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Les Nuits égyptiennes

Carte d’identité de l’œuvre : Les Nuits égyptiennes d’Anton Arenski |
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Genre | ballet |
Composition | en 1900 à Saint-Pétersbourg |
Création | le 21 mars 1908, au Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg, par le chorégraphe Mikhaïl Fokine |
Forme | ballet en un acte et treize numéros |
Suite orchestrale op. 50a | |
Genre | musique symphonique |
Composition | en 1900 à Saint-Pétersbourg |
Forme | suite composée de sept mouvements : 1. Ouverture 2. Danse d’Arsinoé et des esclaves (n° 3 dans le ballet) 3. Danse des Juives (n° 7) 4. Danse des Ghazies (n° 9) 5. Charmeuse des serpents (n° 10) 6. Pas de deux. Valse (n° 11) 7. Entrée solennelle d’Antoine (n° 6) |
Instrumentation | bois : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba percussions : timbales, cloches, castagnettes, grelots cordes pincées : 1 harpe cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de création et de composition
Le titre du ballet, Les Nuits égyptiennes, rappelle celui d’une nouvelle de Pouchkine écrite en 1835. Mais en ce qui concerne l’histoire du ballet et cette plongée dans l’Orient, Arenski a puisé ses informations dans un ouvrage célèbre à l’époque d’Edward William Lane, Des mœurs et coutumes des Égyptiens modernes, publié à Londres en 1837. C’est un ouvrage qui fait date dans l’histoire de l’orientalisme par ses puissantes descriptions de la vie des Égyptiens, et qui inspirera plusieurs artistes dont Gérard de Nerval. Arenski compose un ballet en un acte et dix parties. Ce divertissement-ballet, destiné à l’origine au ballet impérial de Saint-Pétersbourg, ne verra pas le jour en raison du décès du chorégraphe Lev Ivanov. Il faut attendre 1908 et Mikhaïl Fokine pour le voir monté au théâtre Mariinsky, puis le 25 juin 1910, où il sera interprété par les Ballets russes de Diaghilev dans la production Cléopâtre au théâtre du Châtelet à Paris. Il figurait parmi plusieurs pièces réunies autour de la thématique « Les Orientales » en prélude à L’Oiseau de feu d’Igor Stravinski. Arenski propose, toujours en 1900, une suite d’orchestre à partir de ce ballet, son opus 50a.
Focus sur quelques mouvements de la suite
Danse des Ghazies
Cette valsedanse à trois temps commence en lourdeur. Les instruments graves appuient le premier temps alors que les castagnettes crépitent sur le deuxième. Se superpose un motif rythmique qui évoque la danse mais le ton est donné, on est bien là dans l’univers guerrier de ces Ghaziesguerriers religieux du Moyen Âge convertis à l’islam, pensant atteindre le paradis en se lançant dans de grandes batailles.

Sur cette basse solide vient s’ajouter une mélodie dansante, jouée aux cordes et aux bois.

On retrouve cet air joué avec douceur à la clarinette sur un accompagnement léger de cordes fuyantes comme des feux follets. Puis revient l’idée initiale dans un puissant tuttitout l’orchestre.
La seconde partie est tout en retenue. La flûte, soutenue discrètement par quelques percussions – les grelots et les cloches –, s’élève légèrement, dans un saisissant contraste : nuance piano, notes piquées...

alors que les cordes égrènent quelques notes en pizzicatoLes cordes sont pincées avec les doigts.. C’est un moment de calme et de douceur, précédant le retour de la première partie qui se termine avec panache, évoquant des guerriers triomphants.
Charmeuse des serpents
Cette pièce est assurément teintée d’éléments orientaux par l’emploi de modes arabisants et de leurs intervalles caractéristiques, ainsi que par le choix de l’instrument principal : le hautbois.
Pour camper cette femme indissociable de la magie des nuits d’Orient, Arenski fait jouer au hautbois seul une mélopée chromatique langoureuse. Des mélismes tortueux se déploient, révélant la sensualité de cette charmeuse de serpents qu’on imagine tout à fait mystérieuse. La mélodie seule commence avec une liberté d’interprétation indiquée dans la partition : accelerando = en accélérant, suivi de ritard. pour ritardando = en ralentissant, puis a tempo = en reprenant la vitesse initiale. Tout l’Orient se trouve dans cette mélodie.

Discrètement soutenu par un rythme syncopé aux cordes, ce thème continue d’évoluer au hautbois, bientôt rejoint par la flûte. Mais pas question de se laisser ensorceler par la langueur de cette mélodie. Voici bien vite un second thème, vif et agile, qui bondit et virevolte aux flûtes, hautbois et clarinettes dans une danse rapide et tournoyante. Quelques envolées du piccolo dans le suraigu, un léger crescendo, et voilà cette courte pièce rythmiquement compliquée qui s’achève avec des gammes montantes rapides et un trille finalbattement rapide de deux notes voisines pétillant.
Pistes pédagogiques
- Arts plastiques, tous niveaux
1- L’Orient, entre fantasme et réalité. Regarder quelques tableaux, par exemple Pèlerins allant à La Mecque (1861) de Léon Belly, ou Le Sahara (1867) de Gustave Guillaumet. Quelle vision de l’Orient proposent-ils ? Faire une recherche sur leurs liens avec l’Orient. Y sont-ils allés ? Imaginent-ils la scène ?
2- Le peintre français Henri Rousseau a peint un célèbre tableau intitulé La Charmeuse de serpents (1907). Fait-il référence à l’Orient ? Faire une recherche sur ce peintre autodidacte et ses imaginaires. - Arts plastiques, 4e et 3e
Faire le lien avec les activités en cours d’histoire : regarder le tableau de Jean-Léon Gérôme Le Général Bonaparte et son état-major en Égypte (1867). Le peintre était-il sur place lorsqu’il l’a réalisé ou a-t-il fait appel à son imagination ? - Français, 4e, 3e
1- Les artistes français ont souvent exprimé leur fascination pour le désert, comme l’a fait Charles Marie Leconte de Lisle (1818-1894). Après avoir expliqué le vocabulaire et étudié ce poème, expliquer quel désert il évoque dans Le Désert (paru dans le recueil Poèmes barbares, 1889). On pourra ensuite faire une recherche sur les liens qu’il a entretenus avec le mouvement orientaliste.
Quand le Bédouin qui va de l’Horeb en Syrie
Lie au tronc du dattier sa cavale amaigrie,
Et, sous l’ombre poudreuse où sèche le fruit mort,
Dans son rude manteau s’enveloppe et s’endort,
Revoit-il, faisant trêve aux ardentes fatigues,
La lointaine oasis où rougissent les figues,
Et l’étroite vallée où campe sa tribu,
Et la source courante où ses lèvres ont bu,
Et les brebis bêlant, et les bœufs à leurs crèches,
Et les femmes causant près des citernes fraîches,
Ou, sur le sable, en rond, les chameliers assis,
Aux lueurs de la lune écoutant les récits ?
Non, par delà le cours des heures éphémères,
Son âme est en voyage au pays des chimères.
Il rêve qu’Al-Borak, le cheval glorieux,
L’emporte en hennissant dans la hauteur des cieux ;
Il tressaille, et croit voir, par les nuits enflammées,
Les filles de Djennet à ses côtés pâmées.
De leurs cheveux plus noirs que la nuit de l’enfer
Monte un âcre parfum qui lui brûle la chair ;
Il crie, il veut saisir, presser sur sa poitrine,
Entre ses bras tendus, sa vision divine.
Mais sur la dune au loin le chacal a hurlé,
Sa cavale piétine, et son rêve est troublé ;
Plus de Djennet, partout la flamme et le silence,
Et le grand ciel cuivré sur l’étendue immense ! Il sera intéressant ensuite de rapprocher ce texte du tableau peint par Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Un Arabe et son cheval ou Dans le désert (1872).
2- Victor Hugo, préoccupé comme ses semblables par l’Orient, écrit le recueil de poèmes Les Orientales (1829) dans son salon parisien. On peut étudier Rêverie, ou lire Sara la baigneuse ou Lazzara pour approcher l’idée que se fait un écrivain n’ayant qu’une vue imaginaire de la femme orientale. Plus proche d’une réalité, on choisira un extrait de Les Femmes du Caire de Nerval (1850), qui a vécu en Égypte. Si l’on préfère aborder le genre du journal intime, il convient de se pencher sur le premier roman de Pierre Loti, Aziyadé (1879). - Géographie, tous niveaux
L’Égypte. Faire une recherche géographique. Comment le pays se présente-t-il ? Où se situe-t-il sur une carte du monde ? Choisir plusieurs régions, trouver des photos de paysages et de villes. Comment les habitants vivaient-ils au XIXe siècle ? Et aujourd’hui ? - Histoire, tous niveaux
L’Égypte. Quels sont les rapports entre l’Égypte et l’Occident ? Revenir sur la campagne d’Égypte du général Bonaparte.
Faire quelques recherches :
- Pourquoi la station de métro parisienne Pyramides porte-t-elle ce nom ?
- Y a-t-il dans la capitale française d’autres signes qui rappellent cet événement historique ? - Français, Histoire-géographie et arts plastiques
Pour les enseignants qui sont en région parisienne, signalons que le château de Monte-Cristo, situé à Port-Marly (78) et construit par Alexandre Dumas, compte un salon mauresque. Pourquoi ne pas aller le visiter ?
On peut également suggérer de se rendre au cinéma Le Louxor (170, boulevard de Magenta, Paris 10e), construit en 1921 et récemment restauré. Il transporte dans les fastes d’une Égypte réinventée.
Auteure : Sylvia Avrand-Margot
Ressources
- Fiche activité - Danse des Ghazies et Charmeuse de serpents - Anton Arenski (format PDF - 309Ko)