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Œuvre
Concerto brandebourgeois no 5, BWV 1050
Johann Sebastian Bach
Carte d’identité de l’œuvre : Concerto brandebourgeois no 5 BWV 1050 de Johann Sebastian Bach |
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Genre | musique concertante : concerto |
Commanditaire | Margrave Christian Ludwig de Brandebourg |
Composition | Terminé en 1721 mais probablement commencé dès 1713, à Weimar (1713-1717) et Köthen (1717-1721) |
Dédicataire | Margrave Christian Ludwig de Brandebourg |
Dédicace | Six Concerts |
Forme | Concerto en 3 mouvements : I. Allegro II. Affettuoso III. Allegro |
Instrumentation | Concertino : flûte traversière, violon principal, clavecin concertant Ripieno : violon, alto, violoncelle, basse continue |
Contexte de création et de composition
Entre 1717 et 1723, Bach est maître de chapelleEn allemand : Kapellmeister. Personne chargée de composer, d’enseigner et de jouer de la musique dans un cadre religieux et chrétien. C’est un poste très prestigieux à l’époque. à la cour de Köthen, en Allemagne. Même s’il est basé dans cette ville, il voyage beaucoup : à Leipzig pour une répétition d’orgue, à Hambourg pour prendre des contacts professionnels ou à Berlin pour acheter un clavecin. C’est lors de cette dernière occasion qu’il rencontre le margravetitre de noblesse donné à certains princes du Saint-Empire romain germanique Christian Ludwig de Brandebourg, qui est l’oncle du roi de Prusse Frédéric-Guillaume Ier. Le margrave, musicien sensible au talent de Bach, lui commande un recueil de pièces pour entretenir un petit orchestre qui est à son service. Deux ans plus tardEntre 1720 et en 1721, Bach perd respectivement sa femme Maria Barbara et son frère Johann Christoph, c’est lui qui avait recueilli le petit Johann Sebastian devenu orphelin à l’âge de 10 ans., le 24 mars 1721, Bach lui envoie une compilation de six morceaux, certains probablement déjà composés et d’autres sûrement spécialement conçus pour l’occasion. Il s’agit des six Concertos brandebourgeois, dont le nom a été donné par l’historien et musicologue allemand Philipp Spitta. Le titre original est Six Concerts avec plusieurs instruments. Malheureusement, il semblerait que le petit orchestre n’ait jamais joué ces pièces et que le margrave n’ait jamais remercié Bach !
Dans son envoi, Bach écrit une dédicace en françaisLa voici reproduite conformément au manuscrit, sans modification de l’orthographe :Six Concerts
qui retrace le contexte de composition.
Avec plusieurs Instruments
Dédiées
A son Altesse Royalle
[…]
Comme j’eus il y a une couple d’années, le bonheur de me faire entendre à Votre Altesse Royalle, en vertu de ses ordres, et que je remarquai alors, qu’Elle prennoit quelque plaisir aux petits talents que le Ciel m’a donnés pour la Musique […], elle voulut bien me faire l’honneur de me commander de Lui envoyer quelques pièces de ma composition […]
Langage musical
Au moment de la composition des Concertos brandebourgeois, Bach se passionne depuis quelques années déjà pour la musique instrumentale italienne. À l’époque, le compositeur italien Arcangelo Corelli compose des « concertos grossos ». Ce terme définit un style de composition qui oppose deux ensembles complémentaires : un groupe d’instruments appelé ripieno (composé d’instruments non solistes) et un groupe de solistes appelé concertino (généralement mis en avant). Dans le Concerto brandebourgeois n° 5, le concertino est constitué d’une flûte traversière, d’un violon principal et d’un clavecin. Ces solistes sont accompagnés du ripieno qui comprend des instruments de la famille des cordes (violon, alto, violoncelle). Une autre fonction, caractéristique de la musique baroque, complète le tout et s’associe à ces instruments : il s’agit de la basse continue. Le(s) instrument(s) qui tien(nen)t ce rôle joue(nt) de manière continue dans un registre plutôt grave sous la ligne mélodique. Même si c’est un accompagnateur, cet instrument peut faire partie du groupe concertino, comme c’est d’ailleurs le cas dans cette pièce avec le clavecin qui assume la double position de soliste et de « continuiste ».
Un concerto grosso comprend plusieurs parties appelées mouvements. Le Concerto brandebourgeois n° 5 en comprend trois : allegro, affettuoso et de nouveau allegro. Ces parties se distinguent par leur tempo (respectivement vif, lent et vif).
Ce Concerto brandebourgeois présente une spécificité : il correspond parfois à la composition d’un concerto grosso typique de l’ère baroquepériode qui va, pour la musique, de 1600 à 1750 environ mais relève aussi du concerto pour instrument seul. On peut notamment entendre la différence à la fin du premier mouvement lorsque le clavecin joue une longue cadenceDans ce cadre, une cadence est un passage soliste, souvent en fin de mouvement, qui permet au musicien de montrer toute sa virtuosité. Elle peut être improvisée par le soliste ou écrite par le compositeur. virtuose qui relève du concerto. La cadence doit normalement donner un sentiment d’improvisation et on se demande d’ailleurs si Bach lui-même ne jouait pas ses propres cadences lorsqu’il donnait des concerts. Cette spécificité fait de ce concerto un ancêtre des futurs concertos pour piano, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle où un orchestre complet accompagne un instrument soliste.
Zoom sur le 2e mouvement, Affettuoso
Après un premier mouvement à la fin duquel le clavecin a véritablement pris le premier plan sur les deux autres solistes (la flûte et le violon) avec sa longue cadence, l’instrument retrouve dans le deuxième mouvement sa place pour la basse continue. Ce mouvement est destiné uniquement au concertino, ce qui veut dire qu’aucun instrument du ripieno ne joue. Il est nommé Affettuoso, faux-ami d’« affectueusement », puisque ce terme signifie plutôt « avec affect », comme une désolation difficile à contenir.
Dans ce mouvement, les trois solistes dialoguent de différentes manières :
- Parfois, ils jouent à s’imiter et à se répondre. C’est ce style d’écriture qui introduit par exemple le premier thème : le violon propose ainsi une mélodie qui est reprise presque immédiatement par la flûte, puis le clavecin reprend cette mélodie mais un peu modifiée et dans un registre plus grave. Ce style d’écriture permet aussi de jouer avec de brefs motifs ;
- D’autres fois, les solistes se retrouvent, comme c’est le cas avec le deuxième thème du mouvement.
Ce deuxième thème a été amené progressivement, alors même que l’on entendait encore le caractère du premier. La flûte introduit en effet un premier motif, repris par le violon, puis repris trois fois par le clavecin avant que la flûte et le violon ne le jouent ensemble.
La suite du mouvement est un mélange harmonieux entre les deux thèmes tandis qu’une dernière reprise du premier thème clôt cet Affettuoso.
À l’écoute, on s’aperçoit que les musiciens ornementent la musique. Cela signifie qu’ils jouent des notes en plus de celles écrites sur la partition. Pour comprendre, il suffit de regarder l’illustration ci-dessous : c’est le même principe en musique !
Références
Sources principales
- Gilles CANTAGREL, J.-S. Bach. L’œuvre instrumentale, Buchet Chastel, 2017
- Martin GECK, Jean Sébastien Bach. Vie, œuvres et impact sur l’histoire 1685-1750 Inter nationes, 2000
- David Guy JOANNIS, Bach autrement Presses de l’Université Laval, 2015
- Éric LEBRUN, Johann Sebastian Bach, Bleu nuit éditeur, 2016
- Julie Anne SADIE (sous la direction de), Guide de la musique baroque Librairie Arthème Fayard, 1995
- Jérémie ROUSSEAU, (17 avril 2016) La Tribune des critiques de disques : Le Concerto Brandebourgeois n° 5, BWV 1050 de Jean-Sébastien Bach [Émission de radio]. France musique (consulté en mars 2024).
Auteure : Marie-Line Arragon