Hélène Labarrière (1963-)
Nourrie au swing, la contrebassiste Hélène Labarrière a forgé sur quatre décennies une polyvalence qui la rend aussi légitime dans les musiques contemporaines que traditionnelles et du monde, ainsi que dans le jazz même le plus improvisé.
Du swing avant toute chose
Hélène Labarrière est née le 23 octobre 1963 à Neuilly-sur-Seine. Dernière d’une fratrie de musiciens, elle dit non sans humour avoir choisi la contrebasse car le piano était pris en permanence
[1]. L’école de la vie est plus forte que l’académisme. Elle étudie quatre ans au conservatoire, à Boulogne-Billancourt puis à Gennevilliers, mais c’est en autodidacte, au gré des nuits passées dans les clubs à observer sans relâche, qu’elle avoue avoir forgé ses facultés rythmiques. Peu de femmes tiennent ce rôle dans les années 1970. Elle se fait remarquer, d’abord avec le guitariste Pierre Brunel avec qui elle partage l’amour du swing, des standards et du bebop américain. Pour Labarrière alors, la musique est rythme.
Mentors
Avec Ladies First, un quartet féminin, elle part en 1983 à l’assaut des clubs de jazz en ouvrant une voie parallèle avec la musique improvisée. Elle forme un autre quartet avec Eric Barret (saxophone), Marc Ducret (guitare) et Peter Gritz (batterie), et la découverte de Charlie Haden change son regard sur le rôle de son instrument : il peut être autre que rythmique. L’Américain colore la musique et, sans frénésie sur les tempos, prend le temps de choisir timbres et harmonies. Dans cette période d’interrogation, elle rencontre un autre mentor, le batteur Daniel Humair, qui l’engage et lui fait prendre conscience de la matière sonore.
Esprit collectif et création personnelle
Après un enregistrement avec Lee Konitz, l’international s’ouvre à elle, même si ses alter ego sont les Français Jean-Marc Padovani, Sylvain Kassap et Franck Tortiller. Ce dernier la pousse vers la composition. Tous font partie du collectif montreuillois Incidences, qui donne à Labarrière le soutien nécessaire pour expérimenter, improviser. Elle y trouve un nouvel équilibre. Elle a trente ans lorsque naît son premier projet en leader : Machination. Le titre rend hommage à Soft Machine de Robert Wyatt, qu’elle admire depuis toujours. L’album du groupe paraît en 1995.
Labarrière dit avoir un attachement fort et empirique, un lien « physique », aux musiques et musiciens avec qui elle joue et qui enrichissent son jeu. Ainsi a-t-elle pu découvrir de nouveaux modes d’expression en rencontrant les contrebassistes « J.F. » Jenny-Clark, Henri Texier, Paul Rogers, Peter Kowald. Aussi revendique-t-elle sa foi en un jeu collectif qui fait place aux différences, afin de trouver son lieu d’expression, un endroit où je me sente bien, partout
[2].
Références des citations
- [1] autobiographie de l’artiste sur helene-labarriere.com
- [2] portrait consacré à l’artiste par Anne Montaron dans « À l’improviste », France Musique, 2015
Auteure : Anne Yven
Décembre 2021