Franck Avitabile fut un protégé de Michel Petrucciani qui appréciait chez lui un élan déterminé, un investissement des plus sérieux dans l’exploration du jeu en trio, un goût pour la virtuosité éclairée et un savoir harmonique acquis après s’être longuement penché sur la musique des grands pianistes de jazz du XXe siècle. Il compte parmi les plus intéressants des pianistes français qui, ancrés dans la tradition du jazz, inventent de nouvelles façons de cheminer sur des sentiers que l’on pourrait croire balisés.
La découverte du jazz
Né le 24 novembre 1971 à Lyon, scientifique de formation (il a été élève de l’Ecole Normale Supérieure), Franck Avitabile a également suivi un enseignement pianistique rigoureux au CNR de Lyon jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Découvrant le jazz par le biais de disques de Keith Jarrett et Chick Corea et dans la classe de Mario Stanchev, il n’a de cesse de satisfaire une curiosité grandissante pour les pianistes s’exprimant dans cet idiome. En 1994, à l’occasion d’un séjour à New York, le répertoire de Bud Powell qu’un jeune confrère interprète au Smalls opère comme un révélateur. Trois ans durant, et notamment pendant son passage dans la classe de jazz du CNSM de Paris, le pianiste transcrit et assimile ces thèmes qui lui permettent de perfectionner son sens de l’improvisation tout en développant un vocabulaire personnel dans un cadre établi.
En 1997, le contrebassiste Louis Petrucciani fait entendre à son frère Michel un enregistrement du trio que Franck Avitabile a constitué avec lui et le batteur Thomas Grimmonprez. Séduit, Michel produit l’enregistrement de son jeune confrère, In Tradition, réalisé l’année suivante, qui le porte à la connaissance du grand public. C’est le point de départ d’une carrière menée avec assurance et fermeté, guidée par un authentique tempérament de chercheur.
Le goût de la complexité harmonique et rythmique
Après un deuxième album en trio avec Niels Henning Orsted Pedersen et Roberto Gatto (Right Time) en 2000, dans la continuité de son travail à partir de Bud Powell, Franck Avitabile développe une réflexion sur l’écriture et l’improvisation pianistiques que, par analogie avec l’univers des mathématiques discrètes qu’il étudia dans son cursus de normalien, il baptiste « réharmonisation discrète ». Influencé par son étude des chorals de Bach et du contrepoint, il le présente comme un système de réharmonisation complet, constitué de voicings de main gauche à trois voix, construite sur une permutation de fondamentales qui génère des grilles non figées
sur lesquels il devient possible d’improviser à plusieurs voix. Cet attachement à la logique tonale, ce goût pour la complexité harmonique et les effets de tension qui empruntent ses références à la musique classique (cadences rompues, accords diminués, accords de passage) et s’exercent d’abord « à la table » le distinguent au sein d’une génération largement marquée par l’héritage des pianistes « modaux » tels que Herbie Hancock et McCoy Tyner. Il rappelle à cet égard son aîné Martial Solal dont il reconnaît admirer la conception de l’improvisation et qui lui a prodigué des encouragements.
Ces conceptions trouvent à s’épanouir au sein du New Trio que Franck Avitabile forme en 2002 avec le batteur Dré Pallemaerts et le contrebassiste Rémi Vignolo, qui enregistre l’album Bemsha Swing. Il y développe cette fois-ci une approche rythmique « en trompe-l’œil » reposant sur la superposition de métriques. Demeurant actif en sideman avec Eric Le Lann, André Ceccarelli, Fillet of Soul de Tassel et Naturel (dans lequel il s’essaie aux claviers électriques), il intègre en 2004 le groupe Tendances du batteur Manu Katché. En 2005 paraît Just Play, album constitué d’improvisations en piano solo.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : février 2010)