Edvard Grieg (1843-1907)
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Vie culturelle et musicale à Oslo
Après un voyage à BerlinGrieg entreprend ce voyage de Berlin à Rome avec son ami Nordraak. Malheureusement, ce dernier tombe gravement malade dans la capitale allemande, et Grieg poursuit son périple seul en Italie. Nordraak meurt de la tuberculose quelques mois plus tard, non sans avoir reproché à Grieg, dans une ultime lettre, de l’avoir abandonné : Mais ce qui est et toujours sera une énigme pour moi est la manière dont tu m’as traité depuis ton départ, et que je trouve indigne envers quelqu’un que tu appelles ton ami, quelqu’un que tu as abandonné comme tu m’as abandonné.
En apprenant la mort de son ami, Grieg composa aussitôt une Marche funéraire qu’il dédia au défunt., puis à Rome où il rencontre l’écrivain norvégien Henrik Ibsen, Grieg s’installe à Oslo. En 1867, il compose sa Sonate pour violon et piano n° 2 en sol mineur op. 13, fortement inspirée de la musique populaire de son pays, et qualifiée à juste titre de « sonate norvégienne ». Le 11 juin de la même année, il épouse sa cousine Nina Haregrup, et devient père d’une petite Alexandra le 10 avril 1868Alexandra décèdera malheureusement un an plus tard d’une méningite.. Afin de subvenir aux besoins matériels de sa famille, Grieg travaille sans relâche : il donne des leçons de piano, assure des répétitions d’orchestre…, ce qui lui laisse peu de temps pour la composition. Il profite de vacances au Danemark en 1868 pour écrire son Concerto pour piano en la mineur op. 16. La première a lieu le 3 avril 1869 à Copenhague, en l’absence du compositeur. C’est un triompheDans une lettre adressée au compositeur, le pianiste Edmund Neupert, dédicataire et créateur de l'œuvre, rapporte à Grieg les détails de la soirée : Dès lors de la conclusion de la cadence de la première partie le public éclata en un véritable tonnerre d’applaudissements. Les trois dangereux critiques – Gade, Rubinstein et Hartmann - se levèrent dans la loge et applaudirent de toutes leurs forces. Je suis chargé de te féliciter de la part de Rubinstein et de te dire qu’il fut réellement surpris d’avoir entendu une si brillante composition ; il cherche à faire ta connaissance.
. Après une première norvégienne, un peu moins enthousiaste, à Oslo le 7 août 1869, l’œuvre enchaîne malgré tout les succès à l’étranger, assurant dès lors à Grieg une renommée internationale.
![Edvard et Nina Grieg, vers 1886 © Bibliothèque municipale de Bergen, Norvège Edvard et Nina Grieg, vers 1886 © Bibliothèque municipale de Bergen, Norvège](https://drop.philharmoniedeparis.fr/biographies/compositeurs/Grieg-Edvard/Edvard-et-Nina-Grieg-vers-1886-©-Bibliotheque-municipale-de-Bergen-Norvege.jpg)
Mis à part l’arrangement des 25 Chansons et danses populaires norvégiennes pour piano op. 17 en 1869, Grieg ne composera rien de remarquable jusqu’en 1871, année où il débute une collaboration avec l’auteur Bjørnstjerne Bjørnson, dont il met en musique de nombreux textes (Quatre Mélodies sur « La Fille du pêcheur » de Bjørnson op. 21, musique de scène pour Sigurd Jorsalfar, Reconnaissance de la Terre op. 31…). Ensemble, ils rêvent d’un opéra national norvégien, projet qui ne verra malheureusement jamais le jour, malgré une vaine tentative avec Olav TrygvasonEn 1873, Bjørnson commence à travailler sur un projet dramatique auquel il souhaite associer Grieg. L’auteur envoie bien quelques premiers textes, mais la suite ne viendra jamais. En 1888, Grieg reprend ses esquisses et compose Scènes de Olav Trygvason op. 50, une suite de sept pièces pour voix et orchestre.. Grieg poursuit néanmoins son chemin dans le domaine du théâtre, avec la composition de Peer Gynt (1874), une musique de scène pour le drame éponyme de Henrik Ibsen. Il participe également au développement culturel de la ville, par la création d’une Association musicale qu’il dirige en partenariat avec le compositeur Svendsen.
Retour aux sources et tournées de concerts
Face à la vie mouvementée qu’il mène à Oslo, Grieg aspire à plus de calme et de solitude, afin de retrouver l’inspiration et le temps qui lui font défaut pour composer. Il quitte la capitale et s’installe un temps avec Nina dans le Hardangerrégion située actuellement dans le comté de Hordaland, au centre-ouest de la Norvège, puis se fait construire une nouvelle demeure à Bergen, baptisée « Troldhaugen »littéralement « la colline des Trolls ». Le couple passe alors les étés dans sa maison de Bergen, mais s’exile à l’étranger lors des rudes périodes hivernales. Grieg ne compose pas de manière régulière : il connaît tantôt des phases créatrices, tantôt des phases où l’inspiration vient à manquer. Il parvient néanmoins à composer plusieurs œuvres de qualité, dans lesquelles l’influence de la musique populaire se fait plus ou moins manifeste : son Quatuor à cordes en sol mineur op. 27 (1877, loué par Franz Liszt), les Douze Mélodies sur des poèmes de Vinje op. 33 (1878), les Danses norvégiennes pour piano à quatre mains op. 35 (1880), la Sonate pour violoncelle en la mineur op. 36 (1883, dédiée à son frère John), la Suite Holberg op. 40 (1884)… En 1880, il devient chef de l’orchestre Harmonien, l’orchestre symphonique de Bergen. De plus, afin de rembourser la construction de sa demeure, le couple enchaîne les concerts en Norvège et à l’étranger. Grieg connaît alors de grands succès en AllemagneIl passe le réveillon de 1888 à Leipzig chez le violoniste et chef d’orchestre russe Adolf Brodsky, où il côtoie Brahms et Tchaïkovski, avec lequel il entretient dès lors une profonde amitié : En Tchaïkovski j’ai gagné un chaud partisan de ma musique. Il a autant d’affection pour moi que j’en ai pour lui, à la fois comme artiste et comme être humain.
(lettre du 29 janvier 1888 à son ami Beyer), puis en Angleterre, aussi bien en tant que pianiste que chef d’orchestre. En dépit d’une santé de plus en plus fragile, Grieg éprouve sans cesse le besoin de voyager, incapable de rester longtemps au même endroit. Il alterne les périodes de concerts et de voyages, avec des périodes de retour au calme dans la nature. Il continue néanmoins à s’investir dans le développement culturel de son pays : en 1898, il organise avec l’orchestre du Concertgebouw le festival de musique norvégienne à Bergen. Cette expérience inédite en Norvège est un énorme succès. La même année, il participe à l’ouverture du Théâtre National d’Oslo.
![Troldhaugen © Bibliothèque municipale de Bergen, Norvège Troldhaugen © Bibliothèque municipale de Bergen, Norvège](https://drop.philharmoniedeparis.fr/biographies/compositeurs/Grieg-Edvard/Troldhaugen-©-Bibliotheque-municipale-de-Bergen-Norvege.jpg)
Son état de santé s’aggrave de plus en plus et l’oblige à annuler des voyages à plusieurs reprises. Finalement, il s’éteint le 4 septembre 1907 à Bergen, succombant à l’insuffisance respiratoire qui l’aura affaibli toute sa vie. Ses funérailles sont un événement public exceptionnel : des dizaines de milliers de personnes se joignent à la procession jusqu’au crématorium. Les cendres de Grieg reposent désormais dans le monument funéraire de Troldhaugen, sur sa terre natale si chère à son cœur.
Genres et langages musicaux chez Grieg
Le style d’écriture de Grieg mêle habilement plusieurs influences : sans renier le langage musical des romantiques, qu’il aborde dès ses études à Leipzig, il sait s’en détacher en insufflant à ses compositions une veine populaire, puisée dans le folklore de sa Norvège natale. Ce savant mélange entre romantisme et musique populaire, notamment dans sa musique pour piano, lui vaudra son surnom de « Chopin du Nord » par le chef d’orchestre allemand Hans von Bülow. Son langage harmonique audacieux, dans la continuité des innovations wagnériennes, lui vaut l’admiration de ses contemporains, en particulier de TchaïkovskiQuel enchantement, quelle spontanéité, quelle richesse de l’invention musicale ! Quelle chaleur et quelle passion dans les phrases chantées, quel flot de vie dans ses harmonies, quelle originalité et quelle personnalité dans ses modulations intelligentes et piquantes, ainsi que dans le rythme et dans toute autre chose – c’est d’un intérêt sans fin, c’est nouveau, c’est original.
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Grieg a composé pour de nombreux genres. Cependant, il s’est surtout illustré dans le répertoire pour piano, son instrument de prédilection. Outre son célèbre Concerto pour piano, il a composé énormément de petites pièces et miniatures (environ 180 morceaux pour piano seul), élaborant une tradition et un style norvégiens qui influenceront de nombreux compositeurs scandinaves. Il a également arrangé pour piano plusieurs de ses compositions pour orchestre, une manière efficace de diffuser ses œuvres auprès des particuliers, musiciens amateurs et pianistes d’un niveau honorable capables de s’emparer de ses partitions.
Grieg est également très prolifique dans le genre de la mélodie. Il met en musique les textes d’auteurs appartenant au renouveau de la poésie nordiqueBjørnson, Ibsen, Vinje…, et refuse de suivre l’exemple du lied allemand : alors que des compositeurs tels que Wolf ou Strauss ont tendance à minimiser la voix et concentrer l’élément mélodique dans la partie de piano, Grieg compose des mélodies mettant en valeur le texte, et dans lesquelles l’accompagnement domine rarement. Bien que s’inspirant de la tradition populaire, il affirme que ses mélodies sont de sa propre inventionSur une centaine de lieder que j’ai écrits, un seul, la Chanson de Solveig emprunte son thème au folklore.
, et qu’il n’est pas qu’une « machine à copier des chansons populaires norvégiennes » comme ont pu l’accuser certains de ses contemporains. Sa femme Nina, sa source d’inspiration, est également l’interprèteJ’ai aimé une jeune fille à la voix prodigieuse et au talent d’interprétation tout aussi phénoménal. Cette jeune fille devint ma femme et compagne de vie jusqu’à ce jour. Elle a été – je suis bien placé pour le dire - la seule véritable interprète de mes romances.
de ses romances. Chantées en norvégien, et en l’absence de traduction, ces dernières n’ont malheureusement pas connu le même succès international que ses pièces pour piano.
Son large répertoire de miniatures pour piano et de mélodies trahit chez Grieg une préférence pour les formes brèves. S’avouant lui-même mal à l’aise avec les grandes formesTu n’imagines pas à quel point les grandes formes m’ont fait souffrir
, écrit-il en 1878 dans une lettre à Gottfried Maathison-Hansen, organiste et compositeur danois. classiques, quelques-unes de ses compositions font cependant exception : son Concerto pour piano, ses sonates (pour violon et violoncelle), ou encore son Quatuor à cordes.
![Vue de Svartediket près de Bergen, peinture de Jacob Calmeyer, 1831 © National Gallery, Norvège Vue de Svartediket près de Bergen, peinture de Jacob Calmeyer, 1831 © National Gallery, Norvège](https://drop.philharmoniedeparis.fr/biographies/compositeurs/Grieg-Edvard/Vue-de-Svartediket-pres-de-Bergen-peinture-de-Jacob-Calmeyer-1831-©-National-Gallery-Norvege.jpg)
Auteure : Floriane Goubault