Élise Caron (1961-)
Chanteuse, autrice, compositrice et comédienne, Élise Caron habite les mondes du jazz, de la musique contemporaine, de la chanson, du théâtre et du cinéma avec une grâce constante. Lauréate des Victoires du jazz en 2010, elle a gagné au fil du temps un public fidèle, conquis par sa délicatesse lyrique et sa douce fantaisie.
Une double formation
Formée en flûte (horaires aménagés), en chant lyrique (Conservatoire national supérieur de musique de Paris) et en art dramatique (conservatoire national de région de Rouen), Élise Caron a pris toute sa vie le soin de ne pas choisir entre le théâtre et la musique. En compagnie de ses trois mentors Bruno Gillet, Luc Ferrari et Jacques Rebotier, elle navigue très tôt entre musique contemporaine et théâtre musical. Élevée dans le goût de la musique classique, c’est tout à fait fortuitement (à la faveur d’un stage avec Andy Emler) qu’elle rencontre le jazz, lequel l’adopte aussitôt. En 1991, elle intègre l’Orchestre National de Jazz de Denis Badault, où elle improvise au chant au même titre que les autres instrumentistes. Élise Caron a ainsi développé une personnalité artistique à la fois ancrée dans la tradition classique et tournée vers les expérimentations les plus contemporaines.
Théâtre musical, musique théâtrale
Irréductible à une seule famille artistique, Élise Caron a toujours multiplié les collaborations. Si on l’aperçoit ici et là au cinéma (Cocktail Molotov, Holy Motors, Un soir au club, Des filles en noir), le théâtre fait souvent appel à elle pour ses talents de chanteuse. Elle interprète Brecht sous la direction de Georgio Strehler, Offenbach sous celle de Jérôme Savary, et joue plus récemment dans deux pièces de David Lescot. Réciproquement, les musiciens l’invitent fréquemment dans des projets où le texte est au centre : Sade avec Archimusic (Sade Songs), Dylan Thomas avec Lucas Gillet (A Thin Sea of Flesh), Pavese avec David Chevallier (The Rest is Silence), Verlaine avec John Greaves (Verlaine Gisant), Edgar Allan Poe avec Eric Watson (Midnight Torsion), Novalis et Rilke avec Jean-Philippe Chollet (Hymne à la nuit), sans oublier la pépite burlesque L’Argent nous est cher d’Yves Robert.
Écriture et improvisation
Bien que peu d’enregistrements soient là pour en témoigner (elle préfère conserver la dimension éphémère de la chose), Élise Caron est une excellente improvisatrice. On a pu l’entendre avec Fred Frith, Joëlle Léandre, Marc Ducret, Médéric Collignon ou encore Bruno Chevillon. Signalons aussi son duo décapant avec Edward Perraud, un peu plus écrit celui-là qui, après Bitter Sweets en 2012, sort un nouvel album début 2021 (Happy Collapse).
En parallèle, Élise Caron a construit son propre répertoire de chansons. Après un premier disque en 1996 (Lerapatirole), elle invente aux côtés du pianiste Denis Chouillet des histoires chantées (Chansons pour les petites oreilles, 2003 ; Eurydice bis, 2006). Qu’elles soient destinées aux enfants ou aux adultes, les chansons d’Élise Caron sont toutes portées par une grande poésie, un humour piquant et un certain talent pour dire des choses profondes de manière simple. Par ailleurs, en 2019, elle revient à ses premières amours dans Sentimental Récital, à savoir Debussy, Fauré, Stravinski, Ives ou encore Poulenc.
Plusieurs lignes de force structurent ce foisonnement créatif. Chez Élise Caron, il est toujours question de jouer : jouer sur les planches bien sûr, mais aussi plus largement s’amuser à faire de la musique, jouer à être une chanteuse. Ainsi, même dans des contextes mélancoliques, son chant cultive une étincelle ludique et espiègle, comme si la voix était le véhicule du retour en enfance.
Auteure : Raphaëlle Tchamitchian
(Novembre 2020)