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Le Triomphe de la République ou le Camp de Grand Pré François-Joseph Gossec
Carte d’identité de l’œuvre : Le Triomphe de la République ou le Camp de Grand Pré de François-Joseph Gossec |
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Genre | ballet : divertissement lyrique |
Librettiste | Joseph-Marie Chénier |
Langue du livret | français |
Composition | en 1793 à Paris (l’œuvre inclut des fragments de pièces antérieures) |
Création | le 27 janvier de l’An II de la République (1793) à l’Opéra de Paris, sur une chorégraphie de Pierre-Gabriel Gardel |
Forme | un acte en une ouverture et six scènes avec ballet final |
Instrumentation | voix : solistes et chœur bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 2 cors, 2 trompettes percussions : timbales, canon cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
Août 1792. Les forces armées autrichiennes et prussiennes, rassemblées sous le commandement du duc de Brunswick, débarquent en France dans le but de contrer la Révolution et de rétablir l’ordre monarchique. Alors que Paris se voit menacée par l’invasion étrangère, les troupes françaises, menées par Dumouriez et Kellermann, se réunissent à Valmy où elles remportent une victoire décisive le 20 septembre 1792. Même si cette bataille semble n’avoir été qu’une importante canonnade sans confrontation directe des troupes, elle renforce l’ardeur des révolutionnaires puisqu’elle représente la première victoire de la France républicaine. Voyant ainsi sa légitimité renforcée, la Convention nationale proclame le jour suivant l’abolition de la royauté au profit de la République. Goethe, présent au moment de la bataille, aurait noté l’importance de l’événement en déclarantpropos cités dans L’Allemagne face au modèle français de 1789 à 1815 de Françoise Knopper et Jean Mondot : D’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde.
C’est à la suite de la victoire de Valmy que Gossec compose son divertissement lyrique Le Triomphe de la République ou le Camp de Grand Pré. Le livret, comme le souligne Marie-Joseph Chénier dans un avertissement en préface de l’ouvrage, reprend plusieurs textes anciens. L’auteur a inséré dans cet opuscule plusieurs fragments de ses hymnes composés pour différentes fêtes nationales depuis 1789
. De même, la partition de Gossec compile plusieurs pièces composées pour des occasions antérieures : le Chant du 14 juillet de la scène 1 est un chœur à quatre voix écrit pour le 14 juillet 1792, et le Chœur de la Liberté de la scène 5 est une reprise, sur un texte différent, du chœur composé à l’occasion de la Fête des Suisses de Châteauvieux (15 avril 1792).
L’argument
Une ouverture au son des timbales et des coups de canonConcernant la musique de cette époque, Grétry tient justement les propos suivants : Depuis la prise de la Bastille, il faut à nos oreilles blasées de la musique à coup de canon.
(propos cités dans Gossec, sa vie, ses œuvres et ses ouvrages de Pierre Hédouin) introduit l’œuvre qui se présente comme une succession de scènes. Alors que les citoyens de Grand Pré chantent des hymnes dédiés à l’Éternel et festoient au son des danses villageoises, l’appel aux armes est donné. Désireux d’aller combattre l’ennemi, les jeunes gens partent à la guerre tandis que les vieillards, restés à l’écart, se souviennent de leurs exploits passés. Au loin, décharges de canons et de mousqueteries figurent la bataille qui se joue en coulisse. L’armée française revient triomphante, et tous célèbrent la victoire, honorant la déesse de la Liberté descendue du ciel. Un ballet final fait intervenir différentes nations (Anglais, Suisses…) à travers une suite de danses évoquant les divers pays.
Focus sur l’Ouverture
Comme souvent dans les œuvres lyriques de l’époque, l’Ouverture donne un aperçu de la teneur de l’œuvre : en deux parties contrastées, elle plonge l’auditeur tantôt dans le tumulte de la bataille, tantôt dans les réjouissances des festivités villageoises.
La première partie, allegro molto, commence par une introduction majestueuse. Les cordes, à l’unisson, énoncent un thème solennel joué fort, et dont le rythme pointé évoque le style français des ouvertures baroques. Les cors lancent ensuite un appel, telles les sonneries militaires sur le champ de bataille. La musique semble vouloir attirer l’attention de l’auditoire et le prévenir de l’imminence du conflit. Commence alors l’affrontement : d’abord doucement, dans une nuance pianissimotrès doux, la rumeur enfle de plus en plus dans un grand crescendo jusqu’au fortissimotrès fort représentant le choc des armées. L’agitation et la fébrilité du combat sont rendues par les croches rapides des cordes, tandis que le rythme pointé, joué de manière répétée dans un tempo emporté, évoque la charge de la cavalerie lancée au galop. De grands accords, renforcés par les coups de timbale et de canon, figurent les offensives de l’artillerie. Cette première partie se termine « en mourant » (smorzando), le son diminuant progressivement tandis que la musique s’apaise à mesure que les combats prennent fin.
Après une courte transition menée par les roulements de timbale, commence alors la seconde partie, allegretto moderato, dans une toute autre atmosphère. Sur un rythme à trois temps, la musique fait entendre un air de danse gai et entraînant. De forme ABA’ caractéristique des danses de l’époque, son rythme pointé évoque la sicilienneDanse de rythme ternaire, proche de la gigue mais de tempo plus modéré, elle est souvent associée à un caractère pastoral.. Le duo formé par la petite flûte et le hautbois renforce le caractère pastoral et nous plonge dans la fête du village de Grand Pré.
Auteure : Floriane Goubault