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Portrait
Louise Jallu
(1994-)
En associant le respect de la tradition à ce qu’elle appelle « l’état d’esprit de transgression », la bandonéoniste française Louise Jallu fait souffler un vent nouveau sur le tango qu’elle habille d’influences éclectiques.
Bandonéon, jazz et musique contemporaine
Née le 29 avril 1994 dans une famille de mélomanes, Louise Jallu découvre, dès l’âge de cinq ans, un instrument atypique : le bandonéon. Sa sœur sera sa première professeure avant que Louise ne cède, elle aussi, au charme de l’instrument d’origine allemande, utilisé au XIXe siècle comme substitution à l’orgue d’église.
La classe de tango du conservatoire de Gennevilliers, créée en 1988 (et à l’époque réputée comme étant la première d’Europe) est un terreau fertile qui lui permet de faire ses armes aux côtés de musiciens argentins tels que César Stroscio et Juan José Mosalini. Pourtant, sa rencontre décisive avec la musique d’Astor Piazzolla, maître incontesté et emblème du tango argentin, se fait au cours de stages d’été, alors qu’elle n’a que huit ans.
Avide de s’aventurer vers de nouveaux horizons musicaux, Louise Jallu étudie l’analyse et l’écriture pendant huit ans au sein de la classe du compositeur Bernard Cavanna. S’ouvre alors la voie de la musique contemporaine, une musique expérimentale dont la démarche se rapproche, d'après l’artiste, « de celle du scientifique » : la jeune bandonéoniste est séduite par cette infinité de possibilités qui lui permet d’exprimer pleinement toute sa créativité. Elle fera de cette découverte une force en l’alliant à sa fascination pour le jazz, notamment pour la période bebop.
Entre tradition et transgression
Dans l’univers de Louise Jallu, Stockhausen, Ligeti, McCoy Tyner, Thelonious Monk et Astor Piazzolla se côtoient intimement dans des rythmes parfois déstructurés et une harmonie inspirée du jazz ; leurs voix se rencontrent et dialoguent, portées par un hommage tout en délicatesse et en inventivité.
Après une série de concerts en solo, c’est au sein de son quartet, avec Mathias Lévy, Grégoire Letouvet et Alexandre Perrot, qu’elle honore les femmes du tango dans l’album Francesita (2018), une belle immersion dans des réarrangements de tangos d’Enrique Delfino et des compositions personnelles. Des invités de choix (Claude Tchamitchian, Tomas Gubitsch et Claude Barthélémy) l’y accompagnent.
Avec l’album Piazzolla 2021 (2021), enregistré à la Philharmonie de Paris pour le centenaire de la naissance d’Astor Piazzolla, Louise Jallu s’inscrit dans la continuité de cet esprit de transgression, selon elle propre au tango. Un témoignage d’un profond respect qui n’aurait pu prendre d’autre forme que le remodelage des titres du grand maître, entre autres « Libertango » et « Oblivion ». Après tout, Astor Piazzolla n’avait-il pas révélé au monde une démarche singulière précisément en transgressant les codes du tango ? Dans les mains de Louise Jallu, ces classiques du tango sont des standards ponctués par l’improvisation individuelle et collective. L’album est bien reçu par la critique française et par la critique argentine, qui le placent parmi les meilleurs albums d’hommage à Piazzolla en 2021.
En mai 2022, accompagnée du trompettiste et joueur de bugle Médéric Collignon et de Gustavo Beytelmann, pianiste de Piazzolla lors de sa tournée européenne en 1977, elle interprète ses reprises du maître sur la scène de la grande salle Pierre Boulez à la Philharmonie de Paris.
Transmission et partage
La relève du bandonéon est assurée : Louise Jallu s’attache avec soin à conserver cette tradition argentine particulière en France, notamment en prenant la succession de César Stroscio à la tête de la classe de bandonéon du conservatoire de Gennevilliers. Enfants et adultes s’y imprègnent d’un héritage intense, né d’une rencontre entre les exilés argentins et la ville de Gennevilliers. Bel hommage que la transmission d’une passion et d’une histoire.
Auteure : Jazz Wallem
Décembre 2022