Gerry Hemingway (1955-)
Grâce aux territoires défrichés par les premières générations du free jazz, Gerry Hemingway s’est affirmé depuis trente ans comme batteur leader d’exception, abordant performance instrumentale et composition comme deux versants indissociables.
Un artiste d’avant-garde
Né le 23 mars 1955 à New Haven (États-Unis), issu d’une famille musicienne (sa mère est pianiste concertiste, son père a étudié avec Paul Hindeminth), Gerry Hemingway débute la batterie à dix ans, devenant professionnel dès dix-sept ans. Au cours des années 1970, il étudie avec Alan Dawson, suit des cours de percussions indiennes et africaines aux universités de Yale et Wesleyan. C’est dans sa ville natale, New Haven, qu’ont lieu les rencontres déterminantes : Anthony Davis et George Lewis (avec lesquels il forme Advent), Leo Smith, Anthony Braxton… des musiciens issus de l’AACM dont les ambitions de compositeurs, ancrés dans la musique contemporaine, sont manifestes. Pendant douze ans, de 1983 à 1994, il sera le batteur du quartet d’Anthony Braxton (avec la pianiste Marilyn Crispell) expérimentant les systèmes d’écriture ouverte du saxophoniste. Si le trio BassDrumBone créé en 1977 et toujours actif (avec le tromboniste Ray Anderson et le contrebassiste Mark Helias) est porté vers l’émulation collective, ses formations personnelles depuis le milieu des années 1980 privilégie l’ouverture polyphonique sous un angle « formaliste » : Je m’intéresse au jeu des formes dans l’espace, aux différentes strates dans la musique
, déclare-t-il.
Parmi les rares jazzmen américains à l’écoute des avant-gardes européennes, il fonde en 1991 un quintet qui réunit, outre Mark Dresser (contrebasse), les Hollandais Wolter Wierbos (trombone), Michael Moore (clarinette) et Ernst Reijseger (violoncelle). L’esprit espiègle de ces derniers et la finesse de leurs textures de jeu offrent une grande fluidité à ses mises en scènes érudites. À partir de 1997, Gerry Hemingway initie un quartet au point d’équilibre plus classique, centré sur le rôle pivot de la contrebasse (hier Mark Dresser ou Michael Formanek, aujourd’hui Mark Helias) et le mordant du couple des cuivres : Ellery Eskelin (saxophone) associé à Ray Anderson ou Robin Eubanks (trombone), puis à Herb Robertson (trompette).
Des expériences mutliples
D’un jeu à la fois puissant et minimaliste, le batteur combine figures abstraites et drive inquisiteur, sur des compositions tout en ruptures contrôlées. Depuis 1974, c’est vers le solo qu’il revient régulièrement pour affiner ses concepts musicaux : Je pense comme un orchestrateur, mon expérience de compositeur fait partie intégrante de mon expérience de jeu
. Actif parallèlement dans la musique contemporaine, il a écrit notamment un concerto pour percussions et orchestre, et une pièce pour quatuor à cordes et dispositif électroacoustique. Avec une centaine d’enregistrements à son actif (en invité ou sous son nom), il n’a de cesse de multiplier les expériences (duos avec Cecil Taylor, Thomas Lehn…) tout en privilégiant les relations musicales sur la durée. Gerry Hemingway est emblématique de ces batteurs percussionnistes (à l’instar de son contemporain Joey Baron ou, plus récemment, Jim Black) qui ont su magnifier l’envergure orchestrale de leur instrument.
Auteur : Thierry Lepin
(mise à jour : juin 2005)