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Gougalon Unsuk Chin
Carte d’identité de l’oeuvre : Gougalon de Unsuk Chin |
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Genre | musique pour ensemble instrumental |
Composition | en 2009, révision en 2011 |
Création | le 9 octobre 2009 au Konzerthaus, Großer Saal, à Berlin, par l’ensemble Modern sous la direction de Johannes Kalitzke |
Forme | scènes de rue en six mouvements : I. Prologue - Ouverture dramatique du rideau II. Lamentation de la danseuse chauve III. Le Rigolard Diseur de bonne aventure avec la fausse dent IV. Épisode entre les bouteilles et les canettes V. Circulus vitiosus - Danse autour des baraques VI. La Chasse pour la natte du charlatan Les deux derniers mouvements sont un ajout suite à la révision de 2011. |
Instrumentation | bois : 1 flûte (aussi flûte piccolo, flûte alto, cloche), 1 hautbois (aussi cor anglais, tambourin), 1 clarinette (aussi petite clarinette, clarinette basse, sistre) cuivres : 1 trompette (aussi guiro), 1 trombone (aussi maracas) percussions : 2 percussionnistes pour un ensemble de percussions variées claviers : 1 piano préparé (à 4 mains) cordes : 1 violon 1, 1 violon 2, 1 alto, 2 violoncelles, 1 contrebasse Cette instrumentation est celle de la version de 2011, enrichie notamment en percussions, par rapport à la version originale. |
Bienvenue dans un « théâtre de rue »
Le mot « gougalon » provient de l’allemand ancien et signifie plusieurs choses à la fois : « entourlouper », mais aussi « faire des mouvements ridicules », « duper quelqu’un avec de la fausse magie », « dire la bonne aventure »… Ce titre en dit long sur l’atmosphère de l’œuvre. Voici ce qu’en dit Unsuk Chin :
Le titre se réfère à un moment « proustien » que j’ai vécu – entièrement inattendu – au cours de mon premier séjour en Chine : en 2008 et 2009 j’ai notamment visité Hong Kong et Guangzhou. L’atmosphère des vieux et pauvres quartiers résidentiels avec leurs allées étroites et sinueuses, les restaurants de rue, et les places de marchés – tout cela pas très loin des écrans géants, des buildings ultramodernes et des centres commerciaux scintillants – m’ont remémoré des expériences de mon enfance oubliées depuis longtemps. Cela me rappelait beaucoup le Séoul des années soixante, de la période après la guerre de Corée et avant la modernisation radicale. Des conditions qui n’existent plus dans la Corée d’aujourd’hui. Je me rappelais tout particulièrement une troupe de baladins que j’avais vus très souvent étant enfant dans la banlieue de Séoul. Ces musiciens et acteurs amateurs voyageaient de village en village pour « refiler » aux gens des médecines faites maison, qui, au mieux, étaient inefficaces. Pour attirer les villageois ils jouaient une pièce en chantant, dansant, et autres choses assommantes (je me souviens que l’intrigue avait presque toujours un rapport avec un amour sans retour et que la performance s’achevait inévitablement par le suicide de l’héroïne). Tout cela était extrêmement amateur et kitsch, mais provoquait d’incroyables émotions chez les spectateurs. Ce n’est pas très surprenant si l’on considère que c’était presque le seul divertissement dans une vie quotidienne marquée par la pauvreté et la répression. […]Tout le village était présent à ce « grand évènement », une circonstance dont les autres désiraient profiter […].
Unsuk Chin précise qu’en aucun cas sa musique n’est la description de ce qu’elle raconte ci-dessus. Ce souvenir lui a servi de cadre, tout comme les titres qu’elle a choisis pour chaque mouvement. Gougalon est une pièce sur une musique populaire imaginaire, stylisée.
Focus sur quelques points de la partition
I. Prologue – Ouverture dramatique du rideau
Seuls au début du mouvement, les violons jouent de façon grinçante et insistante. Ils sont bientôt rejoints par les percussions, désordonnées et surprenantes. Une seconde partie met le piano préparé à l’honneur dans un mouvement presque perpétuel, tandis que les instruments de la famille des bois s’expriment dans des cris stridents. L’impression générale est celle d’une joyeuse cacophonie qui s’achève par un délicat tintement de cloche, complètement inattendu.
II. Lamentation de la danseuse chauve
La danseuse chauve prend vie chez les violons et l’alto dans une plainte vibrante, tandis que les cordes graves et le piano préparé, tel un cymbalum, semblent avancer en boîtant. Les bois s’ajoutent comme pour interrompre cette curieuse marche mais sans y parvenir. Le trombone, qui joue avec sa sourdine « wawa », prend le relais des violons, comme épuisé.
III. Le Rigolard Diseur de bonne aventure avec la fausse dent
Le xylophone entre dans un mouvement fou, relayé par le cencerros puis par le piano. Des éclats de triangles viennent acompagner cette folle course. Tandis que les violons entament des montées grimaçantes, le trombone semble « rigoler ». La course amorcée au début semble toujours vouloir renaître au piano mais finit par se tarir, et s’arrêter comme elle était venue.
IV. Épisode entre les bouteilles et les canettes
Ici, ce sont de véritables bouteilles et de véritables canettes qu’utilisent les musiciens, accompagnées par des percussions plus traditionnelles.
V. Danse autour des baraques
Telles des fusées, les cordes semblent éclater en de petites explosions. Le timbre doux du cor anglais s’en mêle, bientôt rejoint par les autres vents et les percussions. Cette danse, bien que mobile, est lente et étrange.
Auteure : Bérénice Blackstone