région, force les protestants à partir. le forcent à s’expatrier afin de trouver une région où le culte luthérien soit toléré : c’est la Thuringe, en Allemagne centrale, qu’il choisit. Cette région voit se multiplier les Bach musiciens, qui finissent par monopoliser dans certaines villes tous les emplois en rapport avec la musique : un Bach succède à un BachLes Bach se transmettent, par exemple, le poste d’organiste à Eisenach (la ville où naît Johann Sebastian) durant 150 ans.. La prolifération est telle que « Bach » en vient à désigner un musicien professionnel en général !
Une telle multiplication n’est pas un hasard : la Thuringe présente une géographie très morceléerésultat de la guerre de Trente Ans, de 1618 à 1648, qui dévaste les territoires, apporte la famine, la peste… juxtaposant une quantité de minuscules territoires, duchés ou états. Il est rare qu’une cour n’emploie pas de musiciens, si possible meilleurs que ceux du voisin. Par ailleurs, le culte luthérien, très attaché à la musique, est très implanté en Thuringe. Une quantité d’églises emploie des organistes et des maîtres de chapelle. Ajoutons que le métier de musicien est bien vu en Allemagne à ces époques ; il permet souvent de vivre de façon honorableTelemann (le plus grand musicien d’Allemagne à l’époque), contemporain et ami de Johann Sebastian Bach, a l’un des salaires les plus importants, toutes professions confondues, de Hambourg..
Une visite chez Johann Sebastian
Johann Sebastian Bach a vingt enfantsde ses deux femmes Maria Barbara et Anna Magdalena, mais dix seulement parviennent à l’âge adulte. Il ne faut pas imaginer des dortoirs infinis et des marmites pesant des tonnes, car trente-trois ans séparent la naissance de l’aînée et de la petite dernière. Au maximum, huit des enfants Bach se retrouvent sous le même toit, seulement six le plus souvent. Carl Philipp Emanuel, le second fils, se rappellepropos rapportés en 1802 par le premier biographe de Bach, Forkel que la maison ressemblait tout à fait à un pigeonnier
. Tout est musique dans ce foyer, et les dix-neuf instruments que l’on répertorie à la mort de Johann Sebastian, dont huit à clavier, n’en donnent qu’une image partielle.
Johann Sebastian perd son père à 10 ans, alors qu’il aurait dû, comme ses ancêtres, apprendre son métier de musicien par lui. Il ne cesse de combler ce vide sa vie durant, en cherchant à se former seulen recopiant une infinité de partitions, en cherchant à faire la connaissance de nombreux musiciens et en donnant à ses propres enfants ce qui lui a manqué. Sa journée terminée, il continue d’enseigner la musique à la maison, affectueusement mais fermement, y compris à d’autres membres de la familleIl enseigne à six de ses neveux. et à des élèves. Un témoinSchubart, en 1775 dans La Chronique allemande rapporte ce souvenir du dernier fils Johann Christian : J’improvisais au clavecin de manière tout à fait mécanique et je m’arrêtais sur une quarte-et-sixteC'est l’équivalent d’une virgule en littérature, et non d’un point : cet accord appelle une résolution sur un accord parfait.. Mon père était au lit et je croyais qu’il dormait, mais il sauta de son lit, me donna une gifle et je résolus ma quarte-et-sixte.
Les résultats de cette éducation vigilante sont éloquents : toute la famille accède à un excellent niveau musicalParmi les six fils survivants, cinq épousent une carrière musicale, et trois d'entre eux deviennent célèbres., y compris l’épouse de Johann Sebastian, dont la voix est particulièrement harmonieuse. Certes, la cacophonie règne durant les heures d’étude, mais certains moments sont réservés à l’harmonie des sons. Johann Sebastian est assez fier de déclarer que dans l’ensemble, ils [mes enfants] sont tous des musiciens nés, et je puis m’engager à former avec ma famille un concert de voix et d’instruments
. De grandes réunions de toutes les branches de la famille Bach ont lieu régulièrement à MülhausenJohann Sebastian y est organiste à l’âge de 22-23 ans., au cours desquelles tout le monde chante. L’habitude a été prise d’improviser un chœur dans lequel chacun prononce des paroles différentes, en s’arrangeant pour que l’ensemble soit harmonieux.
Le clan de Johann Sebastian est particulièrement solidaire lorsqu’il s’agit de préparer l’énorme quantité de partitions nécessaire aux musiciens. Le père copie par exemple la partie de 1er violon, tandis que son grand fils en copie une autre, le deuxième fils la partie de soprano, et Anna Magdalena la partie de violoncelle.
L’essentiel
- La lignée des Bach musiciens couvre sept générations.
- Ils s’installent en Thuringe (Allemagne centrale) car c’est une région de culte luthérien, qui peut offrir par ailleurs de nombreux emplois aux musiciens.
- Johann Sebastian est un pédagogue infatigable, chez lui comme ailleurs.
- Trois de ses fils deviennent de célèbres musiciens appréciés dans l’Europe entière.
Auteur : Jean-Marie Lamour