Transversale et éclectique, la carrière de Mino Cinelu excède les frontières du seul jazz et, à l’image de sa panoplie de percussions empruntées à différentes cultures et découvertes au hasard de ses pérégrinations cosmopolites, son jeu ouvert excède tout style traditionnel et mêle des sons venus de tous les horizons. D’essence afro-caraïbe en lien avec ses origines martiniquaises, son ardeur percussive et son étonnante capacité à s’approprier les instruments mêmes les plus rudimentaires en font un magicien des timbres et des sons dont la science alchimique semble inépuisable tant elle décline, entre tradition et modernité, de gammes de couleurs. Guitariste, batteur, il use aussi de sa voix, de flûtes ethniques qu’il sait habilement associer aux ressources des synthétiseurs ou à des instruments de son invention.
Des débuts à l’international
Né le 10 mars 1957 à Saint-Cloud en France, Mino Cinelu commence à jouer à Paris dès les années 1970 au sein de différents groupes naviguant entre le free jazz (notamment le groupe Perception avec Didier Levallet, le Pandemonium de François Jeanneau ou le big band de Jef Gilson) et le jazz-rock. Sa carrière prend très tôt une tournure internationale. Installé à New York en 1979 après un passage par Londres (Gong, Allan Holdsworth) et des séjours aux Antilles, il forme un groupe avec les saxophonistes Arnie Lawrence et Ricky Ford, donne des concerts de percussions solo, accompagne la chanteuse haïtienne Toto Bissainthe à la guitare, travaille avec des compagnies de danse africaine et joue de la basse électrique tous les dimanches dans une église gospel. Remarqué par Miles Davis, il fait partie à partir de 1981 des formations qui accompagnent le come-back du trompettiste et participe à quatre des ses albums.
Une activité débordante
En 1984, Joe Zawinul le convainc de rejoindre Weather Report, groupe phare du jazz fusion auquel il appartiendra jusqu’à sa dissolution. Cette même année, il joue et enregistre avec l’orchestre de l’arrangeur Gil Evans. Dès lors, son activité est débordante et recouvre une diversité d’aires musicales remarquable. Il forme un trio avec John Scofield et Darryl Jones ; il enregistre avec Dizzy Gillespie en présence de Stevie Wonder (1986) et avec David Sanborn (1987) ; il participe à la reconstitution des Headhunters de Herbie Hancock (1989) et à différents groupes ancrés dans le jazz-rock et la fusion menés par Jim Beard (1991) ou Al DiMeola ; il apparaît dans le projet « Buckshot LeFonque » de Branford Marsalis (1994-1997) qui navigue entre hip-hop et jungle ; il constitue un trio remarqué avec Kevin Eubanks et Dave Holland (avec l’album World Trio, 1995) et collabore avec les guitaristes Nguyên Lê (1996) et Pat Metheny (1997) sans oublier de très nombreuses séances de variété et de pop music (Sting, Claude Nougaro, Bernard Lavilliers, Lou Reed, Rain Forest, etc.) ainsi que sa participation à la réalisation de musiques pour le cinéma ou la télévision. Depuis 1987, il est aussi l’un des partenaires réguliers de Michel Portal, qu’il épaule dans la réalisation de certains albums et avec lequel il se produit irrégulièrement en duo.
Expériences en solo
Une « carte blanche » proposée par le festival de Tourcoing en 1998 lui permet de se faire entendre dans une variété de contextes et d’interlocuteurs qui témoignent de son éclectisme. Sans œillères, ouvert à la nouveauté, éternel curieux, il propose en 2000 un premier album sous son nom réalisé entièrement seul, à domicile, sans débauche technologique : Le solo est, pour moi, une mise à nu. Une mise au point également. Si une situation musicale devient trop confortable et que des automatismes surgissent, le solo me force à dire une histoire impossible autrement. Il est un lieu d’investigation
. L’expérience est prolongée en 2002 par l’album Quest Journey. Il s’y révèle un chanteur dont la voix aérienne se mêlent à un foisonnement de sonorités que seul un authentique citoyen du monde peut parvenir à mêler avec autant de poésie.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juillet 2005)