Pierre Henry (1927-2017)
Né en 1927 à Paris, Pierre Henry étudie la musique dès l’âge de sept ans avec des précepteurs, tout en créant déjà une lutherie originale de « faux pianos », timbales bricolées et autres bidules qui sonnaient
. Comme il le confia plus tard : Enfant, j’avais dans la tête toute une typologie de sons. Le principe même du son inouï, c’est-à-dire non musical au départ et musical à l’arrivée, m’est venu très tôt, avant le Conservatoire
. Entre 1937 et 1947, il suit les cours d’harmonie avec Olivier Messiaen au Conservatoire, et de composition avec Nadia Boulanger. Avec Félix Passeronne, fondateur de la première classe de percussion au Conservatoire : J’ai acquis le toucher. Boulanger m’a inculqué la rigueur et une certaine économie de moyens, tandis qu’aux côtés de Messiaen j’ai appris la transparence de l’écoute
. Au sortir du Conservatoire, Pierre Henry est pianiste et percussionniste, mais aussi compositeur. Il apprécie que les objets lui résistent, aime leur complexité : Vouloir dépasser l’orchestre, trouver de nouvelles sonorités, ce n’était pas une idée nouvelle. Mais chez moi, ce n’est pas passé par l’instrument : c’est passé par l’imagination, par une description mentale des sons.
Studios, librairies et maison de sons
En 1959, Pierre Henry s’installe dans son premier studio privé, Apsome (Applications de procédés sonores en musique électroacoustique), rue Cardinet à Paris, puis à Saint-Germain-des-Prés en 1966, où il développe, en parallèle, de nombreuses musiques de film destinées aussi bien à des fictions – Maléfices d’Henri Decoin (1962), Les Assassins de l’ordre de Marcel Carné (1971) – qu’à des documentaires – Astrologie, ou le miroir de la vie de Jean Grémillon (1953), Les Amours de la pieuvre de Jean Painlevé (1965), Mobiles de Calder de Carlos Vilardebo (1966) – et des publicités – La gaine Scandale ! Cinq ans plus tard, le Studio Apsome migre une troisième fois, rue de Toul, dans le 12e arrondissement, devenant le Studio Son/Ré en 1982 – à la fois lieu de vie et d’inspiration, studio, bibliothèque et galerie d’exposition de ses peintures concrètes. À partir de 1996, dans cette « Maison de sons », est reçu un public de fidèles auditeurs sous l’égide du Festival d’Automne, du Centre Pompidou et du festival Paris Quartier d’été. Entre rétrospective et créations, on y découvre notamment des partitions majeures comme Intérieur / Extérieur (1996), Dracula (2002), Voyage initiatique (2005) et une nouvelle version de Dieu, d’après Victor Hugo, avec le comédien Jean-Paul Farré, en 2009.
Grand remix et transfiguration
Les deux dernières décennies montrent Pierre Henry en phase avec plusieurs générations. En témoignent ces grandes manifestations en plein air – Tam-Tam du merveilleux sur la piazza du Centre Pompidou devant 4 000 personnes, à l’été 2000, création d’Utopia à la Saline royale d’Arc-et-Senans, en juillet 2007, suivie un mois plus tard d’une reprise d’Histoire naturelle sur l’esplanade de La Défense –, mais aussi les ultimes créations à la Cité de la musique - Philharmonie de Paris, en particulier Continuo (2016), où son orchestre imaginaire lance une ultime symphonie d’acier et de peaux martelées, fébrile et chaotique. En seconde partie de ce même concert, la danse réapparaît avec l’iconique Messe pour le temps présent dans la chorégraphie originale de Béjart (1967), reprise par Hervé Robbe – qui signe ensuite un Grand Remix de la Messe. Pierre Henry a de nouveau chahuté sa sonothèque avec malice, remixant les jerks, secoués, corrigés, clonés et dilatés à l’infini. L’année suivante, son œuvre lui échappe, mais pour le meilleur : son Dracula est revisité par un ensemble classique, Le Balcon et son chef Maxime Pascal, qui mixe l’original électroacoustique avec un orchestre live d’une vingtaine de musiciens au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet. Transfigurée, son œuvre lui survit, interprétée et diffusée désormais par d’autres, en 2017, à la Cité de la musique (« Nuit blanche Pierre Henry », avec la création de Multiplicité (2017) et Radio France – créations de La Note seule et Grand tremblement (2017). Récemment, sa Dixième Symphonie connaissait une nouvelle version, symphonique, pour trois orchestres et chœur, sous la direction de Pascal Rophé, Bruno Mantovani et Marzena Diakum, à la Cité de la musique, le 23 novembre 2019. Partenaire fidèle, la Cité de la musique - Philharmonie de Paris accueille depuis novembre 2019 au sein de son Musée un nouvel espace permanent dévolu au musicien, avec la reconstitution du Studio Son/Ré où, parmi ses appareils et objets personnels, des dispositifs tactiles permettent d’appréhender la musique concrète sous toutes ses facettes.
![Studio Pierre Henry au Musée de la musique. Philharmonie de Paris, photo de Gil Lefauconnier Studio Pierre Henry au Musée de la musique. Philharmonie de Paris, photo de Gil Lefauconnier](http://drop.philharmoniedeparis.fr/biographies/compositeurs/Henry-Pierre/Musee-Musique-Studio-Pierre-Henry-Gil-Lefauconnier.jpg)