UNE HARMONIE UNIVERSELLE | |||||||||||||||||||||||||||||
Structure commune concentrique | |||||||||||||||||||||||||||||
Dans le contexte le plus traditionnel de la musique
de gamelan, idéalement dans son premier contexte, un rituel dans un
palais, on se trouve pris dans un emboîtement de poupées russes de formes concentriques, pyramidales,
cycliques autour d'un centre rayonnant, formes équivalentes entre elles, présentes
dans toutes les dimensions :
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Un principe d'action | |||||||||||
Cette vision d'un univers semblable dans toutes ses
manifestations et la volonté d'en reproduire le modèle fondamental
dans les productions humaines est très caractéristique de la conception
fondamentale, en Asie Orientale, de l'identité intrinsèque entre macrocosme
et microcosme, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Schématiquement : Tout est en Un. La diversité est contenue à la fois dans le Un originel et dans chacun des éléments de cette diversité, selon le principe d'immanence. Cette conception incite les humains
Préoccupés d'abord de phénomènes vitaux tels que le retour du jour après la nuit, ou pire, après une éclipse, les humains veulent agir en leur propre intérêt, avec l'aide de la magie,
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Système symbolique | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Offrande musicale Le symbolisme "saute aux yeux" dans les réalisations visuelles (offrandes matérielles, costumes, marionnettes, peintures, sculptures, etc.) et architecturales; il a déjà fait l'objet de nombreux ouvrages. Il ne saute pas si aisément "aux oreilles" dans la musique. Pourtant la musique - musique sacrée à l'origine -, offrande parmi toutes les offrandes, doit participer logiquement des mêmes principes d'harmonie universelle, qui devraient lui conférer les mêmes pouvoirs surnaturels : "offrande musicale" et "alchimie des sons" pourraient être prises au sens propre. Un exemple : les formules magiques contre la pluie - l'efficacité de ces rituels est étonnante - contiennent des éléments qui par ailleurs appartiennent aussi au langage musical. Tenir compte de ces symboles, sans se lancer dans la magie, peut être une clé pour décrypter certaines musiques et comprendre les principes fondamentaux de la construction sonore. Quelques compositeurs contemporains indonésiens font d'ailleurs encore usage de ce symbolisme. Le puzzle du sacré Les ouvrages de la plupart des musicologues indonésiens ne manquent pas de citer les offrandes matérielles associées à la musique et le détail des rituels, ni de parler de certaines correspondances symboliques, et de philosophie. Un Occidental n'est pas toujours préparé à comprendre que ces assertions extra-musicales sont souvent plus fondées qu'elles n'en ont l'air. Là encore, certaines clés d'interprétation trouvées dans la culture sont nécessaires. Un puzzle se met alors en place pièce par pièce, du centre aux points cardinaux, un puzzle aux dimensions de l'univers, le puzzle du sacré hindou-javanais. |
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Le système de correspondances symbolique Ce système est d'origine autochtone, mais porteur d'éléments hindo-bouddhiques. Il est probablement le principal outil des réalisations symboliques et supposées magiquement efficaces. Décrivant l'harmonie universelle,
ET, tel qu'on le trouve encore à Bali (3 textes sur feuilles de palmier, en javanais ancien, étudiés à l'Académie Nationale de danse et de musique et publiés en lettres latines) ... - les notes de musique des échelles pélog et sléndro pentatoniques (avec le son "ong", équivalent au"Om" indien, au centre - donc "son du bronze" par excellence) : elles sont désignées par les voyelles I O E A U , selon l'usage de solmisation qui règne encore à Bali (ding dong dèng dung dang, ou nding ndong ndèng, ou ning nong nèng, nir nur nèr ou ninonè, selon le timbre de l'instrument imité et la vitesse).
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Deux visions contrastées | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Changement historique La cohérence de cet univers des royaumes concentriques n'est pas connue de tous, même en Indonésie, car elle appartient au passé et n'est aisément perceptible qu'à Bali, conservatoire de la culture hindou-javanaise. La société a changé depuis le XVIème siècle, à Java surtout, avec l'ouverture au monde, aux idées occidentales, puis au modernisme. Cette ouverture s'est faite par l'intermédiaire du commerce maritime international. En même temps qu'à l'islamisation de Java (par l'Inde et la Chine), elle a finalement conduit à des siècles de colonisation hollandaise, avant l'indépendance de la République d'Indonésie (1945). Apport de nouvelles conceptions L'idéologie centralisatrice des royaumes indianisés a cédé du terrain à une autre, finalement plus proche, sous certains aspects, de ce qu'étaient les valeurs villageoises autochtones [A1 ] Les conceptions métaphysiques, philosophiques, sociales et éthiques se sont modifiées sous l'influence de nouveaux apports occidentaux (l'islam étant occidental, relativement à l'Asie du Sud-Est): |
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Contraste des visions dans l'évolution socio-religieuse historique La quintessence, forme du pancer : sedulur papat lima pancer (4 assemblés en un 5 supérieur), selon deux interprétations. |
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Conséquences sur la vision de la musique Ce changement a sans doute influé à la fois sur l'évolution musicale, sur la théorie musicale moderne et sur l'enseignement académique. Bien que la structure musicale fondamentale perdure A2.2 : description générale, les mêmes phénomènes sont décrits différemment par un vocabulaire en accord avec la nouvelle vision. L'accent est mis, comme dans la musique occidentale,
beaucoup plus que sur les aspects cycliques, concentriques, arborescents. A moins que ces derniers ne soient trop familiers aux Indonésiens, trop proches pour être nettement vus. Il faut tenir compte du fait que, suite à l'islamisation, la musique de gamelan sur l'île de Java est devenue une activité de spécialistes souvent professionnalisés, une pratique proprement artistique, moins religieuse, citoyenne et communautaire qu'auparavant. Or, au premier rang de ces professionnels figurent les spécialistes du chant, de la narration (wayang), des instruments individuels, qui justement développent les aspects linéaires et mélodiques [B : instruments individuels] Ici nous nous livrons à une tentative d'archéologie musicale, pour dénicher l'ordre originel enfoui. Syncrétisme javanais et homogénéité balinaise Les "vrais" javanais, c'est-à-dire kejawèn, comme affirment l'être la plupart des artistes et des aristocrates javanais, portent en eux toutes les strates culturelles historiques : culture autochtone, indianisée, sinisée, islamisée, européanisée et modernisée. Ils cultivent le synchrétisme typiquement javanais dans leur spiritualité très intérieure, dans leur conception du monde, du divin, de la place de l'homme et de l'évolution et en pratiquent la fusion dans leur musique savante. La "javanité" est hétérogène, "Union de la diversité" (devise nationale), d'où l'impression de flou et de complexité devant ses manifestations esthétiques. Bali au contraire, fidèle à l'ancienne religion, montre un ordre impressionnant, spectaculairement affiché dans une extraordinaire profusion de rituels communautaires et dans une musique percussive sans voiles, technique, presque robotique. |
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