Page découverte
Musiques d’Azerbaïdjan Contexte culturel
Introduction
L’Azerbaïdjan, « pays du feu », a été un important foyer de zoroastrismeLe zoroastrisme est un mouvement religieux lié au prophète et réformateur Zoroastre (Zarathoustra) qui vécut avant l’époque achéménide (VIe siècle avant J.C.). Sa réforme renforçait le théisme, dénonçait les puissances maléfiques et renforçait la responsabilité humaine commandée par la volonté divine. , en particulier sur la côte de la mer Caspienne. Ses caractéristiques culturelles caucasiennes ont été marquées tour à tour par Byzance, par la Perse, puis par l’Empire ottoman. Depuis le XIXe siècle et la conquête du Caucase par la Russie tsariste, puis par la Russie soviétique, de nouvelles influences se font sentir. Aujourd’hui, les Azéris d’Azerbaïdjan (de nombreux autres peuples, très minoritaires, y cohabitent) parlent une langue turciqueUne lanque turcique est un langue appartenant au groupe ouralo-altaïque présent de la Chine de l’Ouest jusqu’aux Balkans. C’est le cas de l’ouïgour, du kazakh, de l’ouzbek, du turc de Turquie, de l’azéri, etc. et sont en majorité musulmans chiitesAu début mouvement « légitimiste » lié à la succession de Mahomet, le chiisme est souvent décrit comme le « parti d’Ali » (cousin et gendre du prophète qui, selon les chiites, aurait dû succéder, à la mort du prophète, au califat). Pour les chiites, la succession au califat après la mort du prophète par l’« usurpateur » Abou Bakr a mené l’islam sur une mauvaise route. Ali, finalement quatrième calife, a essayé de rétablir le « bon islam », mais il a été défait puis assassiné par ses adversaires. Le chiisme a donné naissance à de nombreuses tendances politiques et religieuses « contestataires » et est aujourd’hui le dogme officiel de la république islamique d'Iran..
Les musiques traditionnelles de l’Azerbaïdjan peuvent être réparties en deux catégories : les musiques « professionnelles » – pratiquées par des musiciens hautement qualifiés et entraînés – et les musiques « non professionnelles » – qui ne nécessitent pas forcément un apprentissage auprès d’un maître pendant des années. Une troisième catégorie regroupe les musiques de l’Azerbaïdjan soviétique et post-soviétique. Il s’agit surtout de musiques urbaines qui rassemblent des éléments musicaux de tous les styles, y compris des influences occidentales.
Musiques professionnelles
Les musiques professionnelles ou musiques « savantes » se partagent en deux catégories qui correspondent à deux zones : l’une dans le nord de l’Azerbaïdjan et une partie du Karabakh où l’art du mugam est particulièrement développé, et l’autre dans le sud où l’on préfère la musique des bardes appelés ashug.
Le répertoire du mugam est, dans la plupart des cas, joué par un trio, composé d’un chanteur s’accompagnant au gavalLe gaval est un tambour sur cadre, parfois appelé def., d’un joueur de tarLe tar est un luth à manche long présent aussi en Iran et en Arménie. et d’un joueur de kamanchaLe kamancha est une vièle à pique utilisée dans le Caucase, en Iran et au Proche Orient.. La musique de mugam peut aujourd’hui être entendue en concert ou lors de fêtes (mariages, fêtes municipales, concours...). En ce sens, le mugam s’adresse à tous, même si, dans les faits, il est surtout présent dans les villes.
Les bardes ashug s’accompagnent la plupart du temps au sazLe saz est un luth à manche long, présent dans tout le Caucase, les Balkans, en Anatolie et au Moyen Orient de façon plus générale. et jouent en général seuls. De nos jours, on peut entendre le répertoire des bardes ashug dans les mêmes circonstances que le mugam, cette musique est traditionnellement plus présente dans les campagnes que dans les villes. Depuis la période soviétique, on trouve souvent des ensembles de bardes qui s’accompagnent non seulement de saz, mais aussi d’un balabanLe balaban est un hautbois présent dans le Caucase et l’est de l’Anatolie, plus connu sous l’appellation duduk utilisée par les Arméniens..
Les traditions du mugam et des bardes ashug ont des points communs, notamment certains schémas mélodico-rythmiques, mais comptent aussi des différences fondamentales : la musique des bardes consiste presque exclusivement en chansons – les parties uniquement instrumentales sont rares – à la différence du répertoire du mugam, dans lequel les parties instrumentales solistes sont fondamentales. De plus, la tradition des ashug est uniquement orale, alors que le mugam est souvent basé sur d’anciens textes poétiques (Nizami 1114-1209, Fuzuli 1495-1556...).
Musiques non professionnelles
Les musiques non professionnelles sont diverses. Elles sont notamment liées aux étapes de la vie : c’est le cas des berceuses, des chants de mariage, des lamentations funèbres. Elles peuvent aussi accompagner des activités de la vie quotidienne : c’est le cas des musiques de bergers, des chants accompagnant les travaux agricoles, la traite des brebis ou le barattage du beurre. Ces répertoires varient en fonction des régions.
Il existe aussi des répertoires liés au calendrier religieux. Par exemple, lors de la fête de ashura qui commémore le jour de la mort de HusseinHussein (626-680) est le deuxième fils d'Ali (cousin et gendre du prophète Mahomet) et de Fatima (fille du prophète), mort tragiquement à Kerbela. Sa mort est depuis lors commémorée avec ferveur chaque année par les chiites., hommes et femmes chantent des lamentations racontant le drame de KerbelaSitué à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Bagdad, Kerbala est le lieu de la mort de Hussein et de ses compagnons tués par les Omeyyades (adversaires de la famille de Hussein) en 680. Kerbela est depuis lors un haut lieu de pèlerinage chiite.. Ces pratiques ont survécu à la période soviétique et aujourd’hui, à Bakou – la capitale –, les habitants disposent pour ashura des haut-parleurs sur leur toit, afin que tous entendent ces lamentations. On trouve aussi des répertoires liés aux confréries religieuses telles les Naqshbandi et les Qadiri. C’est le cas des chants entonnés lors des zikhr, cérémonies rituelles dans lesquelles les fidèles répètent le nom de Dieu jusqu’à l’abandon de soi.
Musiques de l’Azerbaïdjan soviétique et post-soviétique
La période soviétique a vu apparaître de nouveaux genres comme l’opéra, mais aussi les ballets et les symphonies. Le compositeur le plus connu de cette période est sans doute Uzeir Hadjibeyov (1885-1948), qui a cherché à créer une musique qui soit « moderne », tout en gardant des éléments traditionnels. Il a ainsi composé des symphonies et opéras mêlant les instruments de l’orchestre symphonique occidental et ceux des répertoires traditionnels : tar, saz, kamancha, balaban... Un des opéras d’Azerbaïdjan soviétique les plus connus est Köroğlu, composé par Hadjibeyov, présenté pour la première fois en 1937 à Bakou.
Vers la fin des années 1960, le jazz a fait son apparition, d’abord joué clandestinement, en raison du caractère subversif que les autorités soviétiques lui attribuaient. Le jazz azéri, incarné notamment par Vaqif Mustafa-Zadeh, reprend beaucoup d’éléments mélodico-rythmiques au répertoire de mugam.
Depuis la fin de l’URSS, l’Azerbaïdjan s’est ouvert à d’autres influences, en particulier à des répertoires de variété de Turquie, de Russie ou même aux tubes anglophones. Ces nouvelles musiques sont notamment diffusées par les chaînes de télévision azéries, russes ou turques présentes en Azerbaïdjan.
Auteure : Estelle Amy de la Bretèque