Dave Holland (1946-)
Instrumentiste très assuré doté d’une belle sonorité et d’une technique éprouvée, Dave Holland pourrait bien être celui qui incarne et synthétise les conceptions de la contrebasse dans le champ du jazz moderne.
Les débuts avec Miles Davis
Né le 1er octobre 1946 à Wolverhampton (Royaume-Uni), il fait ses débuts de professionnel au sortir de l’adolescence dans une grande variété de contextes, non seulement dans le jazz, mais également dans d’autres genres musicaux, en une période de forte coexistence des styles. Marqué à ses débuts par les principaux contrebassistes modernes – Charles Mingus, Scott LaFaro, Jimmy Garrison, Ron Carter et Gary Peacock – Dave Holland s’est imposé sur la scène anglaise par sa constance, sa polyvalence jamais démentie et son engagement auprès de musiciens alors en plein épanouissement artistique (John Surman, John McLaughlin). En juillet 1968, de passage dans la capitale britannique, Miles Davis l’entend au Ronnie Scott’s où il apparaît souvent en qualité de sideman, et l’engage. Succédant à Ron Carter, le contrebassiste intègre le groupe régulier du trompettiste (dans lequel il joue surtout de la basse électrique) et participe aux séances historiques des albums In a Silent Way et Bitches Brew. Forte de cette expérience, sa carrière se fera désormais depuis les États-Unis.
La contrebasse comme pilier de groupe
Lorsqu’il quitte Miles Davis deux ans plus tard, Dave Holland s’associe avec le pianiste Chick Corea, le saxophoniste Anthony Braxton et le batteur Barry Altschul pour former un groupe qui prend le nom de Circle et révèle sa réceptivité aux concepts d’avant-garde du free jazz, mais aussi son souci de les inscrire dans une continuité formelle. Bien que de courte durée, l’existence de ce groupe acoustique marque un tournant dans l’assimilation du free jazz par des musiciens moins radicaux que ses pionniers. Ces préoccupations s’expriment avec plus de clarté encore dans le premier album signé par Dave Holland, Conference of the Birds (ECM, 1972), et dans l’amorce d’un travail approfondi avec le saxophoniste Sam Rivers. S’en dégage principalement l’idée que la contrebasse peut à elle seule, en l’absence de piano, grâce à des lignes d’une admirable puissance, être le pivot supportant d’un groupe, une conception que Dave Holland a fait sienne jusqu’à aujourd’hui. Au milieu des années 1970, le contrebassiste continue d’explorer un spectre large de musiques, poursuivant des duos expérimentaux avec Anthony Braxton et Barre Phillips, développant un travail en solo pour lequel il adopte aussi le violoncelle, s’investissant dans le trio Gateway qu’il forme en 1975 avec le guitariste John Abercrombie et le batteur Jack DeJohnette, accompagnant la chanteuse Betty Carter et collaborant très activement avec Sam Rivers dont les conceptions relatives à l’improvisation l’influencent fortement.
Depuis 1981, Dave Holland a dirigé une série de groupes à l’instrumentation originale, tous dépourvus de piano, dans lesquels sa contrebasse occupe une place à la fois prépondérante et fondamentale. Il y a non seulement révélé des musiciens de talent (Steve Coleman, Gene Jackson, Steve Nelson, Robin Eubanks, Chris Potter, Billy Kilson, etc.) mais aussi un répertoire qui en fait, dans la catégorie des contrebassistes compositeurs, le digne successeur de Charles Mingus. Marqué par les concepts rythmiques du M-Base auxquels l’a familiarisé Steve Coleman, il élabore des compositions complexes au plan rythmique et développées dans leur forme, qui laissent une grande place aux solistes tout en encadrant leurs interventions. Son groupe aux allures de workshop se distingue par une prédilection pour l’association saxophone/cuivre et la sonorité d’ensemble.
Collaborations ponctuelles et formations durables
Les très grandes qualités de Dave Holland lui permettent de répondre à des sollicitations ponctuelles qui aboutissent généralement à des moments d’exception : trio avec Hank Jones et Billy Higgins en 1989 ; album Parallel Realities de Jack DeJohnette avec Pat Metheny en 1990 ; hommage de Joe Henderson à Miles Davis en 1992 ; trio de Herbie Hancock en 1995 ; album Fascination Trio de Joe Lovano avec Elvin Jones ; album ScoLoHoFo avec John Scofield, Joe Lovano et Al Foster, etc. Elles ne l’empêchent pas de maintenir une activité de leader assidue et constructive avec son quintet qui s’impose comme l’une des petites formations les plus originales du paysage contemporain. Cette créativité atteint un nouveau stade lorsqu’en 2001, Dave Holland constitue un big band pour lequel il adapte ses vues de compositeur à la lumière de l’esthétique de Duke Ellington.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : août 2005)