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Concerto pour violon op. 8 n° 1 « Le Printemps »extrait des Quatre SaisonsAntonio Vivaldi
Carte d’identité de l’œuvre : Concerto pour violon op. 8 n° 1 « Le Printemps » d’Antonio Vivaldi |
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Genre | musique concertante : concerto |
Dédicataire de l'Opus 8 | le comte Morzin |
Édition de l'Opus 8 | en 1725 (composition probablement antérieure de plusieurs années) |
Forme | concerto en trois mouvements : I. Allegro II. Largo e pianissimo III. Allegro |
Instrumentation | violon solo, violons 1 et 2, altos, violoncelles et basse continue (clavecin) |
Qu’est-ce qu’un concerto ?
Il s’agit d’une composition musicale opposant un ou plusieurs instruments solistes à un orchestre. Vivaldi, à la suite des compositeurs italiens Corelli et Torelli, participe au développement de ce genre très prisé par les générations suivantes.
À l’époque de Vivaldi, c’est le concerto grosso qui domine : un ensemble de solistes (le concertino) dialogue avec l’orchestre (le ripieno). Progressivement, Vivaldi va faire ressortir non plus un bloc d’instruments, mais un seul soliste. Ce choix est à peu près définitif à partir des concertos du recueil La Stravaganza, édité à 36 ans. De plus, grâce au compositeur vénitien, le concerto adopte rapidement une forme en trois mouvements, vif-lent-vif, qui se généralise par la suite. Les concertos de Vivaldi sont traités de telle manière qu’ils permettent au soliste de mettre en valeur tout son talent.
Contexte de composition
Le 14 décembre 1725, la Gazette d’Amsterdam annonce la parution de l’Opus n° 8 d’Antonio Vivaldi, Il Cimento dell’Armonia e dell’ InventioneL’épreuve de l’harmonie et de l’invention, un nouveau recueil de concertos pour violon. Treize ans après son premier recueil, l’Opus n° 3 intitulé L’Estro ArmonicoParmi les premières œuvres à être éditées chez l’important éditeur d’Amsterdam Estienne Roger, ce recueil comporte, entre autres, des concertos de soliste, grande nouveauté pour l’époque. (1711), et cinq ans après son dernier opus (1720), Vivaldi poursuit dans le genre du concerto pour soliste qu’il a largement contribué à développer. Il en fixe la forme en trois mouvements (vif-lent-vif) et généralise l’utilisation de la forme ritournellealternance de ritournelles jouées tutti (par tout l’orchestre) et de passages solistes dans les mouvements rapides.
L’Opus n° 8 comprend douze concertos. Certaines de ces pièces, dont les fameuses Quatre Saisons, ont été composées avant 1725 comme le laisse entendre la dédicace de Vivaldi au comte Wenzel von Morzin : Ne soyez pas surpris, je vous prie, si, parmi ces quelques faibles concertos, V. ILL. S. retrouvera les Quatre Saisons qu’elle a accueillies autrefois avec une très généreuse bonté
. Le retard de la publication est sans doute dû à des difficultés rencontrées par l’éditeurEstienne Roger, malade, décède en 1722. C’est son gendre, Michel-Charles Le Cène, qui rependra l’entreprise et publiera le recueil de Vivaldi.. Dans sa dédicace, le compositeur ajoute que les concertos des Quatre Saisons sont désormais chacun accompagnés d’un argument littéraire : un sonnet pour chaque saison (dont Vivaldi pourrait lui-même être l’auteur). La partitionIl n’existe pas de manuscrit autographe des Quatre Saisons. Les partitions les plus anciennes sont les copies de Manchester issues de la collection musicale de Pietro Ottoboni, datant peut-être de 1726. est annotée de lettres majuscules renvoyant aux différents vers des sonnets, ainsi que de commentaires explicites sur ce que la musique cherche à illustrer (« le chien aboie », « vents violents » ou encore « la complainte du villageois »). Vivaldi utilise de nombreux effets et figuralismesprocédés qui permettent d'évoquer musicalement une idée, un sentiment déjà largement employés dans l’opéra, un genre dont il maîtrise à la perfection les codesVivaldi revendique avoir composé plus de 90 opéras. Même si ce nombre est sans doute exagéré, on en recense toutefois plus de 40.. Les ritournelles tuttipar tout l’orchestre des mouvements rapides peignent le décor et l’ambiance générale, tandis que les passages solistes expriment des détails plus précis (comme des chants d’oiseaux bien spécifiques : coucou, tourterelle…). Les mouvements lents, plus statiques, chargés d’une atmosphère souvent pesante, sont le prétexte aux instants de repos et de sommeil.
Texte du sonnet
I. Allegro
A. Giunto è la Primavera, e festosetti
B. La salutan gl’augei con lieto canto
C. E i fonti allo spirar de zefiretti
Con dolce mormorio scorrono intanto.
D. Vengon coprendo l’aer di nero ammanto
E lampi, e tuoni ad annuntiarla aletti
E. Indi tacendo questi gl’Augelletti
Tornan di nuovo al lor canoro incanto.
II. Largo
F. E quindi sul fiorito ameno Prato
Al caro mormorar di frondi, e piante
Dorme il caprar col fido can à lato.
III. Allegro
G. Di Pastoral zampogna al suon festante
Danzan Ninfe, e Pastor nel tetto amato
Di Primavera all’apparir brillante.
I. Allegro
A. Le Printemps est revenu ; tout enjoués
B. Les oiseaux le saluent d’un chant allègre
C. Tandis que les sources, au souffle des zéphyrs,
Courent en émettant un doux murmure.
D. Mais le ciel se couvre de nuages noirs
Suivis d’éclairs et de coups de tonnerre ;
E. Lorsqu’ils se sont tus, enfin, les oiseaux
Emplissent à nouveau l’air de leurs chants.
II. Largo
F. Maintenant, sur le charmant pré fleuri,
Au doux murmure que forment les feuillages et les plantes
Le chevrier s’endort, son chien fidèle à ses côtés.
III. Allegro
G. Au son joyeux de la musette rustique
Le berger amoureux danse avec les nymphes,
Leurs visages rayonnent dans la lumière du printemps nouveau.
Le texte en italien est tiré de la partition éditée par Bärenreiter en 2002. La traduction du texte est tirée du livre Antonio Vivaldi de Sylvie Mamy, Éditions Fayard, 2011.
Déroulé de l’œuvre
I. Allegro
Le premier mouvement annonce avec allégresse le retour du printemps.
L’allegro commence avec une ritournelle joyeuse et entraînante (A), jouée par tout l’orchestre, et qui reviendra à plusieurs reprises au cours du mouvement. Les oiseaux, qui chantent l’arrivée de la nouvelle saison (B), sont représentés par le violon solo dialoguant avec les violons I et II. Leurs pépiements joyeux sont figurés par une multitude d’effets imitatifs : mordantornement qui consiste en une petite note jouée rapidement en marge de la note principale, trille, groupe de notes rapides descendantes, répétitions de notes piquées… Le « doux murmure » du ruisseau (C) leur répond par une mélodie ondulante, nuance piano, jouée par tout l’orchestre. Mais l’orage arrive (D) : le grondement du tonnerre se fait entendre dans les trémolosune même note jouée très rapidement de manière répétée des cordes, tandis que les éclairs fusent en notes rapides ascendantes. Le vent tournoyant est figuré par le jeu virtuose du violon solo virevoltant. Une fois le calme revenu au son de la ritournelle tutti, les oiseaux peuvent chanter de nouveau (E) : les violons reprennent leur dialogue pétillant et le mouvement se termine dans l’allégresse retrouvée de la ritournelle.
II. Largo e pianissimo
Dans l’atmosphère lourde de ce deuxième mouvement, le chevrier s’endort (F) : la mélodie languissante du violon solo évoque la sérénité du personnage somnolant, bercé par le murmure du feuillage. Celui-ci est joué par les violons qui font entendre un motif rythmique inlassablement répété (ostinato) , nuance pianissimo, comme un balancement régulier. Pas même les aboiements ponctuels du chien, figuré par deux notes courtes nuance forte, ne viendront troubler le sommeil du chevrier.
III. Allegro
Ce dernier mouvement est une « danse pastorale » aux accents populaires.
La ritournelle d’introduction est une mélodie simple et entraînante au rythme de siciliennedanse de tempo modéré, souvent de caractère pastoral, et présentant un rythme pointé bien caractéristique, soutenue par une note pédalenom donné, en harmonie, à une note que tient ou que répète l’une des parties. On retrouve l’allégresse du premier mouvement, tandis que le berger célèbre le retour du printemps (G) : ses pas de danse sont illustrés par les solos successifs du violon, entrecoupés de la joyeuse ritournelle. Par moment, les nymphes se joignent au berger : les violons de l’orchestre s’associent alors au violon solo, dont le jeu en doubles cordes évoque le bourdon de la « musette rustique »La musette est un instrument de musique à vent, à anche double comme le hautbois. Une poche d'air permet au musicien d'insuffler de l'air dans l'instrument afin de produire le son. La musette possède également un bourdon, c'est-à-dire un tuyau qui vibre en émettant constamment la même note..
Auteurs : Jean-Marc Goossens, Floriane Goubault et Jean-Marie Lamour