Ellen Andrea Wang (1986-)
La contrebassiste, chanteuse et compositrice Ellen Andrea Wang a fourni un travail d’une telle densité qu’il lui a valu de nombreuses distinctions et l’a imposée en leader de projets au confluent du jazz et de la pop. Sa force, c’est une détermination claire derrière une voix de velours, qui fait d’elle l’une des figures majeures du jazz norvégien actuel.
Trouver sa voix, donner le tempo
Ellen Andrea Wang est née le 10 octobre 1986 à Gjøvik au cœur de la Norvège, d’une famille déjà soudée par des liens musicaux. Ses parents, et surtout sa mère pianiste, la dirigent très tôt vers l’instruction musicale, au violon. Mais la formation classique, notamment la compétition qu’elle voit poindre entre les futurs solistes, ne sied guère à la jeune fille qui cherche une voix plus démesurée et plus évidente pour se faire entendre. Entre elle et la contrebasse ce fut un coup de foudre, comme si c’était l’instrument qui l’avait choisie. Lors d’un voyage à Prague – où elle assiste à un festival – elle s’arrête net devant une contrebasse exposée dans la vitrine d’un magasin. Elle l’acquiert aussitôt et l’embarque dans le bus qui la ramène en Norvège. Ellen est alors âgée de 16 ans.
Avec cet instrument imposant, à la fois rythmique et harmonique, sa relation à la musique prend l’allure et le sens qu’elle recherchait. Plus qu’une voix, elle veut donner le tempo, officier au centre, comme le batteur
. Elle intègre l’Académie norvégienne de Musique à Oslo et, sous la houlette de son mentor Bjørn Kjellemyr, étudie le jazz. Elle joue déjà sur scène avec ses aînés avant d’obtenir un master en improvisation. Les grands noms du jazz scandinave et américain qu’elle écoutait petite (Jan Garbarek, Ornette Coleman, Chick Corea, Keith Jarrett ou Pat Metheny) deviennent le socle de sa pédagogie.
Jazz pop moderne
Pour autant, pas question pour Ellen Andrea Wang de choisir entre le jazz et le monde de la pop auquel elle reste amarrée. Sa « maison musicale » se trouve au confluent des deux, quitte à repousser frontières ou codes. C’est une volonté d’universalité et d’accessibilité qui la pousse à chanter également. En anglais, avec une suavité qui ne remet jamais en question la solidité technique, elle fusionne sonorités et arrangements pop modernes (électroniques) aux cordes. Le jazz chez Wang est élégamment ouvert et coloré, volontiers léger, mais ne verse pas dans la facilité. Le chant lui permet aussi de s’exprimer clairement sur des sujets qui lui sont chers à travers des textes qui évoquent amour, foi, engagement citoyen et écologique.
Consécration et indépendance
À 30 ans, Ellen Andrea Wang explose. Elle est présentée par The Guardian comme l’une des cinq nouvelles voix du jazz en 2016. Cette année la voit se produire sur scène aux côtés de Sting, lui-même bassiste. C’est Manu Katché, avec qui elle joue déjà (album Unstatic), qui les présente l’un à l’autre.
Tout au long des années 2010, les publications s’enchaînent. Trois albums avec le quartet Pixel précèdent Run, Boy, Run, album unanimement salué, signé en 2018 par le trio féminin Gurls qu’elle forme avec la saxophoniste Hanna Paulsberg et la chanteuse Rohey Taalah. Elle prend le leadership dans une série d’albums conceptuels marqués par une grâce revendiquée en tant que force de création, dans Diving (2014), Blank Out (2017) et Closeness (2020). En 2015, elle reçoit un prix national, le DnB Award du Festival de Kongsberg, et en 2021 elle est l’artiste résidente à l’honneur du festival Molde Jazz, l’un des plus importants du pays.
Auteure : Anne Yven
(août 2021)