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Le zurna de Turquie
Zurna et davul
Zurna dérive du persan sur-nay, à interpréter soit comme « flûte de fête », soit comme « flûte de corne ». C’est un hautbois en buis, abricotier ou genévrier, sculpté au tour, de forme allongée, évasée à son extrémité, forme peut-être héritée de son ancêtre de corne. L’embouchure est garnie d’une anche doubleUne anche double est formée de deux languettes de roseau pincées par les lèvres du musicien et reliées ensemble à leur base par un lien. en roseau.
Il existe trois tailles de zurna, de la plus grande (grave) à la plus petite (aiguë) : kaba (réputée en Thrace), orta, cura (djoura). Elles ne sont pas traditionnellement jouées toutes ensemble, mais par paire de même format, l’une faisant office de bourdon, l’autre donnant la mélodie.
Le zurna est joué en respiration circulaire et produit donc un son continu ; il peut jouer de longues phrases mélodiques sans peine et ne donner aucun répit à la danse.
L’accordage de tous les zurna est diatonique, mais le style d’un instrumentiste dépend en grande part du contrôle de son souffle lui permettant de faire entendre de fins ornements avec glissando et les micro-intervalles voulus.
Le hautbois zurna est le plus souvent associé au tambour davul avec lequel il forme un couple indissociable qui prend le nom de davul-zurna. Le davul, tambour à double-peau, est tenu sur le côté par une sangle : sa peau antérieure est battue par la main droite à l’aide d’une mailloche et la peau postérieure par la main gauche avec une baguette fine.
Instrument de la fête
Le hautbois zurna est sous toutes ses formes, de la gaïta d’Afrique du Nord au suo-na chinois, l’instrument par excellence des fêtes. Sur la place d’un village anatolien, un samedi de noce, dès sept heures du matin, le hautbois zurna et la grosse caisse davul commencent une longue improvisation, entrecoupée de quelques airs de danse, alors que visiblement tout le village est encore endormi. Ils joueront toute la journée, annonçant ainsi le temps de la fête. Dans les mariages, le couple davul-zurna constitue un dispositif musical mobile et peut escorter ainsi les invités et les nouveaux arrivants.
De même qu’en Grèce antique, pour Platon, les musiques du hautbois aulos étaient mal vues car associées à la transe, de même en Turquie, l’association de la percussion et du son puissant du zurna ont pu pousser les villageois à ne pas les jouer et faire appel à d’autres groupes, comme les Tsiganes, pour les mariages. Ainsi encore aujourd’hui, aux abords d’Ankara, à la belle saison, on peut voir des joueurs de davul-zurna tsiganes attendre à un carrefour qu’on les embauche pour un mariage ou une circoncision.
Auteur : Jérôme Cler