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Fiche thématique
La musique minimaliste
L’art minimal naît aux États-Unis au début des années 1960 d’abord dans les beaux-arts avant de s’étendre à la musique. Ses pionniers, les sculpteurs et peintres Sol LeWitt, Donald Judd, ou encore Frank Stella, pour n’en citer que quelques-uns, vont rechercher la simplicité et la réduction en allant notamment vers l’abstraction géométrique. Côtoyant ce milieu artistique, les compositeurs américains Steve Reich (1936-), Philip Glass (1937-), La Monte Young (1935-) et Terry Riley (1935-) vont développer leur propre vision du minimalisme en musique, dont la première expression prend corps dans un manifeste écrit par Steve Reich et intitulé « La musique comme processus global graduel ».
Des minimalismes
L’émergence de cette esthétique musicale ne se résume pas au simple rejet de la musique atonale et sérielle d’après-guerre. Alors que d’autres compositeurs comme Pierre Boulez ou Karlheinz Stockhausen associent la modernité à la complexité (en utilisant l’atonalité, l’irrégularité des carrures, etc.), les minimalistes travaillent à réduire le matériau (le nombre de notes, de rythmes), la structure (construction et agencement des motifs basés sur la répétition), afin que les processus à l’œuvre soient perceptibles à l’écoute. Néanmoins, qui dit minimalisme ne dit pas forcément simplicité d’écriture, d’exécution ou d’écoute. D’ailleurs, chaque compositeur dit « minimaliste » va prendre des directions sonores très différentes et tout aussi originales.
Les références aux musiques extra-occidentales sont une première grande source d’inspiration. Philip Glass le dira lui-même, suite à sa rencontre avec le joueur de sitar indien Ravi Shankar en 1964 : j’ai passé beaucoup de temps à étudier et à expérimenter les notions que j’avais découvertes aux côtés de Raviji. J’en ai incorporé certaines très tôt dans ma musique.
[1] Quant à Steve Reich, il emprunte aux musiques africaines la conception du rythme et l’importance des percussions, comme dans Music for Pieces of Wood (1974) ou Nagoya Marimbas (1994). Il va surtout se démarquer en inventant la technique du phasing (déphasage) : un effet sonore résultant du décalage progressif de deux unités de sons, ou plus, identiques et lancées en simultané. It’s gonna rain (1965) en est la première expérience.
Plusieurs pièces des années 1960, comme Piano Phase (Reich, 1967), Two Pages (Glass, 1968) ou In C (Riley, 1964), laissent une grande place à l’interprète qui procède à des choix dans l’exécution de la pièce, une habitude qui existe déjà en jazz. In C de Terry Riley, composé pour 35 instrumentistes, contient 53 cellules musicales de longueurs différentes tenant sur une page. Riley introduit le principe d’improvisation en demandant aux musiciens de décider du meilleur moment pour passer à la cellule suivante. Ainsi, chaque interprétation de In C est unique et il est impossible de prédire sa durée. En revanche, l’impression générale sur l’auditeur reste la même : le temps semble à la fois s’étirer et se suspendre dans ces répétitions obsédantes qui tendent à conduire vers un état méditatif.
De nos jours
Si aujourd’hui le minimalisme est plus facilement associé à la musique « pop » plutôt qu’à la musique savante, c’est grâce à la proximité de ces compositeurs avec la scène rock psychédélique au départ, puis aux collaborations riches et variées qui ont eu lieu au cours des décennies suivantes, de Frank Zappa à Brian Eno, en passant par David Bowie. C’est une esthétique qui fait partie de nos habitudes d’écoute, que ce soit à la télévision ou au cinéma puisqu’on doit à Philip Glass de nombreuses bandes originales de film. Ces rapports étroits tendent à estomper la frontière entre musique savante et musique populaire et continuent d’amener un nouveau public à écouter de la musique « classique ».
Auteure : Nastasia Matignon
Références
Sources principales
- Philip GLASS, Paroles sans musique, Paris, Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2017
- Philip GLASS, The Piano Collection, Londres, Wise Publications, 2006
- Nicolas DONIN et Laurent FENEYROU, Théories de la composition musicale au XXe siècle, Lyon, Symétrie, 2013
- Keith POTTER, Four Musical Minimalists, New York, Cambridge University Press, 2000
- Ressources BRAHMS de l’IRCAM
Références des citations
- [1] À propos de son travail avec Ravi Shankar pour la bande originale de Chappaqua, dans Philip Glass, Paroles sans musique, p. 125 ↑