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Musique et peinture
Des liens étroits
Du fond des âges, la musique et la peinture ont toujours été liées à la vie des hommes. Bon nombre d’artistes, théoriciens de la musique et spécialistes de l’histoire de l’art ont exploré la diversité et la complexité des liens entre peinture et musique au fil des siècles.
Dans le domaine des arts visuels, les références à la musique sont relativement nombreuses. Elles s’expriment tant par les sujets iconographiques, tels que Les Noces de Cana (détail) de Paul Véronèse par exemple, que par les écrits des artistes et des critiques d’art.
Dans le domaine musical, notamment au XXe siècle, les analogies avec la peinture s’avèrent une terre fertile pour certains compositeurs qui cherchent à travers les arts visuels une autre forme de réflexion sur les fondements de leur écriture musicale. Les liens entre la peinture et la musique sont polymorphes et les parallèles que l’on établit entre ces deux formes d’expression artistique dépassent les simples questions de l’imitation, de l’analogie ou de la transposition d’un domaine vers l’autre. On a souvent admis la peinture comme un art de l’espace et la musique comme un art du temps, donnant ainsi aux deux disciplines respectives et aux notions d’espace et de temps un caractère antinomique. Pourtant, le peintre Pierre Soulage ne dit-il pas que le temps est au centre de sa démarche ? Si cette dichotomie fut longtemps acceptée, il est aujourd’hui évident qu’espace et temps, loin d’être opposés, sont nécessairement intriqués.
Durant la période romantique
Stendhal (1783-1842) était déjà préoccupé par la question du parallèle entre la musique et la peinture si bien que, dans Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, il décida d’établir un tableau comparatif des musiciens et des peintres : Jean-Baptiste Pergolèse et Domenico Cimarosa sont les Raphaël de la musique ; à Christoph Willibald Gluck correspond Caravage ; à Georg Friedrich Haendel, il associe Michel Ange ; à Niccolò Vito Piccinni, le Titien. Vaste mouvement européen initié par un renouveau du goût et de la sensibilité issus du XVIIIe siècle, le romantisme illustre remarquablement bien la perméabilité des disciplines artistiques et littéraires. Les lithographies d’Henri Fantin-Latour et d’Eugène Delacroixcf. la suite lithographiée pour la Damnation de Faust et une esquisse du Sardanapale d’Eugène Delacroix offrent un prolongement plastique à la musique d’Hector Berlioz et illustrent la relation intime nouée entre les deux modes d’expression. Sans compter qu’Eugène Delacroix s’intéresse également aux improvisations musicales de Frédéric Chopin.
Au XXe siècle
Au XXe siècle, l’abstraction picturale, qui rompt radicalement avec le motif et marque la dissolution de l’objet, accentue encore davantage la perméabilité entre les diverses disciplines artistiques. Reconnu pour avoir inscrit les principes du dodécaphonismeLe dodécaphonisme est une technique de composition musicale imaginée et développée par Arnold Schönberg et qui, contrairement à ce qui s'était fait jusqu'alors, donne aux douze notes de la gamme chromatique une importance comparable. dans l’histoire, Arnold Schönberg est également un peintre suffisamment légitime pour que ses œuvres soient exposées aux côtés de celles d’un Vassily Kandinsky !
Dans son ouvrage Du Spirituel dans l’art (1910), Vassily Kandinsky médite sur les rapports entre peinture et musique, forme et couleur, et tente de définir leurs valeurs expressives et leurs combinaisons.
Peintre et pédagogue, Paul Klee possède de solides connaissances musicales qui irriguent sa pensée et ses écrits. Les résonances musicales sont d’autant plus présentes dans son travail qu’il a longtemps hésité entre la musique et les arts visuels. Sans volonté de traduire de manière graphique la musique, ou d’imiter une sorte de graphisme musical en peinture, Paul Klee tente simplement d’appliquer la musique à un autre mode d’expression.
La découverte de la peinture de Paul KleeDans son ouvrage Le Pays fertile : Paul Klee, Pierre Boulez fait référence à ce moment où Karlheinz Stockhausen, lui offrant les leçons du peintre prononcées au Bauhaus Das Bildnerische Denken (La Pensée créatrice), lui confie : Vous verrez, Klee est le meilleur professeur de composition !
par Pierre Boulez agit comme une révélation sur sa réflexion et son travail. Dans son ouvrage Le Pays fertile : Paul Klee, Boulez explique comment son analyse approfondie et sa réflexion sur les œuvres du peintre ont abouti à une forme de révélation musicale.
Références bibliographiques
- Jean-Yves Bosseur, Musique, passion d’artistes, Skira, 1991
- Jean-Yves Bosseur, Musique et arts plastiques, interactions au XXe siècle, Minerve, 1998
- Jean-Noël von der Weid, Le Flux et le fixe : Peinture et musique, Fayard, 2012
- Philippe Junod, Walter Salmen, La Musique vue par les peintres, Lausanne : Vilo, 1988
- Philippe Junod, Contrepoints : dialogues entre musique et peinture, Genève : Contrechamps, 2006
- La Musique et les arts plastiques
Auteur : David Hudry