Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juin 2005)
Anne Ducros (1959-)
Parmi les très nombreuses chanteuses dites de jazz qui ont émergé durant le début des années 2000, rares sont, en définitive, celles qui ont embrassé le chant sous l’angle de la tradition et de l’attachement à l’héritage des grandes vocalistes afro-américaines. Rien, dans ses origines, en apparence, ne prédestinait Anne Ducros a être l’une d’entre elles. Pourtant cette native du Nord de la France s’est imposée avec persévérance et passion comme l’une des voix fortes dont le succès public, pour avoir été attendu, n’en était pas moins mérité.
Une carrière de jazz sur le tard
Née le 1er décembre 1959 à Longfosse (Pas-de-Calais), Anne Ducros s’initie au jazz en 1986 sur un coup de cœur après des études de chant classique au conservatoire de Boulogne-sur-Mer. Patiemment, elle « fait le métier », travaillant d’arrache-pied à comprendre les codes d’une musique découverte sur le tard. Sa technique vocale affinée par la pratique de la musique baroque est un atout sérieux, ainsi que sa curiosité insatiable pour l’œuvre de ses aînées, qu’elles soient de véritables stars du genre (Ella Fitzgerald, dont elle apprend des solos par cœur) comme des figures plus marginales. Anne Ducros fonde un quartet avec lequel elle se présente à différents concours. En 1989, forte de plusieurs récompenses, elle enregistre son premier album, Don’t You Take a Chance qui, malgré une diffusion confidentielle, recèle de promesses. Son activité scénique prend de l’ampleur, dans le circuit des clubs de jazz comme sur certaines scènes internationales, parfois auprès de René Urtreger (1992). Plusieurs rencontres la confortent dans ses orientations artistiques, dont une avec le contrebassiste Ray Brown. À partir de 1994, elle développe en parallèle une activité de pédagogue. C’est au sein de la communauté des musiciens que sa réputation se répand : on salue son timbre de contralto, son énergie, son sens du swing. La reconnaissance vient grâce au soutien d’un compatriote nordiste, le violoniste Didier Lockwood, qui lui permet d’enregistrer Purple Song (avec le pianiste Gordon Beck en accompagnateur) publié sur un label d’envergure internationale en 2001. Cette même année, elle reçoit le prix Billie-Holiday de l’Académie du jazz.
Un répertoire ouvert à tous les genres musciaux
Depuis, Anne Ducros a ouvert son répertoire. Elle chante aussi bien les standards que des chansons signées par les Beatles, Carole King, Stevie Wonder ou encore Serge Gainsbourg, ainsi qu’en témoigne son troisième album, Close Your Eyes paru en 2003 qui accueille Toots Thielemans. Demeurant fortement attachée au contexte acoustique et au swing, fidèle aux musiciens qui l’accompagnent depuis plusieurs années, elle s’approprie ces chansons avec aisance et naturel, pratiquant le scat avec un sens certain de l’improvisation : Ma quête, c’est d’essayer de trouver l’harmonie parfaite entre le pouvoir instinctif qu’on peut développer avec le jazz et la façon de canaliser cet instinct avec l’érudition classique – avec une volonté esthétique propre
. En 2005, elle publie un album dans lequel elle est accompagnée par certains des pianistes les plus délicats du moment : Chick Corea, Enrico Pieranunzi, Jacky Terrasson et un complice de longue date, René Urtreger.