Cette pièce de Britten est d’une richesse étonnante. Si les variations sont très courtes, elles forment à chaque fois un condensé du style qu’elles annoncent. Avec très peu de moyens, puisqu’il ne dispose que d’un ensemble à cordes, Britten produit de multiples effets grâces à l’utilisation de toutes les possibilités techniques et expressives des instruments : nuances, trémolos, trilles, pizzicatos, harmoniques, col legno, sul ponticello. Il utilise la division des pupitres et des instruments solistes pour multiplier les possibilités.
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Variations on a Theme of Frank Bridge Benjamin Britten
Carte d’identité de l’œuvre : Variations on a Theme of Frank Bridge de Benjamin Britten |
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Genre | musique pour ensemble instrumental : thème et variations |
Composition | en 1937 |
Dédicace | To F. B. A tribute with affection and admiration |
Création | le 27 août 1937 à l’occasion du festival de Salzbourg, par le Boyd Neel Orchestra |
Forme | œuvre instrumentale composée d’une Introduction et thème, suivie de dix variations : 1. Adagio 2. March 3. Romance 4. Aria Italiana 5. Bourrée classique 6. Wiener Walzer 7. Moto perpetuo 8. Funeral March 9. Chant 10. Fugue and Finale |
Instrumentation | orchestre à cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
Au mois de mai 1937, le grand chef d’orchestre britannique Boyd Neel est invité au festival de Salzbourg avec son orchestre à cordes. Les organisateurs lui précisent qu’il doit donner la première mondiale d’une œuvre d’un compositeur britannique. Le délai pour composer cette œuvre est très court puisque le festival a lieu fin août. Par ailleurs, il faut aussi que l’orchestre puisse répéter avant la création ! Boyd Neel décide alors de faire appel à Benjamin Britten dont il connaît l’aisance et la rapidité à composer. Le jeune homme accepte et commence la composition le 5 juin 1937. Dix jours plus tard, il est déjà en mesure de fournir une première ébauche de l’œuvre à Boyd Neel. La version définitive lui parviendra le 12 juillet. Le 27 août 1937, la pièce est jouée comme prévu et rencontre un très grand succès, le premier succès international de Benjamin Britten. Il a vingt-quatre ans.
Déroulé de l’œuvre
Les Variations on a Theme of Frank Bridge sont écrites sur un thème tiré du quatuor à cordes Idyll de Frank Bridge, le premier professeur de composition de Britten. Le compositeur expose une première fois le thème, puis le varie en changeant un ou plusieurs paramètres : l’instrumentation, le tempo (la vitesse), le rythme, la hauteur, les nuances, etc.
Introduction et thème
Britten ne donne pas son thème à entendre immédiatement. Il est précédé par une introduction majestueuse, avec des notes martelées, des trilles, et des gammes montantes et descendantes en homorythmieLes instruments jouent ensemble sur le même rythme. qui la rendent spectaculaire.
Le thème fait son apparition après cette introduction. En deux parties, il est d’abord donné conjointement à trois cordes solistesdeux violons et un alto. La mélodie principale, composée exclusivement de noires et de blanches, est jouée au premier violon solo. Dans la deuxième partie, le thème est développé à l’orchestre entier. La mélodie est toujours aux premiers violons, mais l’utilisation de croches cette fois-ci lui donne plus d’animation. À trois temps, mais ne commençant jamais sur le premier, ce thème a un caractère dansant, presque valsé.
Adagio
Dans l’Adagio qui suit, le thème est réduit à ses deux premières notes, données en accords aux cordes graves, dans un tempo extrêmement lent, étiré. En réponse, les cordes aiguës énoncent une sorte de commentaire sur un rythme plus dynamique, jouant sur les chromatismesintervalles resserrés de demi-ton, issu de la deuxième partie du thème en croches.
March
Le caractère de la marche est immédiatement donné grâce à un rythme pointéici, rythme faisant alterner une note longue et une note brève joué à l’unisson aux cordes graves, qui contraste fortement avec les trilles très aigus des premiers violons... avant que ces derniers ne jouent à leur tour le rythme pointé, martelé et accompagné par les accords accentués des cordes graves. La pièce, qui commence et finit dans la nuance pianissimo, est un grand crescendo-decrescendo.
Romance
Le thème, complètement transformé, est difficilement reconnaissable dans cette Romance. On retrouve malgré tout son caractère dansant dans la mesure à trois temps, en forme de valse, tandis que le charme de la romance est donné par la mélodie tendre des violons.
Aria Italiana
Après une très courte introduction, les violons se lancent dans une course effrénée en rythmes pointés combinés à des trilles. Le reste de l’orchestre les accompagne par des pizzicatos rapides, évoquant le jeu des guitaresBritten indique sur la partition quasi chitarra..
Le tout rappelle avec humour certains passages rapides des opéras de Gioachino Rossini, célèbre compositeur italien du début du XIXe siècle.
Bourrée classique
Dans cette variation, Britten évoque la bourrée, une ancienne danse française caractérisée par un rythme à deux temps et un tempo vif. Le thème, aux accents inquiétants, est une longue descente chromatique en noires, entrecoupée d’un motif incessant de quintesécart de cinq notes entre deux notes qui se suivent en croches. La partie centrale fait entendre un passage virtuose au violon solo, puis le thème principal revient pour clore la pièce dans un grand crescendo.
Wiener Walzer
Cette valse reprend les trois temps aux basses et la course effrénée des violons, caractéristiques des valses viennoises, mais dans un climat inquiétant. Un passage central fait entendre un thème plus doux joué aux cordes graves à l’unisson, puis repris à l’alto solo. Ensuite, la valse du début reprend mais avec les basses jouant col legnoLes instrumentistes utilisent le bois de l’archet pour frapper les cordes au lieu d’utiliser les crins, ce qui donne une sonorité très particulière. et les violons en trémolos très rapides, sul ponticellofaçon de jouer près ou sur le chevalet de l’instrument à corde, ce qui change la sonorité.
Moto perpetuo
Pas d’effet d’harmonie dans cette pièce, tout est joué à l’unisson. L’impression de mouvement perpétuel est rendue par la mélodie, une succession de montées et de descentes jouées en relais par les différents instruments. Le jeu en trémolo crée comme un bourdonnement qui accentue encore l’effet de tourbillon.
Funeral March
L’aspect dramatique de cette pièce est rendu d’une part par les interventions régulières des violoncelles et contrebasses, dans le grave, qui rappellent la fatalité de l’existence, et d’autre part par la mélodie lyrique des violons, dans l’aigu, comme une complainte. Un passage central adoucit cette marche funèbre mais le caractère dramatique revient pour clore la pièce dans une longue descente decrescendo, puis même morendolittéralement : « en mourant ».
Chant
Les traces du thème sont présentes aux altos qui énoncent des bribes de mélodie, de façon décousue. Le reste de l’orchestre, utilisant les pizzicatos et les harmoniquesL’instrumentiste joue en effleurant la corde avec le doigt., le tout dans une nuance pianissimo, crée une ambiance blême et inquiétante.
Fugue and Finale
À la manière des grandes pièces classiques, Britten termine son œuvre par une fugueUne fugue se caractérise entre autres par l’entrée successive des différentes voix sur un thème (le sujet) ou sa réponse.. Malgré le foisonnement des voix, les entrées successives sont perceptibles. Plusieurs atmosphères se succèdent dans ce final : tantôt un passage fortissimo et très marqué, tantôt un autre plus doux et léger avec des notes piquées, ou encore legato, très expressif et lyrique.
En conclusion
Auteure : Bérénice Blackstone