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Symphonie n° 4 Johannes Brahms
Carte d’identité de l’œuvre : Symphonie n° 4 de Johannes Brahms |
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Genre | musique symphonique |
Composition | en 1884-1885 à Vienne, après un séjour à Mürzzuschlag dans les Alpes autrichiennes |
Création | le 25 octobre 1885 à Meiningen, en Allemagne, par la Meininger Hofkapelle sous la direction de Johannes Brahms |
Forme | symphonie en quatre mouvements : I. Allegro non troppo II. Andante moderato III. Allegro giocoso – poco meno presto – tempo primo IV. Allegro energico e passionato – più allegro |
Instrumentation | bois : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 1 contrebasson cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales, triangle cordes : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition
Après une intense année de concerts dans lesquels il dirige ses œuvres, Johannes Brahms part se reposer en Italie puis s’installe au calme pour l’été 1884 dans les montagnes d’Autriche. Il y compose de nombreuses pièces vocales (lieder, romances). À l’automne, il rentre à Vienne où sa Symphonie n° 4 voit rapidement le jour. Johannes Brahms, représentant de la dernière période du romantisme allemand, donne à entendre avec cette quatrième et dernière symphonie une œuvre pathétique au matériau thématique dense. En effet, le compositeur produit des œuvres amples en partant d’une idée simple. C’est ce que l’on appelle en musique la technique du développement, technique à la base d’une grande part de la musique savante occidentale. Mais une telle œuvre nous place face au crépuscule de cette tradition, et l’aube du XXe siècle verra naître une révolution du langage musical.
Déroulé de l’œuvre
Les premier et dernier mouvements sont particulièrement soumis à cette logique de germination musicale : d’une graine (l’idée initiale : un court motif mélodico-rythmique) naît un arbre (un mouvement entier voire une symphonie entière).
Premier mouvement - Allegro non troppo
Dans le premier mouvement, au tempo allant mais au caractère contenu, tout se joue avant la fin de la deuxième mesure. Sont déjà présents, en germe, les développements mélodiques et harmoniquesL’harmonie désigne les accords nés de la superposition des lignes des différents instruments. ultérieurs, autrement dit les dimensions horizontale et verticale de la partition. Deux éléments sont à repérer : deux intervalles qui sont la tierce descendante et la sixte ascendante. Ainsi, la mélodie, cette phrase que l’on retient et que l’on peut fredonner ou siffler, progresse de manière disjointe, par sauts entrecoupés de silence. S’en dégage une impression de soupirs mélancoliques, renforcée par les échos renvoyés par les bois aux violons.
Le second groupe thématique, où l’intervention des vents tient de la fanfare, est contrastant par rapport à l’ambiance tamisée et pathétique des premières mesures.
Cette dualité dans les nuances, le caractère propre à chaque groupe ainsi que la logique de transformation permanente des énoncés mélodiques servent de dynamique, de moteur au mouvement. L’auditeur progresse avec l’orchestre vers un sommet qui, dans la partie terminale de ce premier mouvement qu’on nomme codasignifiant « queue » en italien, scelle la prééminence du premier thème sur le second et l’atmosphère générale de la symphonie, à savoir le pathétique.
Deuxième mouvement - Andante moderato
Le deuxième mouvement ne répond pas à la même logique compositionnelle : pas de développement ici mais une alternance de deux thèmes à l’allure différente. Le premier est solennel, présenté successivement par les cors, puis les bassons et hautbois, et enfin les flûtes. Les pizzicatostechnique consistant à pincer les cordes de l’instrument au lieu d’utiliser l’archet des cordes nous emmènent ensuite dans plus d’intimité.
Le second thème, quant à lui, est plus doux : il suspend le temps, chanté par les violoncelles au son velouté dans le registre aigu.
Faisant suite à une longue première page sentimentale empreinte de tristesse, ce mouvement apporte un moment de repos, refusant le déploiement des idées sombres du premier, préférant l’exposé simple de deux idées musicales qui dialoguent sans heurt. La mélancolie s’exprime ici sur le ton paisible de l’évocation de souvenirs heureux.
Troisième mouvement - Allegro giocoso – poco meno presto – tempo primo
Le troisième mouvement, aux sections très contrastées, se présente comme un divertissement enlevé. Si cette musique est toujours sérieuse, elle n’en évoque pas moins la musique populaire. Le premier thème, joué tuttic’est-à-dire par tout l’orchestre, nous place immédiatement dans une atmosphère joyeuse.
Le deuxième thème, emmené par les violons, apporte un moment d’alanguissement avant le retour de la fête.
Au sein de l’orchestre, l’utilisation de la flûte piccolo, très aiguë, et du triangle, instrument à percussion au son aigu et cristallin, contribue à créer une ambiance de fête. Le mouvement se termine dans une grande joie, emportée par les interventions percutantes des timbales et du triangle.
C’est la première et dernière expression de joie pleine et entière avant l’éclatement sombre et tragique de la voix du compositeur dans le quatrième et dernier mouvement.
Quatrième mouvement - Allegro energico e passionato – più allegro
Plus de triangle dans ce finale mais trois trombones dont le timbre est propice à suggérer une ambiance sinistre. Brahms reprend la technique d’écriture utilisée dans le premier mouvement. Cette fois, le point de départ musical est une ligne mélodique conjointemélodie composée de notes qui se suivent sans saut entre elles de huit mesures empruntée à Jean-Sébastien Bach. Cette mélodie est énoncée en valeurs longues par tous les instruments à vent à l’unisson, ce qui provoque un effet saisissant.
Au fil du mouvement, ce thème sera joué et répété inlassablement trente fois ! Malgré un fort sentiment de permanence évoquant le caractère implacable du destin, le renouvellement de la mélodie est constant grâce au jeu de variations sur l’orchestration et le rythme, qui contribue à façonner des ambiances diverses. De plus, les intervention des timbales permettent de suivre le déroulement du mouvement en ponctuant ses différents épisodes, ménageant suspens et sommets dramatiques.
Synthèse
Thèmes principaux | Atmosphères | |
1er mouvement mi mineur |
→ 1er thème aux cordes avec échos des flûtes, clarinettes et bassons à contretemps. | → Nostalgique. Ligne brisée mais ample, durées longues. En mineur. |
→ 2e thème présenté aux vents puis amplifié par les cordes. | → Chaleureux. Rythme pointé gai. Apaisé. En majeur. | |
2e mouvement mi majeur |
→ 1er thème avec introduction aux vents en forme de fanfare. | → Rythme solennel que reproduisent tous les instruments. |
→ 2e thème aux violoncelles. | → Thème chantant des violoncelles dans l’aigu, très expressif, fluide. | |
3e mouvement ut majeur |
→ 1er thème joué tutti, exubérant, joyeux. | → Kaléidoscope musical aux impressions vives et variées. |
→ 2e thème emmené par les violons. | → Douceur de cette nouvelle mélodie. | |
→ Intervention remarquable des timbales et du triangle à la fin du mouvement. | → Employés ici avec malice et humour. | |
4e mouvement mi mineur |
→ Énoncé du thème par les bois et les cuivres, ponctué par les timbales. | → Sinistre, terrifiant, nuance forte. |
→ Puis succession de variations sur ce thème. | → Progression du discours par augmentation et diminution de la tension |
Auteure : Elsa Siffert