Tout dans cet air traduit l’émoi et le trouble crées par l’éveil du sentiment amoureux chez le jeune page. Dans la première partie de l’air, le rythme (deux notes brèves suivies d’une longue) donne une impression de hâte, de « fuite en avant ». La seconde partie, entrecoupée de points d’orgue et de silences, témoigne d’un discours envahi par l’émotion. L’instrumentation participe à créer une atmosphère mystérieuse : hautbois et flûtes sont momentanément délaissés au profit du timbre tendre et chaleureux des clarinettes, accompagnées par les cordes en sourdine.
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Les Noces de Figaro Wolfgang Amadeus Mozart 3. L’argument
Acte I
L’opéra débute par son Ouverture, une introduction jouée par tout l’orchestre qui plonge immédiatement le spectateur dans le tourbillon de la « folle journée » voulue par Beaumarchais.
Un premier thème, initié par les cordes seules nuance pianissimo, exprime toute la fébrilité, la précipitation et l’effervescence de l’œuvre à suivre. Le tempo indiqué presto et la carruregroupement de mesures irrégulière de sept mesures renvoient à la hâte de cette « folle journée ». Aux cordes répondent les vents, toujours nuance piano, avant que n’éclate le tuttiTout l’orchestre joue. de l’orchestre, forte. Un deuxième thème, mélodique, est joué au basson et accompagné par les cordes. Les deux thèmes sont ensuite réexposés, et l’Ouverture se termine dans un grand crescendo de tout l’orchestre.
Lorsque le rideau se lève, à la fin de l’Ouverture, le spectateur découvre Figaro prenant des mesures au sol, afin d’y placer le futur lit conjugal des deux fiancés (duo « Cinque... dieci...). Suzanne refuse cette chambre que le comte leur a donnée, d’autant qu’elle se trouve juste à côté de celle de leur maître, qui pourra ainsi toujours les surveiller – et bien évidemment tenter de séduire Suzanne. Celle-ci explique à Figaro les intentions du comte, que son fiancé n’a pas su percer à jour (duo « Se a caso madama »). Figaro, qui vient de saisir les intentions de son maître, se promet de ne pas le laisser faire (air « Se vuol ballare »).
De leurs côtés, le docteur Bartholo, médecin à Séville, et Marceline, ancienne maîtresse de Bartholo, complotent contre le mariage. Marceline souhaite épouser Figaro, qui lui aurait jadis promis le mariage, alors que Bartholo veut se venger (air « La vendetta ») : Figaro a en effet permis au comte d’épouser Rosine, son ancienne pupille, qu’il convoitait.
Peu après, le jeune page Chérubin confie à Suzanne que le comte l’a surpris avec la jeune Barberine, fille du jardinier, et menace de le chasser du château. Il avoue également son amour pour la comtesse, et vole à Suzanne un ruban appartenant à sa maîtresse (air « Non so più cosa son, cosa faccio »).
À ce moment survient le comte. Chérubin, effrayé, va se cacher derrière un fauteuil. Se croyant seul, le comte commence à faire sa cour à Suzanne, mais est obligé de se cacher à son tour lorsqu’apparaît Bazile, le maître de musique. Celui-ci se permet d’évoquer devant Suzanne - qu’il croit seule - l’amour que Chérubin semble porter à la comtesse : le comte sort alors de sa cachette, furieux, à la grande stupeur de Bazile. Suzanne, oppressée par la tournure que prend la situation, s’évanouit. Les deux hommes s’empressent de la porter sur le fauteuil, où elle retrouve ses esprits, mais le comte découvre alors Chérubin, compromettant Suzanne : pourquoi celle-ci le cachait-elle ? Bazile sorti, le comte réalise alors avec effroi que Chérubin a été témoin de sa cour faite à la jeune femme.
Surviennent les villageois venus rendre hommage au comte. Ils chantent en chœur(« Giovani liete ») les vertus de leur maître, qui renonce – tel qu’il l’a annoncé - à exercer sur ses servantes l’ancien droit de conquête qui était le sien. De son côté, Figaro veut hâter son mariage avec Suzanne, et en public, afin de contraindre le comte à se tenir à l’écart de son épouse. Le comte, ayant compris la manœuvre de son valet, demande « un petit délai », car il espère pouvoir encore séduire Suzanne. De plus, il veut éloigner Chérubin du château et l’expédie au régiment. À travers son célèbre air « Non più andrai, farfallone amoroso », Figaro vante ironiquement les mérites de la guerre.
Acte II
La comtesse fait sa première apparition. Dans sa chambre, elle chante sa tristesse : son mari ne s’intéresse plus à elle (air « Porgi amor »). Entrent Suzanne et Figaro. Les deux domestiques proposent à leur maîtresse éplorée un stratagème pour donner une leçon au comte : lui faire croire à l’aide d’une lettre anonyme que la comtesse a un rendez-vous le soir même avec un amant, et l’attirer lui-même à un faux rendez-vous avec Suzanne. Au lieu de la servante, le comte se trouvera face à Chérubin, déguisé en fille, et la comtesse n’aura plus qu’à surprendre son mari. Chérubin survient, et chante une canzone de sa composition (air « Voi che sapete »), dédiée à sa maîtresse, et accompagnée à la guitare par Suzanne (qui joue fictivement sur scène).
Ce deuxième air de Chérubin est bien différent du premier de l’acte I. Ici, ce n’est plus le discours désordonné d’un jeune garçon en proie aux premiers élans amoureux. La structure de l’air, en trois parties selon la forme ABA, est claire. Pour la première fois depuis le début de l’œuvre, les quatre bois (flûte, hautbois, clarinette, basson) sont présents, mais solistes. Mozart varie constamment leurs rôles et leurs combinaisons. Les cordes, jouées en pizzicatoen pinçant les cordes avec le doigt, imitent la guitare de Suzanne.
Les deux femmes habillent le jeune page pour tromper le comte (air de Suzanne « Venite, inginocchiatevi, restate fermo li »). En déshabillant et rhabillant Chérubin, la comtesse découvre le ruban qui lui appartient, et qu’il a dérobé à Suzanne : celui-ci en profite pour avouer à demi l’amour qu’il voue à sa marraine.
Mais le comte revient plus vite que prévu et frappe à la porte. La comtesse a juste le temps de cacher Chérubin dans la pièce voisine, avant d’ouvrir à son époux. Celui-ci tient à la main la lettre anonyme écrite par Figaro. Le bruit d’un meuble renversé par Chérubin semble lui donner raison : il y a quelqu’un dans la pièce voisine ! La comtesse affirme qu’il s’agit en fait de Suzanne, et refuse d’ouvrir la pièce. Le comte finit par entraîner sa femme à l’extérieur, en fermant toutes les issues.
Suzanne, qui s’était cachée derrière le lit de sa maîtresse, fait sortir Chérubin de sa cachette (duo « Aprite, presto aprite »). Mais toutes les issues sont closes, et Chérubin se résout à sauter par la fenêtre, pour sauver l’honneur de sa maîtresse.
Ici commence le finale de cet acte, dans lequel Mozart a prévu un crescendo dramatique intense, sur une longueur de plus de 940 mesures : les personnages entrent les uns après les autres, passant du duo au septuor final. Alors que le comte et la comtesse reviennent, celle-ci avoue que Chérubin est caché derrière la porte, mais qu’il ne s’agissait que d’une farce. Le comte, furieux, force la porte et tombe à la surprise générale sur… Suzanne ! La jeune femme annonce au comte que la lettre qu’il a reçue était fausse, et qu’il s’agissait de le rendre plus attentif envers sa femme. Le comte, ému, demande à la comtesse son pardon (air « Ebben, se vi piace, comune è la pace »). Figaro survient : le comte lui demande d’expliquer la raison de la lettre anonyme, mais le valet détourne la question. Le jardinier à son tour entre en scène et apprend au comte qu’il a vu un homme - il s’agit de Chérubin - se jeter par la fenêtre. Surviennent Marceline et Bartholo qui espèrent plaider leur cause – c’est-à-dire obtenir du comte que Figaro tienne son ancienne promesse d’épouser Marceline. Le comte se servira de cette intervention providentielle pour essayer d’empêcher le mariage de Suzanne et Figaro.
Acte III
Dans une salle du château, le comte, encore troublé par les événements récents, médite seul. Suzanne arrive et lui propose un rendez-vous, comme convenu dans le plan ourdi avec la comtesse. En échange, le comte promet à Suzanne la somme d’argent qui permettra à Figaro d’échapper à Marceline (duo « Crudel, perché finora... »).
Le juge Don Curzio entre en scène : si Figaro ne peut payer Marceline, il doit l’épouser. Mais Figaro révèle qu’il est un enfant trouvé, et la marque sur son bras apporte la preuve qu’il est… le fils de Marceline et de Bartholo ! Le comte et Don Curzio, furieux de voir leurs plans déjoués par cet incroyable coup de théâtre, s’éloignent.
En attendant le retour de Suzanne, la comtess, seule, confie son amour passé et son espoir de retrouver le comte, en endossant pour cela les habits de sa camériste (air « E Susanna non vien »). Lorsque la jeune femme revient avec les nouvelles du faux rendez-vous, la comtesse lui demande d’écrire au comte, afin de lui préciser le lieu du rendez-vous (duo « Sull' aria »). Les deux femmes imaginent de cacheter la lettre avec une épingle, que le comte devra rendre en guise de bonne réception du message.
Plus tard, le comte découvre la lettre dictée par la comtesse, et qui vient de lui être donnée par Suzanne. Il se pique à l’épingle, ce qui amuse Figaro qui n'est pas au courant de la poursuite du plan élaboré précédemment.
Acte IV
Le comte a chargé Barberine de porter l’épingle à Suzanne, mais elle l’a perdue dans le jardin (air « L’ho perduta »). Figaro survient et l’aide en cherchant par terre avec elle. Craignant une trahison de sa fiancée, il donne à Barberine une épingle qu’il vient de prendre malicieusement sur les propres vêtements de la jeune fille. Celle-ci lui apprend alors que l’objet vient du comte, et qu’il faut la remettre à Suzanne, en guise de réponse. Figaro est effondré. Il confie sa rage à Marceline, sa mère. Décidé à se venger, il part sur les lieux du rendez-vous, espérant surprendre le comte avec Suzanne. Embusqué dans le jardin, la nuit, il accuse toutes les femmes en chantant l’air « Aprite un po’ quegli occhi ». Suzanne, prévenue par Marceline des intentions de Figaro, veut jouer un tour à son fiancé qui doute de sa fidélité. Déguisée en comtesse, et se sachant écoutée par Figaro, elle chante ainsi son impatience à retrouver l’élu de son cœur (air « Giunse alfin il momento »). Figaro croit évidemment que le comte est l’élu.
La fin de l’opéra voit se multiplier les quiproquos, les situations cocasses, les baisers et les gifles, à la faveur de l’obscurité du jardin. Le comte offre une bague à la comtesse, qu’il croit être Suzanne, et l’invite à se cacher avec lui dans l’obscurité. Mais Figaro survient et il doit s’enfuir. Le valet, ayant finalement deviné que Suzanne se cache sous les habits de la comtesse, décide de la séduire : Suzanne, offusquée croyant que Figaro cherche à conquérir la « vraie » comtesse, le gifle à neuf reprises ! Les deux fiancés finalement se reconnaissent, et tombent dans les bras l’un de l’autre. De son côté, le comte croit donc apercevoir Figaro avec sa propre épouse : il appelle tous ses domestiques comme témoins du dénouement. Mais les déguisements tombent : celle que le comte croyait être Suzanne et à qui il a offert un somptueux bijou n’est autre que la comtesse ! Il ne peut que lui demander pardon, à genoux. Tous les protagonistes présents sur scène s’unissent alors dans le même chœur, à la fin de cette « folle journée », et tous se dirigent ensuite vers le banquet du mariage, au son des danses et des chants.
Auteur : Bruno Guilois