Danilo Perez (1965-)
Danilo Perez fait partie d’une génération de musiciens latino-américains à la double culture qui, par leur héritage et leur formation, embrassent tant le jazz dans ses formes les plus contemporaines que les musiques traditionnelles de leur pays d’origine. Leur familiarité avec les mètres rythmiques latins combinée à leurs compétences de jazzmen en fait des solistes particulièrement novateurs, non seulement par leur capacité à sortir leur expression des stéréotypes du latin jazz mais surtout par la manière dont leurs racines innervent leur discours d’improvisateur. Remarqué par les plus grands, de Dizzy Gillespie à Wayne Shorter, le pianiste panaméen opère ainsi une synthèse éminemment personnelle entre son héritage caraïbe et la tradition du jazz qu’il a assimilée avec la plus grande pertinence, s’affirmant comme l’une des voix majeures sur son instrument.
Remarqué par Dizzy Gillespie
Né le 29 décembre 1965 à Panama City (Panama), fils d’un chanteur de mambo, Danilo Perez s’est retrouvé très jeune au contact de la musique populaire de son pays natal et de la scène, son père lui glissant entre les mains une paire de bongos dès l’âge de trois ans. Il étudie ensuite le piano, intégrant le cursus du Conservatoire national du Panama (1978-1981). Lauréat d’une bourse d’étude aux États-Unis, il entre à l’université d’Indiana en Pennsylvanie pour suivre des études d’électronique avant de décider de se consacrer pleinement à la musique en suivant les cours du Berklee College of Music dont il est diplômé en 1988. Son premier engagement d’importance lui est fourni par le chanteur Jon Hendricks, qu’il quitte pour le saxophoniste Paquito D’Rivera. Pendant quelques temps, Perez évoluera dans des contextes principalement afro-cubains (il apparaît ainsi aux côtés d’Arturo Sandoval, Claudio Roditi, Charlie Sepulveda, entre autres). C’est ainsi qu’il est remarqué par Dizzy Gillespie en 1989, qui en fait le pianiste de son big band, le United Nation Orchestra, et de son quintette. C’est sous son égide que le Panaméen se fait connaître et qu’à l’issue de cette expérience décisive, il forme ses premiers groupes, notamment avec le saxophoniste portoricain David Sanchez (rencontré chez Gillespie) avec qui il partage un certain nombre de conceptions musicales.
Influences latino-américaines
Après un premier album en 1992, Danilo Perez signe The Journey dans lequel il fait l’illustration de sa capacité à renouveler l’usage des rythmes latino-américains dans le contexte du jazz moderne, un talent qu’il confirme en 1996 avec PanaMonk, dont le titre résume assez bien l’ambition : rejouer des thèmes fameux de Thelonious Monk en leur donnant un traitement « latin » sans les dénaturer. Parallèlement, le pianiste tourne avec Wynton Marsalis (1995), avec lequel il découvre la proximité des sources louisianaises du jazz avec les musiques caraïbes, interprète une version orchestrale de « The Journey » avec l’Orchestre symphonique panaméen, et joue dans un trio formé par le batteur Roy Haynes dont le contrebassiste est John Patitucci (1998). On l’entend aussi avec Tom Harrell, Joe Lovano et Gary Burton, entre autres, ainsi qu’en duo avec Steve Lacy. Professeur au New England Conservatory depuis 1995, il enseigne également au Berklee College depuis 2000.
S’il continue à témoigner sur ses albums en leader d’une ambition constante à embrasser la richesse poly-rythmique sud-américaine, les sophistications harmoniques du jazz et la liberté de l’improvisation (Motherland, 2000), c’est surtout au sein du quartet assemblé par Wayne Shorter en 2001 qu’éclate l’étendue de son talent. Avec John Patitucci et le batteur Brian Blade, et sous l’influence du saxophoniste, il développe un sens de l’interaction collective, une spontanéité dans l’invention, une capacité à jouer avec les formes dans l’instant qui le distinguent comme un musicien chez qui l’intelligence se combine à merveille avec l’intuition la plus vive, et le rend comparable, à bien des égards, à ses aînés Herbie Hancock et Chick Corea. Parallèlement, il a formé en 2002, avec le batteur Adam Cruz (comme lui à la double culture) et le contrebassiste Ben Street, un trio dans lequel se déploient ses talents d’improvisateur, renouvelés par son expérience auprès de Wayne Shorter.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : mars 2006)