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Les origines du flamenco
Le mystère du mot et des origines
Né en Andalousie à la fin du XVIIIe siècle dans les couches sociales les plus marginales et les plus pauvres, le flamenco reste marqué par un mystère autour de ses origines.
Le terme n’apparaît qu’au XIXe siècle et donne lieu à bien des controverses quant à son étymologie. Pour certains, il viendrait de l’arabe fellah mengupaysan en fuite. Cependant, certains musicologues ont fait remarquer que le terme « flamenco » n’est utilisé, dans le contexte qui nous concerne ici, que depuis le XIXe siècle, à une époque où la langue arabe n’avait plus guère d’influence en Espagne. Une autre possibilité serait que ce terme renverrait aux Gitans ayant combattu aux côtés des Espagnols dans les Flandres« Flamenco » signifie en effet « flamand » en espagnol.. D’autres hypothèses suggèrent encore que « flamenco » ferait écho au port altier du flamand rose qui n’est pas sans rappeler celui du chanteur ou du danseur, ou que le terme serait une allusion péjorative à la désignation des Gitans par les Andalous qui les traitaient de flamencosfanfarons. Le terme « flamenco » s’est imposé mais est parfois concurrencé par celui de cante jondoSignifiant « chant profond », ce terme sera proposé par Manuel de Falla et Federico García Lorca pour remplacer celui de « flamenco », devenu péjoratif au début du XIXe siècle..
Un second mystère persiste, celui de ses origines : en effet, si les influences arabes, juives ou gitanes y sont perceptibles, le flamenco semble surgir comme par enchantement au XIXe siècle, possédant déjà toute la gamme des styles fondamentaux, appelés palos, qui le caractérisent encore aujourd’hui.
Au début était une terre …
Avant d’atteindre l’universalité confirmée par le label « patrimoine culturel immatériel de l’humanité » obtenu en 2010, le flamenco a été l’expression artistique d’une région bien précise d’Espagne : l’Andalousie. Située au sud du pays, cette région autonome composée de huit provinces est le berceau du flamenco, en particulier les régions les plus méridionales de la Basse-AndalousieJerez de la Frontera, Cádiz, Utrera ou Lebrija. L’Andalousie va jouer le rôle de terre d’accueil et de carrefour d’échanges, propice à la naissance de ce nouveau genre musical et dansé.
Influences arabes et juives
La présence arabe en Espagne s’étend sur huit siècles et marque de son empreinte tous les domaines de la vie, au point de donner son nom à la région : Al Andalusterme provenant de l’arabisation de la désignation wisigothique de l’Espagne.
La richesse musicale de la culture arabe a laissé des traces dans le flamenco dont certains palos, comme la zambra, sont encore les témoins. On peut aisément saisir dans les mélismes du cante flamenco des échos de la musique du Maghreb et d’Orient, directement implantée en Espagne par des musiciens tels que ZyriabGrand réformateur des conceptions musicales de l'époque, il perfectionne le luth arabe en lui ajoutant une 5e corde, et fixe la forme de la nouba andalouse. de Bagdad, venu s’installer à Cordoue au IXe siècle.
À cette époque, les chants de la minorité juive vivant dans le sud de l’Espagne ont également pu pénétrer le folklore andalou et arriver par cette voie jusqu’au flamenco.
Gitans et flamenco
Partis du nord de l’Inde au Xe siècle, les Gitans ont traversé une bonne partie de l’Asie et toute l’Europe, adoptant beaucoup de traits culturels des terres traversées. Après un périple de plusieurs siècles, ils s'installent en Europe centrale et arrivent au début du XVe siècle en Basse-Andalousie. Intervenant dans les festivités populaires profanes et religieuses, ils se montrent des interprètes zélés des musiques autochtones, offrant une réinterprétation personnelle, « a lo gitano », d’un répertoire populaire connu de tous. Cette adaptation des formes musicales locales selon des structures qui leur sont propres (comme la seguiriya) va participer à la consolidation de la forme définitive du flamenco.
Géographie du flamenco
L’Andalousie, communauté autonome du sud de l’Espagne, se compose de huit provinces : Huelva, Sevilla, Cádiz, Málaga, Córdoba, Almería, Granada et Jaén.
La Basse-Andalousie est considérée comme le berceau du flamenco. C’est là que ce sont forgés quelques-uns des styles les plus fondamentaux du genre :
- les tonás, les chants les plus anciens, âpres et sobres, exprimant la dureté du quotidien,
- la seguiriya, longue plainte avec beaucoup de laliessuites de syllabes sans signification, exprimant la souffrance, l'amour et la mort,
- les soleares, chants majesteux, pleins de solennité et de grandeur,
- les bulerías, chants festifs exécutés sur un rythme très rapide, etc.
Cependant, les autres provinces ne sont pas en reste, et chacune à leur façon ont apporté leurs styles singuliers, leur palos, identifiés par leur lieu d’origine : malagueñade Málaga, rondeñade Ronda, granaínade Granada… La région d’Almería se distingue quant à elle par le taranto et les chants de mine.
Beaucoup de ces palos appartiennent à l’origine au genre musical du fandangochant issu du folklore, en particulier andalou, avant d’être incorporés au répertoire du flamenco.
L’essentiel
- L’origine du flamenco est aujourd’hui encore un mystère. Cependant, la tradition de cet art s’est construite en Andalousie, au sud de l’Espagne. À présent répandu à travers le monde, le flamenco a été labellisé en 2010 « patrimoine culturel immatériel de l’humanité ».
- Les mélodies du flamenco se sont enrichies des influences musicales arabes et juives.
- Les Gitans, une fois arrivés sur le territoire andalou, se sont emparés du flamenco et ont contribué à lui donner sa forme définitive.
Auteur : Jean-François Carcelen