Dino Saluzzi (1935-)
Comptant parmi les représentants les plus connus en Europe de la musique argentine, Dino Saluzzi doit sa présence dans les festivals de jazz à ses rencontres avec quelques-uns des musiciens les plus notoires du genre. Profondément attaché aux traditions de son pays, il s’est inspiré de ces échanges pour imaginer une musique qui, parallèlement au « tango nuevo » d’Astor Piazzolla, emprunte autant au passé qu’elle s’émancipe des schèmes anciens tout en conservant une forte dimension expressive.
Entre tradition et renouveau
Né le 20 mai 1935 à Campo Santo, un petit village du nord de l’Argentine, Dino Saluzzi a grandi dans un environnement musical où les traditions folkloriques avaient leur place. Employé dans une raffinerie de sucre, son père joue de la guitare, de la mandoline et du bandonéon, instrument dont il lui enseigne, ainsi qu’à ses deux frères, les rudiments à l’âge de sept ans. Étudiant à Buenos Aires, Saluzzi joue en qualité de professionnel et, de 1952 à 1956, appartient à l’orchestre de la radio El Mundo, principale station du pays. Engagé dans différents formations folkloriques et orchestres de tango, il s’efforce dans son travail de compositeur de conserver la force qui donne à la musique argentine son caractère, soucieux d’éviter les travers commerciaux dans lesquels tombent nombre de musiques latino-américaines au cours des années 1960. Ces aspirations à renouveler le genre sans en trahir l’esprit l’amènent à collaborer avec le saxophoniste Gato Barbieri (sur l’album Chapter One : Latin America, 1973), qui fait lui-même retour sur ses racines, et avec le compositeur Mariano Mores, avec lequel il donne de nombreux concerts dans toute l’Amérique du Sud.
Un pied dans le monde du jazz
En 1979, le bandonéoniste fonde son premier quartet avec lequel il vient quelque temps plus tard en Europe. L’originalité de sa musique s’impose comme une révélation et de nombreux jazzmen tel George Gruntz s’intéressent à la liberté qu’il manifeste au sein d’une musique réputée pour être complexe. Sa collaboration avec ECM qui, à partir de 1983, le fait enregistrer avec Enrico Rava, Charlie Haden ou encore Palle Mikkelborg, contribue à le faire connaître au public des amateurs de jazz. Deux de ses albums pour le label allemand sont réalisés en solo. Par la suite, le musicien collaborera également avec Louis Sclavis, Edward Vesala, Charlie Mariano, Al DiMeola, etc. sans jamais se départir de ce qui fait son originalité.
L’ambassadeur de la musique argentine
Au début des années 1990, Dino Saluzzi revient aux racines de la musique de son pays. S’entourant de ses frères Celso (bandonéon) et Felix (saxophone), il se replonge avec l’album Mojotoro (1991) dans les traditions folkloriques argentine, bolivienne et uruguayenne, empruntant au tango, candina, candombe et milonga, avec l’ambition d’écrire une musique sud-américaine moderne. Tout en jouant abondamment ce programme dans le monde – aux yeux duquel, depuis la disparition d’Astor Piazzolla, il fait figure d’ambassadeur de la musique argentine – Dino Saluzzi a renouvelé ses rencontres avec des jazzmen sous la tutelle du label ECM : avec le trompettiste Tomasz Stanko en 1998, le contrebassiste Marc Johnson en 2001 et le batteur norvégien Jon Christensen en 2002.
Auteur : Vincent Bessières