Camel Zekri (1962-)
D’origine algérienne, Camel Zekri a entrepris depuis plusieurs années la réunion de deux mondes, celui des musiques improvisées où il est actif en France, et celui de ses racines, l’Afrique et les musiques traditionnelles. Né le 15 novembre 1962 à Paris, le guitariste est, à ses débuts, un adepte des chemins de traverse : adolescent, il apprend en autodidacte la guitare électrique pour entrer dans des formations rock, puis étudie la guitare classique (premier prix de conservatoire), se passionne pour le jazz contemporain (John McLaughlin, Anthony Braxton…), et s’engage dans plusieurs années de musique antillaise (il enregistre notamment avec Dédé Saint-Prix).
Musiques improvisées
La rencontre du clarinettiste Xavier Charles à la fin des années 1980 est décisive : ils forment le quartet Dicotylédone, premier ensemble ancré dans l’improvisation. De l’héritage familial du Diwan, cérémonie mystique dirigée par son grand-père maternel à Biskra, Camel Zekri reste distant. Un voyage au Niger en 1992 sera le déclencheur : à l’écoute de musiciens traditionnels, il développe un jeu davantage basé sur l’ornementation (qu’il transcrira par la suite dans l’harmonisation et les traitements sonores), et apprend le oud. Parallèlement, il s’inscrit au sein des musiques improvisées dans la continuité d’aînés tels Derek Bailey ou Keith Rowe, affranchissant l’instrument des notions traditionnelles de rythme et d’harmonie, usant de la guitare préparée. Au cours des années 1990, il rejoint Denis Colin et Les Arpenteurs, le grand orchestre Système Friche de Xavier Charles et Jacques Di Donato, ou co-fonde le quatuor de guitares Misères et Cordes avec Pascal Battus, Emmanuel Petit et Dominique Répécaud. Camel Zekri privilégie les petits ensembles d’improvisation libre, où la dimension expérimentale se nourrit d’un sens rituel de l’écoute, propice à la magie des textures.
Métissage des cultures
C’est grâce au Festival de l’eau en 1996 qu’il entreprend un premier métissage des cultures, avec la rencontre d’artistes européens et africains initiées le long du fleuve Niger : Improvisation, tradition, leur point commun, c’est la spiritualité qui les entoure
, dit-il. Camel Zekri revient alors vers le Diwan de Biskra (dont il a enregistré une cérémonie pour le label Ocora), en proposant à partir du répertoire traditionnel de nouveaux espaces de dialogue : sont invités des musiciens gnaouas, l’Algérienne Hasna El Becharia et le Marocain Mahmoud Gania, ou encore le chanteur basque Benat Achiary. Il poursuit aujourd’hui cette démarche avec Le Cercle, où sont réunies musiques orientales (chant soufi), africaines (tambours, quarkabous…) et européennes (notamment le saxophone de Daunik Lazro et la guitare de Dominique Répécaud). En 2003, il signe un album solo Venus Hottentote qui s’entend comme un recueil de nouvelles sonores, où le lyrisme mélodique se mêle à l’incandescence d’effusions électriques. Une nouvelle plénitude dans son jeu, signe de l’aboutissement d’un regard introspectif sur ses racines : Mes images intérieures, ce sont les grands espaces de l’Algérie, ce sont eux qui m’inspirent les silences, une sorte de contemplation
. Une mémoire réflexive qui induit ce parcours de défricheur, à la fois judicieusement transversal et d’une grande intégrité.
Auteur : Thierry Lepin
(mise à jour : juillet 2005)