Christophe Marguet (1965-)
Batteur marqué par la tradition du jazz tout en ayant voulu et réussi à s’en affranchir, Christophe Marguet a effectué un trajet de musicien rare et cohérent, parvenant à évoluer sans rupture de son intérêt premier pour le be-bop jusqu’à la musique improvisée. Reconnu comme un batteur coloriste, il s’est affirmé comme compositeur et leader clairvoyant, attentif à l’espace et au silence, participant d’une nouvelle génération de jazzmen français qui interrogent les vertus de l’improvisation et les rapports que celle-ci peut entretenir avec l’écriture.
Apprentissage à Paris
Né le 14 mai 1965 à Paris, Christophe Marguet réclame très tôt une batterie qu’il ne pourra s’offrir qu’à l’âge de quatorze ans. Dans l’intervalle, il écoute Carlos Santana et, à partir de lui, des musiciens comme John McLaughlin et Wayne Shorter. À dix-sept ans, il interrompt sa scolarité pour monter à Paris et fait son apprentissage dans les clubs de jazz traditionnel de la capitale. Il y assimile les fondements de la batterie de jazz puis évolue vers le be-bop. Parmi les musiciens avec lesquels il travaille, Barney Wilen et Alain Jean-Marie le marquent tout particulièrement. Il a l’occasion, en outre, d’accompagner différents solistes de passage (Ted Curson, Bud Shank, Vincent Herring…) et enregistre deux albums avec Georges Arvanitas en 1993, l’un sur le répertoire d’Ellington, l’autre sur celui de Gershwin. Parmi les musiciens de sa génération, il travaille avec le trompettiste Nicolas Genest, le vibraphoniste David Patrois et le bassiste Hubert Dupont.
Prise de distance avec la « tradition »
La découverte de la free music et de la musique improvisée européenne lui ouvre de nouveaux horizons et progressivement, ses activités se décentrent vers des musiciens plus jeunes et moins étroitement liés à la « tradition » du jazz. En 1993, il forme un trio avec Sébastien Texier et Olivier Sens qui suit la voie ouverte par des musiciens tels qu’Aldo Romano ou Henri Texier mais s’inscrit aussi dans la filiation des trios de Paul Motian, musicien dont Marguet reconnaît s’être imprégné tant au plan de l’écriture que du jeu de batterie. Le groupe est très remarqué deux ans plus tard au Concours national de jazz de La Défense. Parti des compositions d’Ornette Coleman, il a évolué vers un répertoire propre, dont le batteur est, pour bonne part, responsable. Fort d’un sens du tempo et d’un attachement au swing (fût-il sous-jacent), Marguet développe un jeu plus personnel, à la fois plus libre et plus ouvert, très attentif aux couleurs (il s’entoure d’une gamme de cymbales) et aux respirations, loin de se cantonner à la seule fonction rythmique. Refusant la frontière entre accompagnateur et soliste, il revendique une réflexion sur l’espace, la circulation des idées et les élaborations collectives, sous l’influence de son travail avec Sylvain Kassap et Claude Barthélemy, notamment. Il signe un premier album en 1996 réalisé sous la direction de Steve Swallow, intitulé Résistance poétique.
Les voies de l’improvisation
Ce cheminement mûri et progressif l’amène à évoluer vers la sphère des musiques improvisées. Il participe à 49° Nord, trio de libre improvisation avec le guitariste Hasse Poulsen et le saxophoniste Bertrand Denzler, ce dernier venant s’adjoindre en 1997 à son propre trio qui devient ainsi quartette (album Les Correspondances, 1999). En 1999, à la faveur du festival Banlieues bleues, Marguet constitue un sextette avec Daunik Lazro, Alain Vankenhove, Michel Massot et deux guitaristes, Olivier Benoit et Philippe Deschepper. Cette formation ouvre une nouvelle phase de réflexion sur les rapports entre écriture et improvisation, le déroulement de la forme, ainsi que sur les positions de solistes au sein d’un ensemble instrumental : son troisième album, Reflections (2002), illustre ces préoccupations. Se refusant à choisir entre les acquis dus à sa pratique de l’improvisation et son attachement à la liberté contrôlée du jazz, Christophe Marguet évolue ainsi entre son attrait pour l’expérimentation et les exigences de la pratique improvisée (toujours avec 49° Nord ou avec le violoniste Mat Maneri) et ses compétences de batteur mélodiste d’une grande fluidité qui explique que, de Eric Watson à Henri Texier en passant par Joachim Kühn et le contrebassiste Yves Rousseau, il soit devenu un batteur très sollicité.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : mars 2006)