Anne Paceo (1984-)
Batteuse, compositrice, à l’occasion chanteuse, Anne Paceo a un pied fermement ancré dans le jazz et l’autre tourné vers le monde entier. Lauréate de trois Victoires du Jazz, invitée en 2020 comme « mentor » à la Montreux Jazz Academy, elle creuse depuis plus de dix ans un sillon riche, profond et multiforme, qui lui a valu une reconnaissance internationale continue.
Une formation par le jeu
Née en 1984 à Niort, Anne Paceo commence la batterie à l’âge de 10 ans et fait très tôt ses premières armes dans divers orchestres scolaires. Le déclic pour le jazz se produit lors d’un concert du saxophoniste Kenny Garrett à Barcelonnette en 1998 : ce sera cette musique-là, parce qu’on y joue toujours ce que l’on est, et qu’il est impossible de tricher. Tout en suivant le cursus du Conservatoire national de musique et de danse de Paris, la jeune musicienne commence à jouer avec Christian Escoudé, Alain Jean-Marie ou encore Rhoda Scott. Par ailleurs, elle est en résidence à La Fontaine, un bar parisien où elle invite toutes les semaines des musiciens différents.
Une musicienne cosmopolite
Après deux albums élaborés en trio avec Leonardo Montana et Joan Eche-Puig (Triphase en 2008 ; Empreintes en 2010), Anne Paceo s’affirme comme compositrice et chef d’orchestre avec Yôkaï (2012). Suivent trois albums et un EP édités par le label Laborie Jazz, où l’on retrouve ses compagnons de route Tony Paeleman, Pierre Perchaud et Christophe Panzani. De disque en disque, ses compositions s’enrichissent de contacts avec d’autres musiques. De sa rencontre avec la musique birmane, elle a tiré Fables of Shwedagon (2018), qui s’impose comme un exemple particulièrement réussi d’hybridation entre deux cultures. Une couleur pop émerge également à travers la place centrale accordée aux mélodies vocales (Leila Martial sur Circles en 2016 ; Ann Shirley et Florent Mateo sur Bright Shadows en 2019).
De Debussy à Elvin Jones en passant par Oumou Sangaré et James Blake, les influences de la musicienne viennent de tous les genres, toutes les époques et tous les continents. Le jazz s’est révélé être un ancrage idéal pour s’ouvrir vers d’autres langages musicaux. Anne Paceo a ainsi partagé la scène avec des musiciens d’horizons variés : de jazz (Archie Shepp, Henri Texier, Andy Sheppard, China Moses…), mais aussi de pop/rock (Jeanne Added, Mélissa Laveaux), de chanson (Jacques Higelin) et de musiques dites « du monde » (Cheick Tidiane Seck).
Donner du sens au son
Bien que chacun des albums d’Anne Paceo possède sa propre couleur stylistique, ils sont souvent traversés par des rythmes hypnotiques qui appellent une forme de transe. On y perçoit le désir d’habiter chaque note d’une présence invisible mais sensible, en vertu d’une conception du monde extra-occidentale en partie héritée des cours de Dré Pallemaerts, son professeur de batterie au conservatoire. « Yôkaï » renvoie aux esprits de la mythologie traditionnelle japonaise ; le titre de l’EP Samâ (2020) fait référence à la transe dansée et chantée du soufisme ; et elle intitule S.H.A.M.A.N.E.S l’un de ses albums (2021). Depuis Circles, l’image du cercle habite sa musique, comme une métaphore du temps, de la vie et du monde.
Auteure : Raphaëlle Tchamitchian
(Janvier 2021)