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Orfeo Silvia Colasanti
Carte d’identité de l’œuvre : Orfeo de Silvia Colasanti |
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Genre | musique pour ensemble instrumental et récitant |
Texte | traduction et adaptation française de Myriam Tanant, d’après les livres X et XI des Métamorphoses d’Ovide |
Commanditaire | Istituzione Universitaria dei concerti [Institution universitaire des concerts] |
Composition | en 2009 |
Création | le 10 novembre 2009 à la Aula Magna Università La Sapienza, à Rome, par Maddalena Crippa (récitante) et le Nuovo Contrappunto Ensemble sous la direction de Mario Ancillotti |
Forme | œuvre en un seul mouvement |
Instrumentation | voix : récitant bois : hautbois, clarinette, basson cuivres : Cor percussions : grosse caisse, toms, tam-tam, gong, crotales, triangle, cymbales, vibraphone, bâton de pluie, plaque de tonnerre, carillon (+ archet de contrebasse) cordes : violon 1, violon 2, alto, violoncelle, contrebasse |
Ovide, les Métamorphoses et Orphée
Issu de la plus haute société romaine, Ovide (43 av. J.C. – 17 ou 18 ap. J.C.) exploita longtemps toutes les tendances de la poésie élégiaque, au caractère volontiers érotique (Les Amours, Les Héroïdes, L’Art d’aimer, etc.).
En l’an -1, il débute l’écriture de son chef-d’œuvre, les Métamorphoses, long poème mythologique épique de 15 livres et près de 12 000 vers en hexamètres. Ce poème raconte en 246 fables l’histoire du monde gréco-romain, du chaos primitif à l’apothéose de César, au cours de laquelle s’enchaînent des légendes de transformations de dieux ou d’hommes en animaux, plantes, rochers, etc.
L’histoire d’Orphée et Eurydice est racontée dans le Livre X ; la mort d’Orphée dans le Livre XI.
Orphée (Orfeo en italien), poète et musicien de Thrace (actuellement en Bulgarie), épouse Eurydice mais d’emblée, les présages sont défavorables. Peu après leur union, Eurydice, mordue par un serpent, meurt et est emportée aux enfers. Orphée décide alors d’y descendre à son tour pour la réclamer aux divinités infernales. Séduits par le chant et la lyre du poète musicien, les habitants du royaume des morts acceptent sa demande, à condition qu’il ne se retourne pas pour regarder Eurydice avant d’avoir quitté le monde des enfers. Mais alors qu’ils sont presque arrivés, Orphée, trop impatient et trop inquiet, ne peut s’empêcher de se retourner : Eurydice rentre alors définitivement au royaume des morts. Inconsolable, Orphée fuit désormais l’amour et erre, désespéré, quittant la plaine pour les montagnes du Rhodope et de l’Hémus. Le son de sa lyre et ses chants charment les bois, mais Orphée est agressé par les bacchantes, qui se vengent d’avoir été dédaignées par l’époux éploré, resté fidèle à Eurydice par-delà la mort. Les cris des bacchantes sont tels qu’ils couvrent le son de la lyre, rendant Orphée vulnérable : il est touché mortellement et retrouve ainsi Eurydice, qu’il ne craint plus de regarder.
Voici ce que Silvia Colasanti dit de son œuvre :
Orfeo se présente comme un « concerto » pour voix récitante et ensemble avec une alternance entre parole et musique. La musique a une fonction dramaturgique très intense qui est celle d’exprimer un état primordial de la pensée quand celle-ci est encore au stade du ressentir. À des moments précis les sons amplifient le sens du texte et en soulignent certains aspects ; dans d’autres, ils expriment toutes les choses non dites. C’est pourquoi la musique cohabite avec la parole à certains endroits et à d’autres, elle est seule. Quand Orphée remonte des Enfers, il y a une section exclusivement instrumentale pour exprimer la suspension entre la pulsion passionnelle de savoir et le frein rationnel du tabou. Elle est suivie par une autre section musicale – entièrement construite à partir de la réinterprétation de l’aria que Monteverdi a écrite pour ce moment dans son opéra, et qui est ici confiée à un cor placé derrière le public – pour raconter la joie et la douleur d’Eurydice revoyant le visage d’Orphée. La musique seule remplace plus loin les histoires chantées par Orphée après son retour des Enfers et, dans le finale, elle évoque la mort violente du poète tué par les Bacchantes, sa souffrance et en même temps son désir de retrouver l’être aimé, et sa descente définitive dans l’Hadès. Ici, Ovide nous offre une image merveilleuse : celle de la tête et de la lyre d’Orphée qui, entrainées par le fleuve, chantent encore tandis que la nature semble répondre à ces sons par le chant différent de l’eau et de la rive.
Dans son mélologuepièce musicale pour voix récitante et ensemble dans laquelle texte et musique sont d’égale importance Orfeo, Silvia Colasanti propose un rapport texte-musique fondé essentiellement sur le principe du figuralisme : la musique « traduit » en sons le texte en recréant l’atmosphère sonore de la scène ou en mettant en valeur un mot précis. Ainsi, pour la mort d’Eurydice, le texte La jeune épouse mourut, piquée au talon par un serpent
est illustré par un son de tam-taminstrument similiare au gong, mis à part que le tam-tam est une percussion à son indéterminé évoquant la morsure, puis par sa résonance suivi d’un silence, soulignant le choc de la disparition.
Ce procédé s’avère récurrent dans Orfeo, si bien que le langage pourtant clairement contemporain et volontiers dissonant n’apparaît jamais hermétique, même aux oreilles les moins habituées, car texte et musique s’associent pour faire sens. Dissonante, la musique de Silvia Colasanti ne l’est jamais gratuitement : il s’agit avant tout de jouer avec la tension quasi perpétuelle du sujet. Mais c’est surtout le charme du timbre instrumental et de ses multiples associations qui prévaut dans l’œuvre ; en témoignent les nombreux instruments de percussion, et plus encore les innombrables modes de jeux que la compositrice réclame aux instruments. Ainsi pour les seules cordes : legato (notes liées, jouées dans un même coup d’archet), staccato (notes détachées les unes des autres), glissando (le doigt glisse sur la corde), doubles-cordes (deux notes sont jouées simultanément), pizzicato (corde pincée), harmoniques (le doigt effleure la corde créant un son cristallin), sul ponticello (l’archet frotte la corde au niveau du chevalet, créant un son décharné), etc. Cette richesse de timbres permet ainsi au groupe instrumental de transmettre les toutes aussi riches émotions présentes dans le texte.
Auteur : Antoine Mignon