Auteur : Thierry Lepin
(mise à jour : juin 2005)
Bill Dixon (1925-2010)
Si Bill Dixon a joué un rôle clé dans l’organisation et le développement du free jazz américain, le trompettiste et compositeur est aussi porteur d’un univers singulier, hors des courants et des modes, résolument contemporain.
Né le 5 octobre 1925 à Nantucket (Massachusetts, États-Unis), Bill Dixon grandit à New York ; assidus aux concerts, il entend les orchestres de Duke Ellington, Louis Armstrong ou Earl Hines (avec Charlie Parker et Dizzy Gillespie). Il étudie tout d’abord la peinture, puis la musique à vingt ans, de retour de ses obligations militaires. Suivent des emplois d’instrumentiste et arrangeur, et la rencontre du pianiste Cecil Taylor en 1951, compagnon de route décisif.
Au début des années 1960, il forme un quartet avec le saxophoniste Archie Schepp qu’enregistre le label Savoy (le trompettiste y sera brièvement directeur artistique). En 1964, il organise au Cellar Café de New York un festival manifeste baptisé October Revolution in Jazz, puis fédère les principaux animateurs du free jazz au sein d’une coopérative, la Jazz Composer’s Guild. S’y retrouvent Carla et Paul Bley, Sun Ra, John Tchicai, Roswell Rudd, Archie Shepp, Cecil Taylor… dans le but d’améliorer les conditions de travail (face aux clubs et labels) et de promouvoir la nouvelle musique.
L’album Bill Dixon 7-Tette enregistré en 1963 (avec notamment le saxophoniste Ken McIntyre et les contrebassistes Hal Dodson et David Izenzon) révèle ses ambitions de compositeur, plus explicites avec Intents and Purposes trois ans plus tard. À travers une suite en cinq mouvements, il développe une architecture polyphonique où dominent cordes et percussions, contrastes entre incantations affolées et réminiscences classiques de l’écriture. La dramaturgie d’ensemble se nourrit du phrasé très vocalisé du trompettiste : effets de souffle, sonorité voilée dans le grave ou étranglée dans l’aigu.
Par la suite, Bill Dixon prend ses distances, et se consacre essentiellement à l’enseignement. Après avoir créé le Free Conservatory of the University of the Streets à New York en 1967, il devient professeur au Bennington College de Vermont où il fonde en 1973 un département dédié à la musique noire qu’il quittera en 1996. Intellectuel engagé et militant, il poursuit parallèlement une œuvre en marge de l’industrie musicale, avec seulement une quinzaine d’albums sous son nom à ce jour.
À partir des années 1980, il est invité régulièrement en Europe, où il débute une collaboration avec le label italien Soul Note. Il enregistre dans diverses configurations avec une même prédilection pour les contrebasses doublées (il associe Barry Guy et William Parker), dévoilant des paysages sonores aux couleurs sombres, inspirés notamment par les compositeurs atonaux. Un duo avec le batteur Tony Oxley en 1998 témoigne d’une dynamique de jeu tendant de plus en plus vers l’évanescence, comme ce sera le cas lors des retrouvailles avec Cecil Taylor en 2002.
Bill Dixon décède le 16 juin 2010 à North Bennington (Vermont, États-Unis).