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Carte d’identité du standard Summertime | |
Compositeur | George Gershwin |
Parolier | DuBose Heyward |
Année de composition | 1934 |
Création | par Abbie Mitchell lors de la création de Porgy and Bess le 30 septembre 1935 au Colonial Theatre de Boston |
Premier enregistrement jazz | Billie Holiday en 1936 |
Tonalité principale | tonalité d’origine : si mineur tonalité usuelle : la mineur |
Structure musicale | thème de 16 mesures, de forme ABAC |
Fort de ses succès dans la musique symphonique (la Rhapsody in Blue, le Concerto en Fa) et surtout dans la comédie musicale, régnant en maître absolu sur Broadway, George Gershwin se met à rêver d’un opéra dans lequel il pourrait mêler les éléments du genre européen avec le théâtre musical américain. En 1926, la lecture de Porgy, un roman de Edwin DuBose Heyward qui traite de la condition des Noirs dans les années 1920 au Sud des États-Unis, est une révélation : Gershwin a enfin trouvé le sujet de son opéra. Il contacte aussitôt l’auteur, qui travaille déjà à une adaptation pour la scène du Guild Theatre, et lui propose une première rencontre : Nous avons discuté de Porgy. Gershwin a dit que la production pour le Guild Theatre n’aurait pas d’importance, car de toute manière il lui faudrait un certain nombre d’années pour mener techniquement à bien une telle entreprise. Nous avons donc décidé que, lorsque nous serions prêts, nous ferions une version lyrique de mon pauvre mendiant noir des rues de Charleston.
(propos de DuBose Heywardcité dans George Gershwin, une rhapsodie américaine de Mildred Clary)
Le projet ne débute véritablement qu’à partir de 1932. Le 29 mars, Gershwin écritcité dans George Gershwin de Denis Jeambar à Heyward : Je pense de nouveau à notre projet – je parle de Porgy – et à mon désir de le mettre en musique.
Pendant plusieurs mois, ils correspondent ensemble afin d’élaborer le livret. En 1934, Gershwin s’installe quelques temps à Folly Island, près de Charleston, afin de s’imprégner des communautés noires américaines : il visite des plantations, des églises, et écoute beaucoup de spirituals. En septembre, une partie du premier acte est déjà orchestrée (Summertime est le premier air composé) et un an plus tard, en septembre 1935, l’opéra est achevé. Gershwin sollicite l’aide de son frère Ira pour la composition des chansons et ensemble, ils présentent la musique de Porgy and Bess à Ruben Mamoulian, le futur metteur en scène de l’opéra. Enthousiaste dès les premières mesures entendues, celui-ci complimentecité dans George Gershwin, une rhapsodie américaine de Mildred Clary aussitôt les deux frères : Ils ont tous deux fermé les yeux de bonheur avant de poursuivre, avec l’inoubliable Summertime. George jouait, un sourire béat aux lèvres. Il semblait flotter sur sa propre musique, tandis que le soleil du Sud l’éclairait. Ira chantait l’autre moitié, la tête renversée en arrière, abandonné, les yeux clos. Il chantait comme un rossignol. Au milieu de la chanson, George, n’en pouvant plus, a pris le relais du chant, et ainsi de suite.
Porgy and Bess est présenté pour la première fois au public le 30 septembre 1935 au Colonial Theatre de Boston. L’opéra reçoit un accueil chaleureux. Mais la première à Broadway, le 10 octobre 1935 au Alvin Theatre de New York, recevra des critiques mitigées. On peut lire dans le Timescité dans George Gershwin de Denis Jeambar : Gershwin n’a pas complètement trouvé le style d’un compositeur d’opéra. Tantôt c’est de l’opéra, tantôt c’est de l’opérette ou même un simple divertissement de Broadway.
De son côté, le chanteur et acteur Al Jolson déclarecité dans L’Avant-scène opéra qu’il s’agit d’un opéra sur les Noirs plutôt qu’un opéra de Noir
. Les artistes noirs ne seront d'ailleurs pas plus tendres avec Gershwin. Duke Ellington, qui reproche au compositeur d’avoir emprunté à tout le monde de Liszt au « kazoo » de Dickie Wells
, affirmecité dans L’Avant-scène opéra que la réalité d’aujourd’hui est là pour déboulonner le négroïsme noir de fumée de Gershwin
.
Il faudra du temps avant que les artistes jazz s’emparent du titre Summertime, relativement inclassable (est-ce une berceuse, une chanson populaire américaine, un air d’opéra, ou encore un spiritual ?). À la fin des années 1930, on compte peu de reprises : Bob Crosby, Billie Holiday (1936), Sidney Bechet (1939). En 1942, la reprise de l’opéra donne un nouveau souffle à Porgy and Bess sur lequel les artistes commencent à porter un regard différent. Dès lors, de nouvelles interprétations de Summertime fleurissent : en 1945, Artie Shaw en donne une version tintée de blues (dans un arrangement de Eddie Sauter) et même Duke Ellington, d’abord critique envers l’opéra, ajoute le titre à son répertoire. Sur les années 1950 et 1960, on compte plus de 400 versions jazz de Summertime : Miles Davis, Louis Armstrong et Ella Fitzgerald, John Coltrane, Bill Evans, Art Blakey… Depuis cette époque jusqu’à nos jours, Summertime a connu de nombreux arrangements et de multiples interprétations qui ont définitivement placé le titre au rang de standard du jazz.
Dans l’opéra de Gershwin, Summertime est la toute première chanson après l’introduction. Berceuse chantée par le personnage de Clara à son bébé, elle rappelle par sa mélodie et son harmonie le spiritual Sometimes I Feel like a Motherless Child. Même si les paroles évoquent l’insouciance de l’été et la sécurité du foyer, l’harmonie mineure apporte à la chanson une atmosphère mélancolique. La tonalité d’origine est si mineur, mais beaucoup d’artistes reprennent le standard en la mineur.
Écouter le thème de Summertime, de forme ABAC :
Paroles de la chanson
Summertime an’ the livin’ is easy,
Fish are jumpin’, an’ the cotton is high.
Oh yo’ daddy’s rich, an’ yo’ ma is good lookin’,
So hush, little baby, don’ yo’ cry.
One of these mornin’s you goin’ to rise up singin’,
Then you’ll spread yo’ wings an’ you’ll take the sky.
But till that mornin’ there’s a nothin’ can harm you
With Daddy an’ Mammy standin’ by.
C’est l’été et y a pas à s’en faire,
Les poissons font des bonds, il est mûr le coton.
Oh ! Il est rich’ ton père, elle est jolie ta mère,
Alors chut, petit bébé, pleure don’ pas.
Un beau matin tu te lèv’ras en chantant,
Puis t’étendras tes ailes et tu prendras le vent.
Mais en attendant, y a rien d’mal qui t’arriv’ra
Avec Papa et Maman près de toi.
(traduction d’Annette Boujuextrait de L’Avant-scène opéra)
Sources principales
- BAUDOIN Philippe, notice d’œuvre
- « Gershwin, Porgy and Bess », L’Avant-scène opéra, n° 103 (novembre 1987), Éditions Premières Loges
- CLARY Mildred, George Gershwin, une rhapsodie américaine, Éditions Pygmalion, 2005
- GIOIA Ted, The Jazz Standards : a guide to repertoire, Éditions Oxford University Press, 2012
- JEAMBAR Denis, George Gershwin, Éditions Mazarine, 1998
- ROSENBERG Deena, Fascinating Rhythm : the collaboration of George and Ira Gershwin, Éditions Dutton, 1991
- https://www.jazzstandards.com/compositions-0/summertime.htm
Extraits vidéos
Extraits audios
Sélection médiathèque
La médiathèque de la Philharmonie propose une sélection de CD, DVD et partitions autour du standard Summertime.