Crédits de l’exposition
- Commissaire : Vincent Bessières, assisté de Wissam Hojeij
- Scénographie et lumières : Projectiles
- Conception Graphique : Laurent Meszaros
- Conception sonore : Philippe Wojtowicz
- Textes : Vincent Bessières
Accueil > Pages découverte > Expositions du Musée de la musique > We Want Miles - Miles Davis, Le jazz face à sa légende
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Expositions temporaires du musée de la musique
Parmi les nombreux créateurs du jazz, Miles Davis (1926-1991) continue de fasciner par la capacité qu’il eut de se renouveler et de remettre en question son art. Absorbant les modes, dépassant les styles, il ne cessa de faire évoluer sa musique, hanté par la nécessité d’échapper aux stéréotypes et à la redite.
Par-delà une personnalité éminemment complexe au destin romanesque, sa légende s’ancre dans ces métamorphoses successives, qui furent autant de voies ouvertes aux développements du jazz.
Organisée avec le soutien du Miles Davis Properties, l’exposition retrace le parcours du musicien, de la ville de son enfance, East St. Louis, dans l’Illinois, jusqu’au concert rétrospectif qu’il donna sur le site même de La Villette à Paris, à quelques semaines seulement de sa disparition. Elle en suit les évolutions, en retrace les étapes majeures, en fait entendre les grands chefs-d’œuvre, et reprend pour titre le slogan de l’un de ses albums emblématiques, We Want Miles, en hommage aux attentes que le musicien a suscitées tout au long de sa carrière.
Dans la nuit du 25 au 26 août 1959, alors qu’il se produit au Birdland, l’un des principaux clubs de jazz new-yorkais, Miles Davis est agressé par des policiers après s’être opposé à l’un d’eux qui lui demandait de circuler tandis qu’il prenait le frais sur le trottoir. Dès le lendemain, les photos du musicien menotté, sa veste ensanglantée, font la une des quotidiens. À un moment où, dans le Sud des États-Unis, les mouvements de lutte pour les droits civiques sont violemment réprimés, l’incident vient rappeler qu’aucun afro-américain, fût-il célèbre, n’est à l’abri d’une bavure aux relents racistes…
Comment entendre, à la lumière de ce fait divers, l’unique réponse que Miles Davis avait faite à la baronne Pannonica, protectrice des jazzmen, lorsqu’elle lui avait demandé de formuler trois vœux : « être blanc »?
La réussite artistique de Miles Davis se double, au début des années 1960, d’un confort matériel dont le symbole le plus évident est la Ferrari au volant duquel le musicien revendique son succès. Véritable star du jazz, il fait régulièrement la une des magazines spécialisés dans le monde et suscite la curiosité des médias qui s’intéressent aux aspects les plus glamour de son existence.
En décembre 1960, il a épousé la danseuse Frances Taylor, dont il impose à Columbia le portrait en couverture de Someday My Prince Will Come. Par la suite, il fera figurer le visage de l’actrice Cicely Tyson sur Sorcerer et celui du mannequin Betty Mabry sur Filles de Kilimanjaro, obligeant le label à renoncer aux anonymes playmates blanches au profit de ces véritables « beautés noires » qu’étaient ses compagnes.
À partir de 1963, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams (qui n’a alors que 17 ans) forment auprès de Miles Davis une rythmique qui s’arroge des libertés par rapport aux usages traditionnels du jazz.
Un temps occupé par George Coleman, le poste de saxophoniste échoit à Wayne Shorter en septembre 1964. Pendant près de quatre ans, Miles Davis pilote ce groupe dont il compare volontiers l’impétuosité à la conduite de la Ferrari dans laquelle il roule désormais. Le rapport à la pulsation, à l’harmonie, à la mélodie des thèmes deviennent beaucoup plus lâches, modulés dans l’instant dans une interaction permanente qui donne à la musique un caractère imprévisible qui ne s’exprime jamais mieux que dans le direct de la scène. L’influence de ce groupe sera considérable sur le jazz à venir.