(extrait des notes de programme du concert du 13 novembre 1999)
Christian Escoudé (1947-2024)
Un père tsigane et guitariste, une mère charentaise : Christian Escoudé naît en 1947. Il grandit à Angoulême où sa famille vient de s’installer. Jean, le papa, gratouille ci et là, le samedi soir, dans les bals musette de la région. Fou de musique, il voue une passion sans borne à Django Reinhardt et se charge illico de la transmettre à son fiston ; le petit Christian, qui passe son enfance à écouter les microsillons de son père, se lance à son tour dans la guitare. La musique, très vite, s’affirme comme une passion pour l’adolescent qui avoue avoir prié nuit et jour pour ne pas avoir à travailler comme apprenti dans une usine ou dans une charcuterie
. À 15 ans donc, il franchit le pas et embrasse la carrière de musicien. Son instrument sous le bras, il s’en va, de par les campagnes avoisinantes, gagner sa vie dans les bals et les mariages, taquiner le tango, la rumba, les marches et autres chacha...
Propulsé sur la scène jazz
Entre 1968 et 1970, Christian Escoudé obtient son premier « gig » 100% professionnel : il intègre à Monaco la grande formation de variétés d’Aimé Barelli ; là, dit-il, il apprend énormément. Mais il finit vite aussi par s’ennuyer copieusement. C’est dit : il monte à Paris. Bals musette à gogo et chanteurs de variété (Jean Ferrat, Nicole Croisille, Michel Fugain…) remplissent un temps le porte-monnaie, mais sans tarder, le vrai jazz pointe le bout de son nez. Au Jazz In, où il se produit after hours
, Escoudé rencontre Eddy Louiss qui l’engage pour monter un trio avec Bernard Lubat, puis Aldo Romano à la batterie. Sur de tels rails, il se trouve tout simplement propulsé en avant. Dans l’ordre, suivront la formation de Steve Potts, Recent History, son premier trio (avec Gus Nemeth et Christian Lété), les groupes Didier Levallet Confluences, le Michel Portal Unit, le quartet de René Urtreger, le trio Not Much Noise du tromboniste Mike Zwerin… En parallèle, il expérimente plusieurs formules de duos. Avec ses amis, le pianiste Michel Graillier ou le violoncelliste Jean-Charles Capon. Avec Charlie Haden aussi…
Sur tous les fronts
C’est clair, Christian Escoudé est partout, sur tous les coups, s’attaquant à pleines dents au jazz sous toutes ses formes, qu’il soit intimiste ou libertaire, funkisant ou boppisant, expérimental ou in the tradition
, savant ou populaire. La décennie suivante commence derechef par un véritable bon en avant : lui qui participe à une tournée mondiale aux côtés de John McLaughlin gagne par la même occasion la notoriété internationale. Dans la foulée, il tient le très sérieux pupitre de guitare dans le non moins respecté Big Band de Martial Solal, s’évade en duo avec Didier Lockwood, transforme avec l’arrivée de son collègue belge Philip Catherine ledit duo en trio et dirige une formation du type fusion où l’on remarque le bassiste Nicolas Fitzman, le claviériste Olivier Hutman et la batteur Tony Rabeson. En 1985-86, il tourne avec Jean-Charles Capon et Ron Carter, puis fonde, avec Boulou Ferré et Babik Reinhardt (le fils de qui vous savez), le Trio gitan. Lequel, comme son nom l’indique, propose à trois guitares un mix réussi de jazz moderne et de musique tsigane. En 1988, enfin, suite à sa prestation jugée remarquable dans un disque de John Lewis, les bureaux parisiens de la maison Verve proposent à Christian Escoudé un solide contrat aboutissant à l’enregistrement de plusieurs albums (Gipsy Walz, 1989 ; Live At the Village Vanguard, 1990 ; Plays Django Reinhardt, 1991 ; In L. A. - Standards vol. 1, 1993 ; Cookin’ in Hell’s Kitchen, 1994 ; At Duc des Lombards, 1996 ; A Suite for Gypsies, 1998).