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Call pour quintette Luciano Berio
Carte d’identité de l’œuvre : Call pour quintette, « Fanfare de St. Louis » de Luciano Berio |
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Genre | musique de chambre |
Composition | en 1985, révisée en 1987 |
Dédicataires | Adriana Panni et le Nashville Brass Quintett |
Création | le 31 juillet 1985 à Saint Louis, aux États-Unis, par le Nashville Brass Quintet |
Forme | pièce en un seul mouvement |
Instrumentation | quintette de cuivres : deux trompettes, un cor, un trombone, un tuba |
Indication du compositeur sur la disposition des instruments (mentionnée au début de la partition) | Les cinq instruments doivent être disposés comme ceci, à une distance d’au moins deux mètres les uns des autres : trompette 1 – trombone – cor – tuba basse – trompette 2. |
Caractéristiques et description de l’œuvre
La Fanfare de Saint-Louis est une brève cérémonie musicale, un appel au public, une invitation à écouter – avant que la fête commence.
C’est ainsi que Luciano Berio présente son œuvre. Comment comprendre un tel sous-titre ? Faut-il y voir de l’ironie, de la dérision ? Les mots cacheraient-ils une énigme, un mystère ? Ou bien faut-il y voir une présentation de différents éléments narratifs ?
Tentons d’y voir plus clair !
Au début, les deux trompettes hoquètent, c’est l’appel initial destiné à mobiliser l’attention d’un « public » distrait (la note est un fa#). La première trompette joue des notes entrecoupées de silences, comme un héraut s’exprimant pour se faire entendre d’un grand nombre de personnes, le tempo est rapide et la nuance fortissimo. La seconde trompette adopte approximativement le même discours que la première pour le renforcer. Le cor, le trombone et le tuba basse réagissent rapidement, comme une réponse un peu contrariée à l’énergique intrusion des trompettes : le « public » a bien reçu leur appel.
Admettons donc qu’il y ait deux personnages, un héraut et un public, et qu’une action dramatique et théâtrale nous soit proposée.
Le public s’étant manifesté, les deux trompettes reprennent le fil de leur discours, d’abord avec conviction (toujours autour de la note fa#), puis avec plus de douceur (nuance piano - sur la note la - et mode de jeu trémolonotes répétées rapidement), l’une des trompettes utilisant une sourdine wa waSourdine à placer dans le pavillon de l’instrument qui produit ainsi des sons plus nasillards.. Cet apaisement est motivé par l’importance accrue des trois autres instruments qui hoquètent à leur tour dans un jeu de communication un peu burlesque. Un trait d’humour grinçant se fait jour lorsque le tuba basse joue une pédalenote grave continue (sur la note ré#), comme pour affirmer sa contrariété et sa désinvolture.
Le discours semble alors s’homogénéiser mais reste incohérent, on a l’impression que l’ensemble des personnages n’est pas en phase, ne se comprend pas. Cette incohérence est passagère et, la surprise passée, les participants finissent par s’accorder.
Le tuba prend alors le rôle de la basse d’accompagnement tandis que les trompettes, légèrement lyriques, rivalisent de virtuosité. Cette virtuosité mène tout droit vers un engourdissement, un assoupissement, un amollissement généralisé. La torpeur prend le pas sur le discours, des signaux fortissimo au tuba basse et au trombone retentissent mais n’arrivent pas à perturber son évolution. L’extinction sonore est proche, les instrumentistes se mettent alors à vocaliser dans leurs instruments (ils articulent des voyelles en chantant). Ce passage phonétique (noté « chantant » par le compositeur) fait penser à un marmonnement : les spectateurs semblent maintenant prêts à assister au spectacle, à la fête qui va suivre. On entend alors l’appel des trompettes qui retentit, cette fois-ci avec l’assurance d’être entendu.
Une caractéristique de la partie centrale avant le retour de l’appel est liée à l’usage de la technique de l’aléatoire contrôlé : les parties instrumentales sont progressivement impliquées par le processus qui consiste à répéter les différentes parties not in strict tempo
(« dans un tempo légèrement différent »), parties rigoureusement écrites par ailleurs. Une liberté est ainsi laissée à l’interprète de jouer ces parties à un tempo qu’il choisit, des signaux précis contenant quelques notes seulement permettent aux instrumentistes de retrouver un discours ordonné. Exemples : le tuba basse, le trombone à deux reprises (la seconde en glissando), donnent ce signal après lequel les musiciens comptent en secondes le temps qui leur reste avant la prochaine séquence de notes.
Cette partie centrale fonctionne un peu comme une « cadenceMoment d’improvisation et de grande virtuosité dans un concert. ». La pièce s’achève comme elle avait commencé, avec l’appel impérieux des trompettes (sur la note fa#) qui retentit comme une dernière tentative, réussie celle-là, pour préparer le public à la fête qui va suivre : c’est la coda, le dialogue des deux trompettes est écourté. Le tempo est à peine plus vif qu’au début, le climat est quasiment dansant avec un léger swing. Les spectateurs sont prêts à assister à la fête qui va suivre.
Suggestions d’écoutes
- Concerto pour piano de Witold Lutoslawski (passages en aléatoire contrôlé)
- Quintette de cuivres d’Eliott Carter
- Concertini d’Helmut Lachenmann (pour la spatialisation)
- Gruppen pour trois orchestres de Karlheinz Stockhausen (pour la spatialisation)
- Dans la toute fin de Call, Berio emploie la technique du hoquet en s’inspirant exactement de ce que font les orchestres de trompes de la population Banda Linda en République centrafricaine :
Auteur : Frédéric Lagès