Auteure : Agathe Dignac
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Birth of the Cool Miles Davis
Carte d’identité de l’album : Birth of the Cool de Miles Davis |
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Genre | jazz |
Enregistrement | entre janvier 1949 et mars 1950, aux studios de Capitol, New York |
Date de sortie | 1957 |
Forme | album composé de douze titres : 1. Move 2. Jeru 3. Moon Dreams 4. Venus de Milo 5. Budo 6. Deception 7. Goldchild 8. Boplicity 9. Rocker 10. Israel 11. Rouge 12. Darn that Dream |
Instrumentation | nonette : 1 trompette, 1 saxophone alto, 1 saxophone baryton, 1 trombone, 1 cor, 1 tuba, 1 piano, 1 contrebasse et 1 batterie |
Un projet collectif
Au tournant des années 1950, Miles Davis quitte le quintette de Charlie Parker et s’associe aux arrangeurs et musiciens Gil Evans et Gerry Mulligan pour expérimenter une nouvelle formation instrumentale. Miles se détache ainsi du cercle des boppersMusiciens qui jouent du be-bop, un style de jazz dont Charlie Parker et Dizzy Gillespie furent parmi les initiateurs. et se dirige vers l’esthétique de la musique dite « blanche ». L’instrumentation mute et passe de l’habituel quintetteCette formation inclut généralement trompette, saxophone, piano, contrebasse et batterie. au nonette, effectif intermédiaire entre le big bandgrand groupe qui mêle les saxophones, trombones et trompettes à une section rythmique (piano, contrebasse, batterie, guitare et percussions) et les petites formations be-bopquintette composé d’un saxophone, d’une trompette, d’une contrebasse, d’une batterie et d’un piano. Comme son nom l’indique, cet orchestre expérimental est constitué de neuf instruments : trompette, trombone, cor, tuba, saxophone alto, saxophone baryton, piano, contrebasse et batterie. Cette nouvelle formation est appréhendée comme un laboratoire de sons où chaque instrument doit refléter la voix humaine. Privilégiant le médium-grave au détriment de la brillance des aigus, la palette sonore obtenue constitue un prolongement au style sobre et introverti de la trompette de Miles.
Lassé par le be-bop, Miles se tourne vers un jazz à l’approche décontractée qui donne naissance au cool jazz, nouveau style moins dépendant de la virtuosité et de la complexité harmonique. C’est d’ailleurs sous le titre de Birth of the Cool que sont réunies les douze pièces enregistrées par le nonette chez Capitolen deux séances entre janvier 1949 et mars 1950. L’album ne sortira que sept ans plus tard en 1957. Même si ce nonette fait figure de précurseur en matière de cool jazz, il ne crée pas, à l’époque, de révolution immédiate. Mené par Miles Davis qui s’affirme en qualité de leader, le nonette ne se produira en public que lors de deux semaines en club durant l’année 1948. Faisant face à une indifférence quasi-unanime, il sera rapidement dissout.
Le cool jazz : une esthétique en rupture avec le be-bop
Avec Birth of the Cool, Miles Davis signe l’avènement d’une nouvelle approche du jazz. À l’opposé de l’urgence du bop, Miles opte pour une musique fluide et introspective au tempo plus lent, davantage tournée vers les arrangements et les richesses d’orchestration. Le 18 septembre 1948, le nonette se produit pour la première fois au Royal Roost de New York sous le nom de « Nonette de Miles Davis, arrangements de Gerry Mulligan, Gil Evans et John Lewis ». Cette mention inhabituelle annonçant le nom des arrangeurs met l’accent sur leur importance dans ce nouveau courant. Il s’agit d’une musique harmonieuse, écrite, travaillée et moins décousue que le bop et ses élans brillants. Ainsi, à la nervosité du bop répond une musique intimiste et feutrée, où le mariage des timbres et des couleurs constitue le principal intérêt.
Cet album ouvre la voie à une nouvelle esthétique de la musique blanche appelée West Coast Jazz. Associée au mouvement cool, elle est plus intellectuelle, d’une écriture plus sophistiquée, et moins liée au corps que le be-bop. Ses grands représentants sont Gerry Mulligan, le saxophoniste Stan Getz ou encore le trompettiste Chet Baker. Ce jazz blanc sera fréquemment utilisé pour les musiques de films dans les années 1950, et s’épanouira dans les studios hollywoodiens.
L’album d’un peu plus près
Titres | Arrangeur | Principales caractéristiques |
Move | morceau rythmique, importance des solos, économie de l’orchestration | |
Jeru | arrangé par Mulligan | lignes mélodiques bondissantes et très rythmiques |
Moon Dreams | arrangé par Gil Evans | tempo lent, harmonies riches, caractère langoureux et nonchalant |
Venus de Milo | arrangé par Mulligan | morceau au caractère élégant et sophistiqué |
Budo | pièce la plus proche de l’esprit be-bop, très rythmique | |
Deception | arrangé par Miles Davis, parodie de Conception de Georges Shearing | |
Goldchild | arrangé par Mulligan | morceau d’une riche densité sonore, avec saxophone baryton et tuba qui exposent le premier thème |
Boplicity | arrangé par le tandem Davis/Evans | de forme AABA, composé de trois chorus (solos à la trompette, au saxophone baryton et au piano=), ce morceau résume l’esthétique du cool jazz : il déploie des mélodies à l’apparence simple, accompagnées par des harmonies très développées |
Rocker | arrangé par Mulligan | |
Israel | blues arrangé par John Carisi | |
Rouge | arrangé par John Lewis | solos au piano, au saxophone alto et à la trompette |
Darn that Dream | caractère nonchalant |
Cet album est resté célèbre et beaucoup de ses titres ont été repris depuis par les jazzmen, parfois dans une instrumentation différente de celle d’origine. Ainsi, on peut entendre des versions de Move, Moon Dreams, Boplicity ou encore Budo, dans lesquelles la trompette est remplacée par un saxophone.
L’essentiel
- Birth of the Cool définit les bases du cool jazz.
- Le cool jazz dévoile une approche plus décontractée du jazz : les tempos sont plus lents, et les mélodies se déroulent de manière plus nonchalante.
- Pour l’enregistrement de cet album, Miles a fait appel à un nonette, formation instrumentale inhabituelle.
- L’arrangement et l’orchestration sont placés au cœur de Birth of the Cool.