Page découverte
L’Œil du loup Karol Beffa
Carte d’identité de l’œuvre : L’Œil du loup de Karol Beffa |
|
Genre | musique symphonique : conte musical avec récitant |
Texte | d’après L’Œil du loup de Daniel Pennac |
Composition | en 2012 |
Création | le 13 mai 2012 au Théâtre du Châtelet à Paris, par Daniel Pennac dans le rôle du récitant et l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction de Jean Deroyer |
Instrumentation | récitant bois: 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres: 2 cors, 2 trompettes percussions: timbales cordes: 12 violons, 4 altos, 4 violoncelles, 2 contrebasses |
Entretien avec Karol Beffa
Racontez-nous comment vous avez été amené à composer une musique sur le texte de Daniel Pennac L’Œil du Loup.
Paule du Bouchet, qui travaille aux éditions Gallimard, a découvert par hasard ma musique et m’a proposé de composer à partir de cette histoire de Daniel Pennac. Le texte m’a tout de suite plu. Nous avons dû le réduire afin que le conte musical ne dépasse pas une heure. Il se trouve que j’avais déjà collaboré avec l’Orchestre de chambre de Paris, qui a créé mon Concerto pour guitare il y a un an.
Connaissiez-vous cette histoire avant ? Qu’avez-vous ressenti à la première lecture ?
Je ne connaissais pas L’Œil du Loup, mais d’autres textes de Daniel Pennac dont La Fée Carabine et Comme un roman. Comme je l’ai dit, j’ai immédiatement aimé ce conte foisonnant par la multiplicité des points de vue narratifs. Ce procédé de narrations imbriquées est plutôt rare dans les contes actuels pour enfant. L’histoire offre une belle ouverture sur la réalité contemporaine. Elle aborde des thèmes d’aujourd’hui en toute subtilité, comme l’humanité, l’étranger, l’immigration, la liberté, la tolérance, l’environnement.
Est-ce plus facile de composer une musique en s’appuyant sur un texte ?
Au contraire, pour moi c’est plus difficile. J’ai l’habitude d’accompagner des films muets comme improvisateur, ce qui apprend à réagir à une narration filmique. L’improvisation est une approche différente de la composition mais j’ai également écrit plusieurs musiques de scène et de films. Souvent, la musique illustre le texte, mais accompagne rarement la lecture. Je n’avais jamais composé sur un texte entier. Je ne voudrais pas que l’auditeur se dise seulement « Quel beau conte ! » – ou « Quelle belle musique ! » –, mais « Quel beau conte musical ! ». La musique et le texte doivent former une vraie unité, sans que l’un écrase l’autre.
Y a-t-il des histoires musicales qui vous ont marqué durant votre enfance ?
Pierre et le Loup, le chef d’œuvre absolu et indépassable. Ensuite, il y a eu Piccolo, Saxo et Compagnie, un conte musical pédagogique imaginé en 1956 par Jean Broussolle pour le scénario et André Popp pour la musique. Puis The Young Person’s Guide to the Orchestra, une œuvre de Benjamin Britten qui initie aux instruments de l’orchestre et l’opéra L’Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel. Je me suis moi-même produit dans deux opéras à l’âge de 10-11 ans : Le petit Ramoneur de Britten et Le Garçon qui a grandi trop vite de Menotti.
Quelle fonction endosse votre musique par rapport au récit ? Est-ce qu’elle illustre l’histoire, traduit les sentiments des personnages… ?
Le plus souvent, la musique illustre l’histoire mais j’essaie qu’elle vaille en soi, en ayant une exigence de qualité. J’évite en général de tomber dans la synchronisation parfaite entre l’histoire et la partition musicale. Je préfère que la musique épouse le flux intérieur du texte. J’ai d’ailleurs travaillé avec un enregistrement de Daniel Pennac qui lit L’Œil du loup à voix haute afin que la musique porte la musicalité du texte.
Pensez-vous au public, en l’occurrence ici aux enfants, lorsque vous composez une œuvre ?
J’écris naturellement une musique plutôt accessible, quel que soit le public, sans pour autant faire de concession : je compose simplement la musique que j’aimerais moi-même entendre au concert. Cette musique pour « L’Œil du loup » est tout aussi personnelle que mes autres compositions.
Comment la décririez-vous ?
J’ai composé en tenant compte de l’effectif de l’Orchestre de chambre de Paris, qui est une formation de musique de chambre de 43 musiciens. Le conte possède tantôt une violence rentrée, tantôt une violence ouverte. Selon les passages, la partition alterne une musique de poursuite, de vitesse avec une orchestration qui peut s’avérer assez sèche, avec une musique plus contemplative. Quelques ruptures de rythme sont dictées par le texte. Dans l’ensemble, la musique joue autant sur le contraste que la continuité. L’histoire s’achève sur une note optimiste, le contemplatif prend alors le dessus sur le nerveux.
Auteur : Orchestre de chambre de Paris