Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : mars 2006)
Stefano Di Battista (1969-)
Altiste fougueux que n’effraient pas les tempos intrépides, ou bien lyrique jusqu’à verser parfois dans le sentimentalisme, Stefano Di Battista cultive une virtuosité sur le saxophone et une présence sur scène qui en ont fait l’un des musiciens les plus remarqués en France, des amateurs comme du grand public, dans les années 1990. Adepte des traits véloces comme il est de rigueur pour de nombreux altistes depuis Charlie Parker, il n’oublie pas de laisser parler sa fibre italienne sur les ballades, qui le porte au chant et à l’expressivité.
Premiers succès en France
Né le 14 février 1969 à Rome, c’est durant son enfance que Stefano Di Battista s’initie à la musique, dans un orchestre de quartier composé majoritairement de cuivres. Ayant débuté le saxophone à l’âge de treize ans, il s’intéresse au jazz par le biais de disques d’Art Pepper et de Cannonball Adderley, deux musiciens qui resteront des influences durables. Il suit une formation académique avant de commencer à « faire le métier » dans la variété. La rencontre avec Massimo Urbani (1957-1993), saxophoniste alto italien marqué par le feu parkérien, joue également un rôle déterminant dans son ambition à devenir un musicien de jazz. Il faut cependant attendre un concours de circonstances pour que le talent du jeune saxophoniste romain puisse éclater au grand jour. Encouragé à se rendre à Paris par le pianiste Jean-Pierre Como qui l’a entendu pendant l’été 1992 au festival de Calvi, Stefano Di Battista séduit rapidement plusieurs musiciens de la capitale française qui lui mettent le pied à l’étrier, notablement le batteur Aldo Romano (deux disques témoignent de leur association) et le chef d’orchestre Laurent Cugny qui lui fait une belle place – ainsi qu’à son compatriote trompettiste Flavio Boltro – dans l’ONJ qu’il constitue en 1994. Même s’il est, dès lors, surtout actif en France, il maintient des liens étroits avec la communauté des jazzmen italiens, enregistrant notamment avec ses compatriotes Enrico Rava (1996), Rita Marcotulli (1998), Daniele Scannapieco (2003) et Dario Rosciglione (2004).
Artiste généreux et énergique
L’impétuosité du saxophoniste, son goût pour les tempos casse-cou, sa générosité communicative et son impressionnante aisance à jouer dans le registre néo-bop frappent les esprits. Son premier album Volare (1997) est un succès commercial inespéré pour un album de jazz instrumental. Si Stefano Di Battista recherche une forme de singularité, c’est au travers d’une vélocité et d’un goût du risque qu’elle se manifeste, et non dans l’expérimentation. Aussi sa carrière est-elle jalonnée de plusieurs rencontres avec des musiciens américains qui font office de « gardiens de la flamme » (Jimmy Cobb, Walter Booker, Nat Adderley…) et dont le parcours reste étroitement lié à l’une de ses références majeures, Cannonball Adderley. En 1997, il fait partie avec Boltro d’un sextet assemblé par le pianiste Michel Petrucciani dont le troisième « soufflant » est le tromboniste Bob Brookmeyer. Formant un quartet avec le pianiste Eric Legnini, le contrebassiste Rosario Bonaccorso et le batteur Benjamin Henocq (par la suite remplacé par André Ceccarelli), Stefano Di Battista incarne rapidement l’image d’un saxophoniste généreux et énergique, au style flamboyant dont témoigne le disque A prima vista. En 2000, il convie Elvin Jones à participer à son troisième album : en studio, il conquiert le cœur du légendaire batteur qui l’intègre pendant quelques semaines à sa Jazz Machine. L’expérience transporte le saxophoniste italien marqué, comme la grande majorité de ses confrères, par l’aura de John Coltrane.
Alors qu’il demeure l’un des musiciens les plus actifs dans l’Hexagone, l’année 2003 voit la parution d’un quatrième album très ambitieux, Round About Roma, hommage de Stefano Di Battista à sa ville natale orchestré pour cordes et dirigé par l’arrangeur américain Vince Mendoza, qui rappelle l’attachement du saxophoniste aux compositeurs de musiques de films italiens et à la tradition lyrique de son pays natal. Un an plus tard, à l’approche du cinquantenaire de la disparition de Charlie Parker, c’est le saxophoniste alto le plus influent de l’histoire du jazz qu’il célèbre, en disque et sur scène, en rejouant les thèmes les plus fameux du répertoire de Bird.