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Les Amazones ou la Fondation de Thèbes Étienne-Nicolas Méhul
Carte d’identité de l’œuvre : Les Amazones ou la Fondation de Thèbes de Étienne-Nicolas Méhul |
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Genre | opéra |
Librettiste | Étienne de Jouy |
Langue du livret | français |
Composition | à Paris |
Création | le 17 décembre 1811 à l’Opéra de Paris |
Forme | opéra en une ouverture et trois actes |
Instrumentation | bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
L’argument
L’argument de l’opéra est basé sur l’Histoire des Amazones anciennes et modernes de l’historien Claude-Marie Guyon, publiée en 1740. En route pour Athènes, les Amazones ravagent sur leur chemin la Béotie et prévoient de détruire Thèbes, fondée par Amphion. Suivra une histoire d’amour impossible entre le frère d’Amphion, Zéthus, et une amazone rebelle, Ériphile, qui, poussée par la reine Antiope, doit participer au massacre de la ville.
Contexte de composition et de création
Les Amazones ou la Fondation de Thèbes a été composé pour célébrer le récent mariage entre Napoléon Ier et sa nouvelle épouse l’impératrice Marie-Louise. En effet, malgré ses occupations militaires, l’empereur était féru d’opéras. Un attrait désintéressé ? Pas vraiment. Il avait toujours en tête la volonté de montrer la puissance de son pays et de cette institution. Ainsi, sous l’argument mythologique de dieux, d’amazones, de héros et de rois, se cache une intrigue qui fait allusion à la réconciliation de la France et de l’Autriche. Napoléon a vu cette œuvre comme moyen d’asseoir sa propre légende. Les exploits de personnages héroïques descendant des cieux, bravant l’ennemi, combattant le mal et triomphant sont le prétexte pour rappeler de façon magnifiée par la musique, le chant (en français), la mise en scène, les décors et parfois les ballets, sa grandeur. L’opéra comme distraction très populaire à l’époque ? Oui, mais aussi et surtout un outil de propagande.
L’opéra est joué pour la première fois le 17 décembre au Théâtre de l’Académie impériale de musique (l’Opéra) de Paris. Le soir de la première, un concours de circonstances fâcheux transforme un épisode qui aurait dû être grandiose en scène cocasse, que raconte Pierre Vieillard, musicien de l’orchestre, également premier biographe de Méhul. Lors du dénouement, il était prévu que Jupiter apparaisse sur un char, afin de reconnaître Amphion et Zéthus comme étant ses fils. Mais un char vide descend du ciel. Pas de Jupiter ! N’ayant pas entendu le signal de l’opérateur, l’acteur se voit contraint d’entrer sur scène à pied, manquant ainsi sa grandiose apparition. L’événement provoque l’hilarité généraleVieillard raconte : l’empereur Napoléon assistait avec Marie-Louise à cette désastreuse représentation. J’étais à l’orchestre, et je puis rendre témoignage de l’hilarité que cet épisode excita chez les majestés impériales. Je doute que jamais le grand Napoléon ait ri d’aussi bon cœur.
(propos cités dans Méhul, sa vie et ses œuvres de Pierre Vieillard) dans la salle, et l’opéra est un échec. Par la suite, on rejettera la faute sur un livret jugé médiocre. Quoi qu’il en soit, c’est un compositeur amer qui écrit dans une lettreCette lettre a été publiée dans La France musicale du 17 mai 1857. au librettiste de Jouy : Je suis meurtri, je suis écrasé, dégoûté, découragé ! Il faut du bonheur, le mien est usé. Je dois, je veux me retrancher dans mes goûts paisibles. Je veux vivre au milieu de mes fleurs, dans le silence de la retraite, loin du monde, loin des coteries...
Focus sur l’Ouverture
Dans la continuité du style révolutionnaire glorieux mais déjà ouverte sur une expression variée et une orchestration recherchée, cette œuvre s’inscrit dans le pré-romantisme.
L’Ouverture se présente en deux parties. La première, adagio, installe le drame dans une atmosphère graveque crée la tonalité mineure, presque tragique, en commençant par un accord imposant joué fortefort. Les quatre accords qui suivent nuance pianodoux ainsi que les silences intercalés créent un climat d’attente et de suspense.
Puis, aux cordes, un motif est timidement esquissé : son rythme pointé, succédant à la solennité des premiers accords, apporte un caractère majestueux à l’ouverture et rappelle les ouvertures à la françaiseLes ouvertures des tragédies lyriques de Lully (Cadmus et Hermione, Alceste ou le Triomphe d’Alcide...) sont caractéristiques de ce style majestueux. Reflet de la grandeur et du pouvoir absolu de Louis XIV, ces œuvres étaient destinées à célébrer la suprématie du monarque. Leur fonction ne différait donc pas sensiblement des futurs opéras tels que Les Amazones de Méhul, utilisés comme outil de propagande à la gloire de l’empereur Napoléon. des tragédies lyriques baroques. Le motif pointé passe d’un pupitre à l’autre.
Soudain, l’atmosphère change : un chant lyrique émerge aux violoncelles, doux, lié et lumineuxeffet induit par la nouvelle tonalité majeure.
Mais très vite les accords majestueux et dramatiques reviennent, annonçant la seconde partie, allegro agitato.
Cette partie voit l’affrontement de deux thèmes contrastés. Le premier thème, martial et joué par tout l’orchestre, rappelle l’Adagio précédent par ses accords fortissimo et son rythme pointé passant d’une voix à l’autre. La frénésie et l’agitation sont données par les croches rapides répétées aux cordes graves, ainsi que par les gammes descendantes en doubles croches qui fusent aux violons.
Les cuivrent s’effacent à l’apparition du second thème, plus doux et legato.
Les deux thèmes sont joués en alternance, puis la pièce se termine de façon grandiose avec le premier thème triomphal.
Auteure : Sylvia Avrand-Margot