Germaine Tailleferre (1892-1983)
Enfance et apprentissage
Germaine Tailleferrede son vrai nom Taillefesse ! naît à Saint-Maur-des-Fosséscommune du Val-de-Marne, près de Paris le 19 avril 1892.
Dès l’âge de deux ans, Germaine s’initie à la musique sur le petit piano d’enfant que lui offre sa mère, puis c’est sur le piano familial qu’elle fait ses premières armes à l’âge de cinq ans. Son père, qui souhaite la voir poursuivre des études « sérieuses », refuse qu’elle fréquente le Conservatoire. C’est donc en cachette que Germaine suit des cours de musique et entre en 1904 au Conservatoire. Finalement, lorsqu’elle obtient une première médaille de solfège en 1906, son père cède, et c’est désormais librement que la jeune fille peut s’adonner à la musique.
Ses études au Conservatoire suivent leur chemin : premier prix d’harmonie en 1913, premier prix de contrepointLe jury est composé de Ravel et Debussy en personne ! en 1914. C’est là que Germaine rencontre Arthur Honegger, Georges Auric, et surtout Darius Milhaud, dont elle suivra toujours les conseils avisés. Germaine disait de luipropos extraits de Germaine Tailleferre, La Dame des Six, de Georges Hacquard, Éditions L'Harmattan qu’il connaissait tout, savait tout
et qu’il avait une culture incroyable
, alors qu’elle-même confessait avoir de grande lacunes en matière de culture musicale. C’est Milhaud qui va lui faire découvrir Igor Stravinski, un réel choc musical pour la jeune femme qui tombe alors en admirationEn classe d’orgue, Germaine Tailleferre va même jusqu'à improviser dans le style de Stravinski, ce qui scandalise son professeur Étienne Gigout. devant le génie du compositeur russe .
Le groupe des Six
En 1917, Germaine Tailleferre habite Montparnasse où elle côtoie peintres et sculpteursPicasso, Modigliani, Zadkine…. Pour gagner sa vie, elle donne des leçons de piano et assure quelques suppléances d’organiste. En parallèle, elle commence à faire jouer ses premières compositionsJeux de plein air pour deux pianos, Sonatine pour quatuor à cordes en concert dans les salles parisiennesla salle Huyghens, en réalité l'atelier du peintre Émile Lejeune, et le théâtre du Vieux-Colombier, et rencontre Erik Satie. Celui-ci déclare voir en elle sa « fille musicale »En 1920, sur une partition de Parade pour piano à quatre mains, il lui écrira la dédicace suivante : À ma douce et gentille fille Germaine Tailleferre, son très vieil ami, Erik Satie.
et l’inclut dans le groupe des Nouveaux Jeunes, représentant la génération montante de compositeurs français.
En 1920, suite à la parution d’un article de Henri Collet, le groupe est officiellement nommé le « groupe des Six » : il est alors constitué de Arthur Honegger, Darius Milhaud, Georges Auric, Francis Poulenc, Louis Durey et bien sûr Germaine Tailleferre, sous le patronage de Satie et Jean Cocteau. Peu d’œuvres musicales émergeront de la collaboration de ces six compositeurs, surtout unis par une profonde et indéfectible amitié. La principale d’entre elles est sans doute Les Mariés de la tour Eiffel, un ballet créé en 1921 au Théâtre des Champs-Élysées, pour lequel Germaine Tailleferre compose deux pièces : Quadrille et Valse des dépêches.
C’est dans ces années qu’elle rencontre le violoniste Jacques Thibaud, dédicataireL’œuvre est créée au théâtre du Vieux-Colombier en 1922, par Jacques Thibaud au violon et Alfred Cortot au piano. de sa Sonate pour violon et piano n° 1, ainsi que Maurice Ravel avec qui elle se lie d’amitié et dont elle suit les leçons.
Voyages en Amérique
Cependant, la situation de Germaine reste précaire : malgré la célébrité acquise grâce au groupe des Six, elle connaît des soucis d’argent et la santé de sa mère l’inquiète. En 1925, elle part en Amérique dans l’espoir de trouver un poste d’enseignant, puis revenir en France et pouvoir composer à l’abri des besoins matériels. L’entreprise n’est guère un succès : engagée en tant que soliste, elle enseigne bien à quelques élèves mais ce n’est pas la réussite escomptée.
En 1926, elle rencontre le caricaturiste américain Ralph Barton, qu’elle épouse sur-le-champ. Elle s’installe alors à New York où elle rencontre Charlie Chaplin, avec qui elle improvise régulièrement au piano.
Le couple repart à Paris en 1927. Sur le bateau qui les ramène en France, Germaine croise l’écrivain Paul Claudel, qui lui commande une musique destinée à accompagner sa pièce Sous le rempart d’Athènes. Une fois en France, la vie avec Ralph, jaloux du succès de sa femme, devient insupportable, et Germaine demande le divorce en 1929. Elle entame alors une liaison avec l’avocat Jean Largeat, qu’elle épouse en 1932, un an après la naissance de leur fille Françoise.
Au cours des années suivantes, Germaine Tailleferre se consacre principalement à l’éducation de sa fille. La santé de son mari, atteint de tuberculose, est un nouveau sujet d’inquiétude pour elle, et l’empêche de s’adonner librement à la composition. Malgré tout, elle parvient à répondre à la demande de l’écrivain Paul Valéry qui lui commande une cantate sur le mythe de Narcisse. Fuyant la guerre, elle part s’exiler en Amérique en 1942.
Le retour en France et à la composition
De retour en France en 1946, Germaine Tailleferre retrouve le temps et l’énergie nécessaires à la composition. De nombreuses œuvres verront le jour : son ballet Paris-Magie (1948), son opéra-comique Il était un petit navire (1951, qui connaît un accueil mitigé), son Concertino pour flûte (1952), sa Sonate pour harpe (1953)… Germaine aborde tous les genres musicaux et compose également de nombreuses musiques de film.
En 1955, elle écrit pour la RTFRadiodiffusion-Télévision Française une série de cinq petits opéras bouffes, sur des livrets de sa nièce Denise Centore : La Fille d’opéra, Le Bel Ambitieux, La Pauvre Eugénie, Monsieur Petitpois achète un château et Rouille à l’arsenic (la partition du dernier étant perdue). Ces cinq opéras, réunis sous le titre Petite Histoire lyrique de l’art français : du style galant au style méchant, ont pour vocation de pasticher les grands compositeurs d’époques différentes en France : Jean-Philippe Rameau (1683-1764), Gioacchino Rossini (1792-1868), Jacques Offenbach (1819-1880), Gustave Charpentierà ne pas confondre avec Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) ! (1860-1956)...
Germaine Tailleferre continue de composer jusqu’à la fin de sa vie. Elle se produit en concerts, notamment lors d’une tournée à travers l’Europe avec le baryton Bernard Lefort, et enseigne un temps à la Schola Cantorum. À l’âge de 84 ans, elle est encore accompagnatrice au piano des élèves de l’école alsacienne de Paris. Sa dernière œuvre importante, composée à 89 ans, est son Concerto de la fidélité pour voix aiguë et orchestre. Elle s’éteint le 7 novembre 1983, à Paris.
Style de composition
L’œuvre de Germaine Tailleferre est encore relativement méconnue de nos jours. Beaucoup de ses compositions sont perdues ou restent peu disponibles. Les titres de ses pièces, parfois teintés d’humour et d’ironie (Jeux de plein air, Pancarte pour une porte d’entrée, Suite burlesque...), ont pu jouer en sa défaveur et la faire passer pour une compositrice frivole. Mais celle que l’on surnomme « la Dame des Six » ne s’est pas cantonnée aux petites pièces intimistes pour piano, comme on pourrait le croire. En effet, Germaine Tailleferre aborde tous les genres, aussi bien les œuvres pour instrument seul ou pour la voix, que la musique de chambre, le concerto, la musique symphonique ou pour orchestre d’harmonie, le ballet, l’opéra, et même la musique de film. Mêlant une netteté néo-classique qui trahit l’influence de Stravinski et une subtilité harmonique héritée de Ravel, les œuvres de Germaine Tailleferre sont pleines d’élégance et de légèreté. Darius Milhaud tiendra les propos suivantscitation extraite de l’ouvrage Germaine Tailleferre, La Dame des Six, de Georges Hacquard, Éditions L’Harmattan : Germaine Tailleferre est une délicieuse musicienne. Sa musique a l’immense mérite d’être sans prétention, cela à cause d’une sincérité des plus attachantes. C’est vraiment de la musique de jeune fille, au sens le plus exquis de ce mot, d’une fraîcheur telle qu’on peut dire que c’est de la musique qui sent bon !
En 1957, elle fait un bref passage expérimental dans la musique dodécaphonique avec notamment son opéra La Petite Sirène, avant de revenir à un style proche de celui d’avant-guerre. Finalement, une seule chose lui importait vraiment : être libre et indépendante, et pouvoir composer la musique qu’elle avait envie d’écrire.
Auteure : Floriane Goubault